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Congrès du RN : si Marine Le Pen "veut conquérir le pouvoir", "elle doit élargir" son électorat tout en "rassurant les vieux briscards", selon un spécialiste

Marine Le Pen doit être réélue dimanche à la tête de son parti lors du congrès du Rassemblement national à Perpignan.

Article rédigé par franceinfo
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Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, à Nanterre le 27 juin 2021. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Si Marine Le Pen "veut conquérir le pouvoir" pour la présidentielle, "elle doit encore élargir" son électorat et "rassurer les vieux briscards", souligne sur franceinfo Erwan Lecœur, politologue et sociologue, alors que se tient dimanche 4 juillet à Perpignan le 17e congrès du Rassemblement national. Marine Le Pen, seule candidate, fragilisée au sein même de son parti après l’échec des élections régionales et départementales, va être réélue "sans suspense" à la tête du parti.

"Elle doit donc continuer à élargir son électorat, avec le risque qu'une partie - les vieux briscards de l'électorat - se rappelle à elle en lui disant, là, on va trop loin, on dénature, on n’est plus le Front national historique. Elle prend ce risque parce qu'il y a plusieurs électorats désormais au sein du Front national", explique le spécialiste de l'extrême droite.

franceinfo : Marine Le Pen doit être réélue ce dimanche présidente du Rassemblement national. Il n'y a vraiment aucun suspense ?

Erwan Lecœur : De toute façon, il n'y a jamais de suspense au sein du Front national depuis ses débuts. Jean-Marie Le Pen s'est fait élire président du parti par acclamation. Aujourd'hui, c’est un vote, mais il n'y a qu'une candidate et donc il n'y a aucun suspense. Marine Le Pen est la nouvelle présidente du Rassemblement national pour quelques années.

Le Rassemblement national comme le Front national, c'est d'abord un lepénisme. C'est d'abord et avant tout la famille Le Pen, la saga Le Pen, le père puis la fille. À chaque fois qu'une autre personnalité a tenté de prendre la direction du parti, ça s'est très mal fini pour lui. Par exemple, Bruno Mégret en 1998 et 1999. Il n'y a pas de concurrence interne qui pourrait éventuellement la renverser et c'est d'une certaine façon la seule fragilité réelle de ce parti.

Quel va être le rôle de Jordan Bardella ?

Il est déjà vice-président. Mais il va être éventuellement nommé président par intérim, c'est-à-dire que pendant que Marine Le Pen va aller faire la campagne présidentielle au nom des "patriotes" et plus seulement au nom du seul Rassemblement national, elle va confier le parti à un de ses proches. C'est soit son ancien compagnon (Louis Aliot), soit son neveu par alliance (Jordan Bardella). Mais de toute façon, ça reste un peu en famille d'abord.

Jordan Bardella est jeune, 25 ans, donc, il n'est pas très concurrentiel. Il ne va pas prendre le parti. Il vient d'arriver en politique. Il est certes relativement brillant sur les plateaux, mais pas encore assez en politique pour mettre en concurrence ou en difficulté Marine Le Pen. Ce serait la voix de la tranquillité que de mettre Jordan Bardella à ce poste.

Marine Le Pen doit donner un discours dans l'après-midi de dimanche, préciser sa stratégie pour cette élection présidentielle. Et il n'y a pas de changement de cap à attendre ?

Non, il n'y en n'a pas eu depuis les années 1990 et la mise en forme par Bruno Mégret de la stratégie pour tenter de conquérir le pouvoir. Ce qui n'était pas le cas de Jean-Marie Le Pen, qui ne souhaitait pas forcément prendre le pouvoir. Marine Le Pen a suivi cette stratégie élaborée, théorisée par Bruno Mégret, qui consiste à dire qu'il faut aller piocher dans la droite pour atteindre les 30 %, qui est le score que l'extrême droite, le Front national à l'époque, devait atteindre pour prendre le pouvoir.

Cette stratégie, c'est celle de Marine Le Pen depuis des années maintenant. Elle est entourée de gens qui veulent prendre le pouvoir. C'est la nouveauté et pour cela, elle doit donc continuer à élargir son électorat, avec le risque que l'on a vu aux dernières régionales, qu'une partie - les vieux briscards de l'électorat - se rappelle à elle en lui disant, là, on va trop loin, on dénature, on n’est plus le Front national historique.

Elle prend ce risque parce qu'il y a plusieurs électorats désormais au sein du Front national. Si elle veut conquérir le pouvoir, elle doit encore élargir, encore attirer à elle des gens qui viennent de la droite, notamment si elle veut envisager d'avoir des élus députés. Donc, elle n'a pas le choix. Cette stratégie est la bonne. La seule chose qu'elle doit faire aujourd'hui, c'est rassurer les vieux briscards en interne, au sein du parti.

Aucune région conquise aux régionales, des élus perdus aux élections départementales aussi, et malgré tout, il n'y a pas de remise en question de cette stratégie ?

Il n'y a pas eu réellement de grands succès, sauf aux régionales de 2015, juste après les attentats. En 2015, on doit le relativiser puisqu’il y a un contexte très particulier. Depuis, Marine Le Pen fait des bons scores aux européennes, mais ça a toujours été le cas. C'est d'ailleurs l'élection qui a fait connaître le Front national en 1984. Mais les municipales ont déjà été un échec relatif, c'est-à-dire qu'ils ont perdu pratiquement la moitié de leurs élus aux municipales pour plusieurs raisons qui sont également des raisons internes, notamment le management intermédiaire du Rassemblement national qui pèche énormément. Les élus locaux s'en vont en cours de mandat ou ne sont pas réélus.

L'électorat du Rassemblement national, c'est aussi des gens qui veulent gagner, c'est-à-dire qu'ils se déplacent quand il s'agit de regagner une ville. Éventuellement, ils se déplacent pour conquérir une ville, comme Perpignan. Mais par contre, ils ne se déplacent plus pour aller juste dire qu'ils ne sont pas contents. Cet électorat ne se déplace plus. Il devient lui aussi "abstentionniste potentiel". Et c'est là qu'il y a une nouveauté. Marine Le Pen doit mobiliser son électorat en vue de la présidentielle et encore plus en vue des législatives.

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