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Céline Dion, nudité et punitions : huit anecdotes à retenir des Mémoires de Jean-Marie Le Pen

A dix jours du congrès du FN à Lille, Jean-Marie Le Pen, président d'honneur et cofondateur du parti, publie ses Mémoires. Franceinfo a retenu huit anecdotes marquantes de ce testament politique.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 15min
Jean-Marie Le Pen, le 27 janvier 2016, lors d'une séance photo à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). (JOEL SAGET / AFP)

"Alors vous savez, ma mauvaise réputation, (...) je m'en moque", lâche Jean-Marie Le Pen dans le dernier paragraphe du premier volume de ses Mémoires (Fils de la nation, Editions Muller). Sorti en ligne mercredi 28 février, et en librairies jeudi, à dix jours du congrès du Front national, l'ouvrage alterne souvenirs familiaux, règlements de comptes et testament politique. De la naissance de l'auteur en 1928 à la fondation du FN en 1972, le livre offre une plongée nostalgique dans une France tourmentée par la guerre et la décolonisation.

Au fil des 400 pages, le président d'honneur du FN livre sa part de vérité en passant ses interprétations historiques au filtre du présent. Il s'attarde sur ses thèmes de prédilection : son anticommunisme viscéral, son antigaullisme lié à la défense de l'Algérie française, sa dénonciation de "l'invasion" migratoire ou encore sa volonté de réhabilitation du maréchal Pétain comme de l'écrivain Robert Brasillach. Tous les ingrédients de ses provocations passées sont là. Et, au milieu des longs développements idéologiques, se glissent des anecdotes tantôt savoureuses, tantôt éclairantes sur ce sulfureux personnage de l'histoire politique française.

1La mauvaise éducation

Pour mieux fustiger le système éducatif actuel, Jean-Marie Le Pen se remémore avec émotion son parcours scolaire, de l'école communale au collège des Jésuites de Vannes (Morbihan). Dans cet établissement, il ose, après l'automne 1942, introduire un magazine sur la "Grande Guerre" de la collection Lectures pour tous. Le règlement est pourtant clair : "Nulle publication d'aucune sorte ne pouvait entrer au collège sans la signature du préfet de discipline." Cet écart de conduite lui vaut donc "cinq jours de cachot", "isolé dans une pièce fermée à clef, dont la fenêtre portait des barreaux". Et encore, habituellement "c'était un cas de renvoi automatique", mais le jeune collégien, devenu pupille de la Nation après la perte de son père, bénéficie de la "mansuétude" des Jésuites.

Jean-Marie Le Pen n'exprime nul regret en contant cet épisode. Au contraire, il interpelle un peu plus loin les "pédagogues d'aujourd'hui" : "- Crétins ! Vous volez leur vie aux enfants que vous prétendez sauver. (...) Enseignez à vos élèves la discipline, le travail dur, le courage, ils vous en seront reconnaissants, ils arracheront la vie à pleines dents. Ne leur donnez pas la becquée jusqu'à 25 ans." Un plaidoyer qui fleure bon l'antienne nostalgique "C'était mieux avant". 

2Céline Dion, Tino Rossi et la Wehrmacht

Dans un chapitre intiulé "Le bonheur en chantant", Jean-Marie Le Pen explique qu'il chante partout, sous sa douche, sur les bateaux, comme à la tribune de l'Assemblée nationale, et écoute de temps en temps de la musique sur Deezer. Il détaille surtout ses goûts éclectiques : "Des berceuses apprises de ma mère, des cantiques de ma grand-mère, des chants de marins de mon père, de la variété française de Tino Rossi à Céline Dion, des chansons à boire, du carabin gaillard, de tout vraiment, de quelque bord et de quelque inspiration que ce soit, des chants de la légion dont certains viennent de la Wehrmacht, les chansons de la Commune de Paris ou des républicains espagnols, d’autres anarchistes, quelques-unes fascistes et monarchistes bien sûr (...)"

J'ai chanté aussi le répertoire bolcho, des chants anarchistes, d'autres de la SS, et ça ne fait de moi ni un communiste, ni un anarchiste, ni un nazi.

Jean-Marie Le Pen

Il demeure un style musical qu'il exècre, le rap : "On m'a reproché d'avoir dit un jour que le rap était une attaque barbare contre la poésie populaire. C'est pourtant cela (...). C'est le grand remplacement du chant de la France." Pour le reste, il revendique une diversité qu'il continue de cultiver en fondant en mars 1963 la Serp (Société d'études et de relations publiques). Sa maison de disques édite notamment des discours de Pétain, des chants anarchistes, des poèmes de Robert Brasillach ou encore des chants de l'armée allemande : "Quatre disques, parmi les plus grands succès, ils ont servi de cheval de trait à la Serp, cent mille exemplaires chacun en vingt ans." 

3La rencontre avec De Gaulle : "Il me parut laid"

Chapitre après chapitre, Jean-Marie Le Pen aime narrer ses amitiés avec le Tout-Paris. Claude Chabrol, Eric Tabarly, Michou... il ne repousse pas les paillettes au point de relater certains rendez-vous manqués. Comme avec Georges Brassens, avec qui il n'a jamais réussi à trouver une date pour dîner. 

Il aime également détailler ses entrevues avec les puissants. Sa première rencontre, à l'âge de 17 ans, avec le général de Gaulle, débouche sur une déception : "J’allais voir le 23 juillet le général de Gaulle à Auray (Morbihan). Pour toucher le grand homme. Il n’avait pas encore acquis le métier des bains de foule et passait hiératique, un peu excédé, au milieu de la masse enthousiaste. Je serrai cette main indifférente. Il me parut laid et dit quelques banalités à la tribune tendue de tricolore. Il n’avait pas une tête de héros." Une mauvaise impression à la source d'un antigaullisme qui deviendra virulent avec l'indépendance de l'Algérie. 

Un héros doit être beau. Comme saint Michel ou le maréchal Pétain. J’étais à nouveau déçu.

Jean-Marie Le Pen

Jean-Marie Le Pen a une tendance à verser dans la morphopsychologie. Il se montre encore plus sévère avec Pierre-Mendès France, l'ancien président du Conseil qui signe en 1954 les accords de Genève pour obtenir la paix en Indochine : "Parlementaire, j'aurai des mots avec ce personnage, qu'on décrit volontiers en homme d'Etat intègre mais qui était en fait aussi suffisant qu'insuffisant, et très déplaisant. Au moral comme au physique."

4Le Don Juan de Saint-Germain-des-Prés

S'il ne s'attarde pas sur la perte de sa virginité en août 1944 à Carnac (Morbihan) "avec une voisine", Jean-Marie Le Pen n'hésite pas à signaler les multiples rencontres amoureuses de sa jeunesse, que ce soit en Indochine ou à Saint-Germain-des-Prés. Il ne rechigne pas à se mettre en valeur avec une certaine vantardise : "Il est vrai que j'aimais les femmes, j'étais grand, fort, blond aux yeux bleus, cela plaisait à certaines, je ne vois pas pourquoi je me serais privé. D'autant que j'étais un amant sûr. En ces temps où la pilule n'existait pas, c'était un avantage capital et cela se savait, les filles parlaient entre elles." 

A son arrivée à Paris pour ses études de droit, il est contraint de vivre de petits boulots, notamment comme métreur dans les appartements parisiens. Cette dernière activité lui permet de se livrer à des activités pas très catholiques : "Un jour nous nous trouvions, un collègue et moi, dans une chambre de bonne au septième étage d'un immeuble du septième arrondissement, occupés à emmener au septième ciel une étudiante d'excellente famille et sa copine quand on ouvrit la porte en frappant : c'était la tante (...). J'avais eu le temps de me désarrimer et de rabattre le drap."

Jean-Marie Le Pen lors d'un séance photo dans les années 1950 au studio Harcourt, à Paris. (AFP)

5Les dieux du stade

A travers le récit de ses 44 premières années, le président d'honneur du FN exalte souvent la virilité et la force physique. Etudiant, cet amateur de rugby ne dit jamais non à une bonne bagarre. Fier de son corps, il se laisse aussi parfois aller à la limite de l'exhibitionisme. Il détaille ainsi un séjour en Grèce au cours de ses études, où la visite du temple de Zeus à Olympie lui donne chaud : "Je me dirigeai vers le stade (...). Je me déshabillai et me mis dans la position du départ, comme les athlètes deux-mille ans plus tôt, nu comme il convenait."

Le spectacle était interdit aux femmes mariées mais conseillé aux jeunes filles pour qu’elles y contractent l’envie d’enfanter. Je n’en vis aucune ce jour-là.

Jean-Marie Le Pen

Grisé par cette sensation de liberté, le jeune touriste recommence un peu plus tard à Athènes : "Je grimpai presque en courant vers le Parthénon. J'étais seul, encore une fois, et encore une fois je me mis nu. Puis je picorai mes olives et me repus de ma pastèque dont je jetai le vert sous un arbuste." 

6Dispensé de torturer

Jean-Marie Le Pen consacre plusieurs pages à la torture en Algérie (qu'il préfère nommer pudiquement "interrogatoires spéciaux"). Il raconte notamment une scène où son supérieur lui propose de le muter pour éviter d'assister à des scènes que la morale pourrait réprouver. Selon son récit, il décline l'offre et retranscrit sa réponse : "Mon colonel, ils vous couvrent de boue et la grande muette ne peut pas répondre. Moi, redevenu parlementaire, je serai libre de parler, je serai son porte-voix."

Jean-Marie Le Pen participe à la commémoration de la bataille de Dien Bien Phu, le 8 mai 1958, sous l'Arc de Triomphe, à Paris. (AFP)

Pour autant, le lieutenant Le Pen du 1er régiment étranger de parachutistes nie avoir participé personnellement à des actes de torture. Il prend quand même soin de justifier avec vigueur les actes de violence : "Cette horreur, notre mission était d’y mettre fin. Alors, oui, l’armée française a bien pratiqué la question pour obtenir des informations durant la bataille d’Alger, mais les moyens qu’elle y employa furent les moins violents possible."

Y figuraient les coups, la gégène et la baignoire, mais nulle mutilation, rien qui touche à l’intégrité physique.

Jean-Marie Le Pen

"Il est plus que ridicule, il est pervers, il est profondément immoral, de jeter l’opprobre sur des hommes qui ont le courage d’utiliser sur ordre, pour obtenir le renseignement qui sauvera des civils, des méthodes brutales qui leur pèsent, qui leur coûtent", poursuit l'ancien député frontiste, qui qualifie la campagne contre la torture en Algérie de "pitrerie" et de "scandale moral". Il tente ensuite de ridiculiser les accusations publiées dans la presse, résumées par Le Monde, concernant les actes qu'il aurait commis : "Il s'agit d'une machination politique contre un parti qui avait le vent en poupe. Tout y est risible et sans fondement. (...) C’est du bidon, du bidon, évidemment du bidon." Il oublie au passage de dire qu'il a perdu son procès en diffamation contre Le Monde.

7La mort d'un œil

Jean-Marie Le Pen revient dans ses Mémoires sur un épisode douloureux de sa vie : la perte de son œil gauche. Contrairement à de précédentes versions de cette histoire (il avait affirmé avoir laissé son œil en 1958 dans une bagarre en défendant un ami algérien), l'accident intervient en 1965, lors de la campagne présidentielle du candidat d'extrême droite Jean-Louis Tixier-Vignancour. "La campagne est épuisante, avec l'organisation à surveiller, un discours chaque soir et chaque jour le chapiteau à monter et à démonter. A Hyères, en maniant le maillet pour enfoncer une sardine où l’on attache les cordes de tension, j’ai un choc à l’œil, on doit m’hospitaliser. Décollement de la rétine. La tuile", raconte-t-il.

Jean-Marie Le Pen à la tribune, à Paris, le 3 février 1973, lors de la campagne pour les élections législatives. (AFP)

L'ancien para prend alors le train "les deux yeux bandés" en direction de Lyon, pour consulter un spécialiste : "Son diagnostic est sans espoir : hémorragie dans le vitré. Il m’opère, mais je perds la vue d’un œil qui restera sensible à la douleur qu’elle lui cause. C’est pourquoi je porterai un bandeau, d’abord pour me protéger contre les batteries de projecteurs que l’on affronte sur scène." Le spécialiste l'invite à redoubler de vigilance car il pourrait perdre l'autre œil, "par un phénomène qu’il nomme pathologie sympathique". Il se fera opérer quelques années plus tard et le bandeau laissera place à un œil de verre.

8L'honneur des chiens de Montretout

Jean-Marie aime les animaux, au point qu'il choisit de leur consacrer un chapitre de ses Mémoires. Passée la longue litanie de ses petits compagnons à poil (on apprend au passage qu'il a eu des hérissons et un rat blanc, nommé Gaston), le "Menhir" tient à rétablir sa vérité concernant la mort de la chatte de sa fille. Marine Le Pen avait raconté en 2015 la mort de son félin Artémis, tué par un chien à Montretout, le domaine familial de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Un incident qui avait d'ailleurs précité le déménagement de la présidente du FN.

La presse avait fait de l'un des chiens de Jean-Marie Le Pen le coupable désigné de cette mort prématurée, mais ce dernier relate une autre version. "Ce ne sont pas mes chiens, ce sont les chiens qui protègent les gens qui vivent à Montretout, où je ne vis plus moi-même depuis plus de trente ans, argumente le patriarche. "Ensuite le chat était déjà aux trois quarts mort, tombé d'un arbre à terre, ils n'ont fait que l'achever en jouant avec lui comme une peluche." Il se défend encore en expliquant qu'il a recueilli et non choisi ces molosses, "un peu bas-rouge, un peu beauceron, noirs et très impressionnants, bons gardiens mais sympathiques".

Cette histoire n'était qu'un prétexte pour rompre. Qui veut tuer son père accuse ses chiens de la rage.

Jean-Marie Le Pen

"Chez les oiseaux, les parents chassent les oisillons du nid pour qu'ils volent de leurs propres ailes ; dans la famille Le Pen, c'est l'inverse, l'oiselle a viré l'aigle de son aire pour devenir adulte", conclut-il. Reconnaissant ne pas avoir été un père très présent – laissant souvent ses filles à une nounou pour partir vivre des aventures en couple – Jean-Marie Le Pen ne s'attarde pas sur ses relations filiales. Il évoque tout de même avec une pointe d'aigreur la situation actuelle de son parti et l'échec de Marine Le Pen à la présidentielle : "Le prochain congrès du FN s'annonce houleux. Elle est assez punie comme cela pour qu'on ne l'accable pas. Un sentiment me domine quand j'y pense : j'ai pitié d'elle."

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