Projet de loi immigration : ce que l'on sait des accusations de "corruption" de députés portées contre Gérald Darmanin
Le ministre de l'Intérieur a-t-il tenté de proposer à des députés des avantages pour leur circonscription afin de les convaincre de ne pas voter la motion de rejet contre le projet de loi sur l'immigration ? C'est ce que reproche la gauche à Gérald Darmanin, alors que cette motion a finalement été adoptée lundi 11 décembre.
La bataille, commencée à l'Assemblée nationale, est désormais portée sur le terrain judiciaire. La députée Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise, a saisi mardi la procureure "sur des faits pouvant s'apparenter à de la corruption d'élus par Gérald Darmanin". Le ministre de l'Intérieur a répliqué dans la soirée par l'annonce d'un dépôt de plainte en retour.
Voici ce que l'on sait de ces accusations qui pèsent sur Gérald Darmanin, en pleine incertitude sur l'issue de ce texte majeur du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
Un député socialiste a été contacté par erreur
Le député socialiste Philippe Brun a raconté à plusieurs médias, dont Libération et l'AFP, avoir été contacté par le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur. Celui-ci lui aurait annoncé que la demande de brigade de gendarmerie qu'il avait formulée pour une commune de sa circonscription était acceptée, ajoutant : "Vous savez ce que le ministre attend de vous..." Or, selon l'élu socialiste, l'entourage du ministre l'a confondu avec son homonyme, le député Les Républicains Fabrice Brun.
D'après le président du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud, cet appel est intervenu avant le vote de la motion de rejet. "Franchement, vous n'avez pas le sentiment d'un truc un peu désespéré de la part du ministre ?", a interrogé l'élu sur franceinfo.
Les écologistes réclament une commission d'enquête
Après ces révélations de Philippe Brun, les députés écologistes ont demandé la création d'une commission d'enquête, mardi matin, lors de leur point-presse hebdomadaire. Dans l'Hémicycle, la présidente du groupe écologiste, la députée Cyrielle Chatelain, a dénoncé les "méthodes crapuleuses" de Gérald Darmanin.
"Si ces faits sont avérés, c'est un scandale d'Etat. C'est extrêmement grave", a dénoncé le député écologiste Benjamin Lucas sur franceinfo. L'élu met au défi "la majorité présidentielle et la présidente de l'Assemblée" d'accepter sa demande de commission d'enquête parlementaire.
"Si le ministre n'a rien à cacher, et si son cabinet n'a rien à se reprocher, ils ont tout intérêt à accepter."
Benjamin Lucas, député écologistesur franceinfo
Il s'agit "d'un espace du Parlement transpartisan", fait-il valoir, imaginant même que cette commission puisse être "présidée, pourquoi pas, par un membre de la majorité présidentielle".
La députée insoumise Mathilde Panot a saisi le parquet
La cheffe de file des députés insoumis a de son côté annoncé qu'elle allait saisir la procureure de la République "sur des faits pouvant s'apparenter à de la corruption d'élus". "Marchander des votes pour éviter le rejet de sa loi immigration, contre des gendarmeries, des brigades de gendarmes mobiles ? Ces faits, s'ils sont avérés, sont une atteinte grave à l'exercice démocratique !", a-t-elle affirmé sur le réseau social X (ex-Twitter).
Dans son courrier à la procureure, Mathilde Panot fait également état d'un article de Paris Match qui évoque trois députés LR approchés par le ministère de l'Intérieur. Il s'agit de Jérôme Nury, Nicolas Forissier et Virginie Duby-Muller. Le premier s'est abstenu, lors du vote de la motion de rejet, le deuxième a voté contre et la troisième n'a pas pris part au scrutin. "Le ministre de l'Intérieur n'est pas dans une logique de marchandage. Bien qu'il admette, à demi-mot, qu'il peut parfois trancher favorablement. Mais à la marge", assure Nicolas Forissier à l'hebdomadaire.
Gérald Darmanin annonce une plainte pour "diffamation"
Gérald Darmanin "va porter plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse", a annoncé son entourage à Radio France, mercredi, confirmant une information de l'Agence France Presse. "Le cabinet du ministre a l'habitude de répondre aux demandes des parlementaires, comme ce fut le cas pour le député Fabrice Brun, député Les Républicains de l'Ardèche, au sujet de sa brigade de gendarmerie", explique l'entourage du ministre. "Ce projet immobilier avait été remonté en juillet et formellement validé en octobre, assure cette même source. Ce n'est donc pas à l'occasion des débats parlementaires sur l'immigration que la décision a été prise, mais plusieurs mois avant."
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