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Concurrence, éloignement, délitement de LREM... On vous explique pourquoi Gérard Collomb a précipité son retour à Lyon

Après avoir forcé la main du président de la République pour quitter la place Beauvau, l'ancien ministre de l'Intérieur n'a pas perdu une seconde pour rejoindre son fief, mercredi. 

Article rédigé par franceinfo
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L'ex-ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, quittant l'Elysée, à Paris, le 24 septembre 2018. (LEWIS JOLY/SIPA / LEWIS JOLY)

"Regardez le ciel ici, il est magnifique ! Il faisait gris à Paris et là tout d'un coup, il fait bleu." En descendant du TGV qui l'a ramené à Lyon, mercredi 3 octobre, Gérard Collomb sourit. Il est de retour dans sa ville qu'il avait quittée un soir de mai 2017 pour suivre Emmanuel Macron, alors élu président de la République.

Après le psychodrame de sa démission et la passation de pouvoir glaciale avec Edouard Philippe, l'homme de 71 ans s'est précipité dans la cité où il compte déjà trois mandats. Et c'est tout sauf un hasard si Gérard Collomb ne voulait pas rester une minute de plus à Paris.

Il redoute la concurrence pour la mairie de Lyon en 2020

Habitué à régner en maître dans sa ville depuis 2001, Gérard Collomb pensait retrouver sa place, sans trop de difficultés. Le fidèle Georges Képénékian lui a d'ailleurs rendu son poste sans sourciller. Dans Le Figaro, l'homme évoquait "un contrat moral" et un"engagement" entre Gérard Collomb et lui "pour mener campagne" à Lyon, en vue des municipales de 2020.

Mais entre Saône et Rhône, tout le monde ne l'entend pas forcément de cette oreille. Ainsi le président LREM de la métropole de Lyon, David Kimelfeld, en poste, depuis juillet 2017 a clamé dans Le Figaro qu'il n'était pas "un intermittent ou un intérimaire"

Je ne suis pas un président de métropole passif qui attend que quelqu'un revienne, ou pas.

David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon

dans "Le Figaro"

Plus diplomate que l'ancien ministre de l'Intérieur, David Kimelfeld bénéficie de soutiens et entend "jouer un rôle en 2020". Une ambition malvenue pour un Gérard Collomb plutôt omnipotent. "Dès qu'une tête commence à dépasser, elle fait de l'ombre, il la coupe", affirmait au Monde un ancien adjoint à la mairie lyonnaise.

Pour l'instant, la situation n'inquiète pas Gérard Collomb, qui a balayé les rumeurs d'un retour à la tête de la métropole. "Dans les statuts de la métropole, on ne peut pas être à la fois maire de Lyon et président de la métropole, a-t-il rappelé à France 3 Rhône-Alpes. Je suis là pour rassembler et apaiser." Pas de quoi convaincre Nathalie Perrin-Gilbert (divers gauche, opposante au maire). Selon elle, l'ancien ministre de l'Intérieur est très attaché à la métropole. "Si Gérard Collomb doit renoncer à son bébé, il sera dans une telle colère qu'il déclenchera une guerre nucléaire", juge la maire du 1er arrondissement.

Il n'est plus en terrain conquis

Par la force des choses, Gérard Collomb s'est éloigné du quotidien des Lyonnais. Et comme le dit l'adage, loin des yeux, loin du cœur. Philippe Cochet, président de la fédération Les Républicains du Rhône, ne dit pas autre chose : "Gérard Collomb pense que tout le monde l'attend à Lyon avec des fleurs et beaucoup de plaisir. Quand on écoute ses amis, notamment lorsqu'ils souhaitent qu'il prenne sa retraite politique, je pense que son retour à Lyon n'est pas aussi aisé qu'il veut bien le reconnaître", assurait-il à franceinfoSon retour, s'il ne surprend personne à Lyon, divise. Ses partisans saluent le bon maire qu'il était, mais certains l'invitent aussi à passer la main. 

Plusieurs événements lui ont d'ailleurs mis la puce à l'oreille. Lors d'une remise de la Légion d'honneur à Georges Képénékian, début septembre, des grands patrons l'ont interrogé sur un éventuel nouveau mandat à Lyon. "2020 ne serait pas le mandat de trop ?" lui ont-ils soufflé, avance Le Parisien. Puis il y a eu cette lettre ouverte de Jacqueline Vottero, ancienne camarade socialiste de Gérard Collomb, qui l'invitait à passer la main. "Votre devoir supérieur est dans la transmission. L'heure est venue", est-il écrit. 

Il a senti que le mouvement La République en marche se délitait

Selon Le Point, un retour à Lyon n'était pas prévu avant le printemps 2019. Pourquoi une telle précipitation ? La cause est, peut-être, à chercher dans la réunion régionale de La République en marche, qui s'est tenue samedi 29 septembre. "Il y avait 350 personnes, c'était extrêmement froid. Il y avait toute une ambiance qui a amené Collomb à réfléchir et à prendre sa décision de partir", abonde une source au sein de la majorité. "Il s'est rendu compte qu'il n'avait plus grand monde autour de lui. (...) Il a paniqué", raconte un cadre local dans Le FigaroCette faible affluence interpelle dans le berceau de la Macronie, où les meetings du mouvement rassemblaient habituellement le double de militants.

Selon ses opposants, ce départ du gouvernement ne va pas forcément aider le mouvement présidentiel à se relever. La façon de faire, déjà, n'est pas celle du "nouveau monde" promis en mai 2017, d'après Philippe Cochet.

C'est un retour de l'ancien monde à l'état pur. Pousse-toi de là, que je m'y mette, et tout cela sans consulter les Lyonnais, je trouve cela très étonnant.

Philippe Cochet, président de la fédération Les Républicains du Rhône

à franceinfo

Mais sa démission forcée du gouvernement n'arrange pas non plus sa cause. "Il était plutôt En marche ! et je ne sais pas si maintenant, il va l'être encore avec ce qui se passe avec M. Macron", estime Pascal Blache, le maire divers droite du 6e arrondissement de Lyon. Gérard Collomb assure pourtant qu'il n'y a pas de rupture avec le président de la République. Toutefois en juin, il avait tout de même lancé sa propre association pour préparer 2020, précise Le Monde, confirmant l'impression d'un élu de La République en marche : "Collomb envisage de partir sous l'étiquette Collomb, comme il l'a toujours fait", avançait ce dernier au Point. Le nom de cette association ? Prendre un temps d'avance. Mais actuellement, Gérard Collomb essaie surtout de rattraper son retard.

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