Quatre questions sur le "licenciement" de Ségolène Royal en tant qu'ambassadrice des pôles
L'ancienne ministre de l'Écologie a annoncé sur les réseaux sociaux mardi son licenciement à venir dans les prochains jours.
Ségolène Royal s'est déclarée démise de ses fonctions d'ambassadrice des pôles, mardi 14 janvier. Nommée en 2017 par le gouvernement, ce dernier lui reproche ses prises de positions et lui rappelle, dans un courrier, son "devoir de réserve". Son licenciement sera officialisé lors du Conseil des ministres du vendredi 24 janvier. Par ailleurs, le parquet national financier ouvre une enquête préliminaire visant Ségolène Royal, a appris la cellule investigation de Radio France de source judiciaire.
Que reproche le gouvernement à Ségolène Royal ?
Trop de critiques incompatibles avec le devoir de réserve. Depuis plusieurs semaines, Ségolène Royal multiplie les piques contre le gouvernement sur Twitter ou lors d'interviews. Elle a notamment dénoncé "l'orgueil du pouvoir" face aux grévistes ou encore une réforme des retraites "mal préparée et injuste". Cette attitude répétée a visiblement déplu. Le 10 janvier, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne se demandait sur franceinfo si ces critiques étaient "compatibles avec un poste d'ambassadeur qui appelle une certaine réserve ? On peut se demander."
"Elle n'y est pas allée de main morte depuis le début de la contestation de la réforme des retraites, note Renaud Dély, éditorialiste à franceinfo. Elle a dénoncé 'la brutalité du gouvernement, la volonté du chef de l'État de casser le modèle social français'." On peut rajouter à cette liste le tweet publié au lendemain de l'annonce d'Emmanuel Macron qui renonce à sa future pension de président de la République. "La vraie question c’est de savoir s’il renonce à retourner après l’Élysée dans le monde du business mondialisé avec les énormes retraites chapeaux qui vont avec", avait-elle écrit sur son compte Twitter.
Selon la députée européenne EELV Karima Delli, Ségolène Royal "paie son culot. Elle n'a pas sa langue dans sa poche." L'élue écolo regrette sur franceinfo mercredi 15 janvier la situation actuelle : "Pour moi c'est une occasion manquée de mettre en lumière le problème de l'Arctique."
Pourquoi le gouvernement s'interroge sur sa mission d'ambassadrice des pôles ?
En plus des critiques de Ségolène Royal, l'exécutif n'est visiblement pas convaincu du travail fourni par l'ancienne ministre de l'Écologie. Dans son enquête publiée en novembre dernier, la cellule investigation de Radio France avait révélé que Ségolène Royal n'était pas ambassadrice des pôles à plein-temps. "Entre la promotion de ses livres, sa fondation et un agenda médiatique très chargé, ses activités diplomatiques devaient représenter moins de la moitié de son temps, note le journaliste Sylvain Tronchet. L'enquête menée par la cellule investigation de Radio France montrait aussi qu'elle privilégiait les opérations de communication aux rencontres diplomatiques". Par exemple, les feuilles de présence au Conseil de l'Arctique attestent que Ségolène Royal n’y est jamais venue.
Elisabeth Borne, sur franceinfo le 10 janvier dernier, avait d'ailleurs affirmé qu'elle n'avait pas rencontré Ségolène Royal depuis qu'elle a pris la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire, en juillet 2019. "Elle n'a pas jugé utile de venir me parler de sa mission", avait déclaré Elisabeth Borne. À l'initiative de deux députés UDI et LREM, Ségolène Royal va être convoquée à l'Assemblée pour s'expliquer sur l'utilisation de ses moyens d'ambassadrice des pôles.
Les moyens utilisés par Ségolène Royal sont-ils en cause ?
La mise en cause de Ségolène Royal a débuté par des soupçons émis par deux députés UDI et LREM, l'accusant d'utiliser l'enveloppe allouée pour ses frais d'ambassadrice à des fins personnelles. L'intéressée se défend en pointant que son travail d'ambassadrice est "bénévole". Dans son post Facebook où elle annonce son prochain licenciement, elle évoque d'ailleurs l'initiative de ces deux élus. "Ils ont menti car l’Assemblée nationale n’a jamais voté de commission d’enquête. Ils se seront fait davantage connaître par ce coup d’éclat que par leurs travaux parlementaires."
Selon Sylvain Tronchet, journaliste à la cellule investigation de Radio France, Ségolène Royal "utilisait le personnel mis à sa disposition par le Quai d'Orsay pour assurer sa promotion ou ses activités politiques, même si elle s'est défendue en disant que c'était sur leurs temps libre que ces personnels intervenaient. Cependant, selon lui, "il est sans doute compliqué pour le ministère de lui reprocher le mauvais usage éventuel de moyens qu'il est sensé contrôlé". "Ce que cette affaire souligne, c'est le problème du statut des ambassadeurs thématiques", poursuit Sylvain Tronchet. "C'est un statut dérogatoire à de nombreuses règles de la fonction publique. Les nominations et les révocations sont discrétionnaires". On compte en France 21 ambassadeurs thématiques.
"Y voir un complot, à mon avis, est un hors-sujet total" estime mercredi 15 janvier sur franceinfo Matthieu Caron, directeur de l'observatoire de l'éthique publique. "C'est un emploi très élevé dans la hiérarchie administrative, qui a une fonction un peu hybride entre politique et administratif, et qui nécessite une loyauté totale." Selon lui, Ségolène Royal avait bien un devoir de réserve.
Que va faire Ségolène Royal maintenant ?
L'ancienne ministre de l'Écologie va d'abord se défendre. Sur Facebook, elle assure que "le bilan complet de son action sera publié dans quelques jours". Surtout, Ségolène Royal promet qu'elle ne taira pas ses critiques envers le gouvernement. Elle répète "que personne, et surtout pas Emmanuel Macron, ne lui ôtera sa liberté de parole, explique sur franceinfo l'éditorialiste Renaud Dély. Elle entend bien continuer à en user. Au fond d'elle, l'ancienne candidate de 2007 rêve de remettre ça. Elle s'est lancée dans un tour de France pour soutenir des candidats de gauche aux municipales, tout en testant sa propre popularité."
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