Six questions sur la baisse de dotations aux collectivités territoriales
Un décret signé le 20 juillet et révélé par "Libération" réduit de 300 millions d'euros la dotation aux collectivités locales pour l'année 2017.
Mauvaise nouvelle pour les collectivités locales. L'Etat a décidé d'annuler par décret plus de 300 millions d'euros de dotations qui leur étaient destinées pour 2017, selon une information de Libération confirmée par franceinfo. A quoi servent ces dotations ? Quels sont les territoires touchés ? Comment réagissent leurs représentants ? Franceinfo résume ce qu'il faut savoir de cette décision.
Qui est visé par cette décision ?
Les collectivités locales, qu'on appelle également collectivités territoriales. Cette catégorie administrative regroupe les communes, les départements et les régions françaises, en métropole et en outre-mer.
Pourquoi cette baisse de dotations ?
Cette réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) s’inscrit dans un plan d’économies plus large de 4,5 milliards d’euros annoncé mi-juillet par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Lors de la conférence nationale des territoires au Sénat le 17 juillet, Emmanuel Macron avait d'ailleurs confirmé que les collectivités territoriales devraient participer à hauteur de 13 milliards d'euros aux économies sur la durée du quinquennat. L'objectif pour le chef de l'Etat est de respecter la fameuse règle du déficit des 3% du PIB imposée par Bruxelles.
Mais Emmanuel Macron avait promis de ne pas y toucher, non ?
Effectivement, en conclusion de la conférence nationale des territoires au Sénat, le président avait promis de ne pas "couper les dotations" des collectivités territoriales... en 2018. Mais le décret, signé trois jours après cette déclaration, porte sur des crédits alloués en 2017. Il n'a donc pas parjuré sa promesse.
Quelle part du budget des collectivités locales représentent ces 300 millions ?
Pour fonctionner, les collectivités locales peuvent en partie compter sur les subsides de l'Etat, notamment la dotation globale de fonctionnement. Avant le décret publié le 20 juillet, celle-ci s'élevait à 30,86 milliards d'euros pour 2017. A ces dotations s'ajoutent des compensations fiscales, reversées par l'Etat aux collectivités. Au total, le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérard Darmanin affirme donc que les 300 millions supprimés ne représentent que "0,3%" des crédits alloués par l'Etat aux collectivités locales.
En plus des financements de l'Etat, les collectivités bénéficient de leurs ressources propres, issues des impôts et des taxes. Globalement, l'apport de la DGF est d'ailleurs secondaire par rapport aux revenus de la fiscalité. En 2014, sur plus de 230 milliards d'euros de recettes, seuls 49 milliards d'euros provenaient ainsi de dotations de l'Etat.
A quoi devaient servir les 300 millions supprimés ?
Les réductions de crédits touchent notamment la politique des territoires, "avec l'annulation de 46,5 millions d'euros sur la politique de la ville", a précisé le socialiste Olivier Dussopt, président de l'Association des petites villes de France (APVF). Cette dernière permet de financer des actions des collectivités ou des associations dans les quartiers prioritaires. "Pour la politique de la ville, la réduction représente 11% des crédits d'intervention que l'Etat avait prévus pour 2017", souligne Olivier Dussopt.
Des projets qui auraient pu être soutenus en investissements portés par les collectivités ne le seront pas pour au moins un sur dix.
Olivier Dussopt, président de l'APVF,à l'AFP
L'aménagement du territoire d'une manière générale est aussi touché à hauteur de 35 millions, selon Olivier Dussopt. Les autres annulations portent sur la mission "relations avec les collectivités territoriales", pour 216 millions d'euros, "réparties sur la dotation d'équipement des territoires ruraux, donc de l'aide à l'investissement pour les communes de moins de 30 000 habitants, et le fonds de soutien à l'investissement local", précise-t-il.
"Il s'agit de mesures d'annulation de crédits sur des opérations non réalisées", a rétorqué le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Mais "pour demander ces subventions, les travaux doivent être prêts à démarrer", note le président du Comité des finances locales, André Laignel, dans Libération.
Comment réagissent les collectivités ?
Cette coupe vient réveiller de vieilles douleurs. En 2014, la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales avait été amputée de 1,5 milliard d’euros, puis de 10,7 milliards entre 2015 et 2017.
"On voit bien que certains sujets vont être rendus impossibles" et que c'est un "mauvais coup porté à l'échelon de la proximité", estime le chef de file des députés socialistes, Olivier Faure.
Une autre socialiste, Carole Delga, s'est dite "très déçue de ces méthodes qui ne correspondent en rien aux propos tenus par le président de la République". La présidente de la région Occitanie a jugé que ce décret, "pris dans notre dos, deux jours après" la conférence des territoires au Sénat, n'était "pas très respectueux et très décevant".
De son côté, qualifiant cette baisse de "très mauvais signal", la sénatrice centriste (UDI) Nathalie Goulet a appelé "tous les élus des territoires ruraux" à "engager ensemble un bras de fer pour éviter que nos territoires plus fragiles subissent la double peine en étant encore asséchés financièrement".
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