Projet de loi sanitaire : on vous explique comment la majorité a essuyé son premier revers à l’Assemblée nationale
L'examen du projet de loi de veille et de sécurité sanitaire a illustré les difficultés du gouvernement à manœuvrer face à des alliances inédites dans les oppositions.
"L'heure est grave", selon Elisabeth Borne. Après l'adoption en première lecture d'un projet de loi de veille sanitaire amputé d'un article clé, dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 juillet. "En s'alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face au Covid, LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus", a accusé la Première ministre. Les oppositions ont rejeté le possible retour du pass sanitaire pour les voyages "extra-hexagonaux", depuis ou vers l'étranger. Ce premier texte de la législature, adopté par 221 voix (187 votes contre et 24 abstentions), traduit la difficulté de manœuvrer pour le gouvernement et la majorité relative dont il dispose. Franceinfo vous explique pourquoi.
Des alliés de circonstances qui font le poids face à la majorité
Les débats sur le projet de loi de veille sanitaire, entamés lundi, ont été émaillés de tensions, de chahuts et de renversements imprévus de majorité, au gré des articles et des amendements. Les premières questions au gouvernement, mardi après-midi, ont donné le ton des nouveaux rapports de force à l'Assemblée.
Dans l'opposition, les multiples votes sur les articles et amendements ont montré une hostilité résolue du Rassemblement national et de la plupart des groupes de gauche (LFI, communistes, écologistes). Certains Républicains ont aussi été de la partie s'agissant de l'article 2 du projet de loi de veille et de sécurité sanitaire. Prévoyant de rétablir le pass sanitaire pour les voyages "extra-hexagonaux", il a été rejeté en fin de soirée, mardi, par 219 voix contre 195, grâce à une conjonction de votes du RN, de LR et d'une majorité de l'alliance de gauche Nupes. Une disposition permettant d'exiger ce pass pour les voyageurs mineurs a aussi été rejetée.
Ces alliés de circonstance ébranlent la confiance de la majorité dans l'improbabilité d'une "coalition extrême gauche extrême droite". "Une alliance Nupes, RN, LR, je n'y crois pas trop", glissait ainsi à franceinfo un conseiller de l'exécutif fin juin, espérant arriver à "une majorité avec LR".
Les trois forces politiques ont pourtant, tout au long des débats, multiplié les attaques contre le refus du gouvernement de réintégrer les soignants suspendus en raison d'un refus de se faire vacciner. Jugés irrecevables par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, ces amendements n'ont pas pu être discutés.
Ces débats ont été "instructifs sur la réalité des équilibres politiques et des forces dans cet hémicycle", a résumé Raphaël Schellenberger (LR) en fin de séance.
Les voix manquantes des ministres députés
Même s'il s'agit d'une situation temporaire, la majorité (Renaissance, le MoDem et Horizons) a souffert de l'absence dans l'hémicycle de plusieurs députés nommés ministres dans les gouvernements Borne 1 et 2. Ils sont toujours au nombre de 21, selon l'entourage de la cheffe du groupe présidentiel, Aurore Bergé.
Selon le Code électoral, l'ensemble des députés élus ou réélus aux dernières élections législatives et actuellement membres du gouvernement ne peuvent pas passer la main à leurs suppléants avant un délai de 30 jours. Pour les 10 députés nommés ministres le 21 mai, le délai ne commence en réalité que le 22 juin, au premier jour de l'ouverture de la nouvelle législature. Ils ne pourront pas être remplacés avant le 22 juillet. Les 11 parlementaires devenus ministres ou secrétaires d'Etat lundi 4 juillet se verront suppléés à partir du 4 août.
De quoi fragiliser un peu plus la majorité présidentielle sur les textes examinés durant l'été, dont celui sur le pouvoir d'achat, à partir du 18 juillet. Alors que chaque voix compte, Aurore Bergé a tenté, en vain, de mobiliser les troupes mardi soir pour compenser ces voix manquantes, rapporte Le Monde.
Les travaux parlementaires perturbés dans les commissions
Le nouveau paysage politique a aussi des conséquences sur les travaux des commissions. Les débats de mardi et mercredi dans l'hémicycle ont empiété sur les discussions en cours en commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative. Les députés de plusieurs camps ont quitté à plusieurs reprises les lieux pour aller participer au scrutin sur le projet de loi de veille sanitaire. Au point de provoquer le courroux du rapporteur de la loi sur le pouvoir d'achat, Jean-René Cazeneuve. "Nos travaux sont dénaturés", a-t-il protesté.
"Nos travaux sont dénaturés", proteste @jrcazeneuve après l'adoption d'amendements LR-LIOT. Le #PLFR2022 est discuté en commission en même temps que le #PJLSanitaire en séance.
— LCP (@LCP) July 12, 2022
> "On va se retrouver souvent dans ce cas de figure, il faut s'y faire", dit @ericcoquerel #DirectAN pic.twitter.com/OwoNUI0KeI
"La composition de notre Assemblée désormais fait qu'on va se retrouver souvent dans ce cas de figure, il faut s'y faire, ça va être ainsi. Peut-être qu'il faudra l'anticiper dans nos ordres du jour", a réagi le président de la commission des finances, le député LFI Eric Coquerel.
Les travaux en commission des affaires sociales sur la loi sur le pouvoir d'achat ont également été perturbés par le scrutin sur la loi veille sanitaire, comme en témoigne une journaliste de l'AFP sur Twitter.
On en est à 5 suspensions en commission des Affaires sociales sur le pjl pouvoir d'achat pour permettre aux députés d'aller prendre part aux scrutins dans l'hémicycle sur le texte sanitaire #DirectAN
— Charlotte Hill (@CHillAFP) July 12, 2022
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