François Bayrou nommé Premier ministre : quelle est la position des partis d'opposition sur une éventuelle motion de censure ?
François Bayrou a finalement été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron vendredi 13 décembre, au terme de nombreuses consultations et neuf jours après le renversement du gouvernement Barnier. Ce choix, qui est loin de faire l'unanimité dans la classe politique, pose à nouveau la question d'une possible censure. Parmi les partis de l'opposition, les avis divergent et la gauche apparaît divisée.
La France insoumise votera la censure a priori
Le parti de gauche radicale a très rapidement affirmé sa ligne. "Nous déposerons une motion de censure", a écrit sur X Manuel Bompard, le coordinateur national de La France insoumise (LFI), lorsque le nom de François Bayrou est sorti pour le poste à Matignon. La cheffe des insoumis à l'Assemblée, Mathilde Panot, a aussi annoncé que les députés du parti voteraient la censure. "Deux choix s'offriront aux députés : le soutien au sauvetage de Macron ou la censure. Nous avons fait le nôtre", a-t-elle écrit sur X.
Le parti de Jean-Luc Mélenchon s'inscrit dans la lignée de ses déclarations passées. Il avait rappelé début décembre qu'il censurerait tout Premier ministre qui ne serait pas issu du Nouveau Front populaire. Les insoumis se distinguent des autres formations du NFP, notamment du PS, avec qui les relations sont extrêmement tendues depuis plusieurs semaines à propos de la ligne à adopter vis-à-vis du nouveau gouvernement.
Le PS demande des garanties pour éviter la censure
Les socialistes se montrent plus mesurés, en tout cas dans un premier temps, car ils ne se prononcent pas pour une motion de censure a priori. Dans un courrier adressé vendredi à François Bayrou après sa nomination, les cadres du PS ont réclamé certaines garanties, dont celle que le "gouvernement ne se placera en aucune manière sous la dépendance du Rassemblement national, ni ne reprendra à son compte son programme xénophobe".
Le parti demande également au nouveau Premier ministre de ne pas utiliser l'article 49.3. Les socialistes affirment aussi qu'ils ne participeraient pas au gouvernement et resteront dans l'opposition. Jeudi, la direction a menacé d'exclure ceux qui seraient tentés de rejoindre un exécutif qui n'est pas de gauche.
Nous "demandons au Premier ministre de nous dire de quelle manière il entend éviter une nouvelle censure, de nous garantir qu'il ne sera pas dans la défense du bilan, tout le bilan et rien que le bilan", a averti Boris Vallaud, le président du groupe PS à l'Assemblée. Une politique qui serait dans "la continuation" du gouvernement de Michel Barnier mènerait "à la même sanction", a-t-il ajouté. Pour rappel, les députés socialistes avaient tous voté (à l'exception d'une députée) la motion de censure contre le gouvernement Barnier.
Les Écologistes et le PCF posent leurs conditions
Comme le PS, les Écologistes et le PCF n'optent pas pour une censure automatique, mais ils restent vigilants, notamment sur le 49.3 et le casting gouvernemental. "Si c'est pour garder les mêmes aux postes clés, comme Bruno Retailleau à l'Intérieur. Si c'est pour ne rien faire sur la réforme des retraites, sur l'écologie, alors je ne vois pas quel autre choix nous aurons que de censurer", a prévenu Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes.
Les communistes ont rappelé leur credo : "Avant de parler de non-censure, il faut que le Premier ministre nommé s'engage à ne pas appliquer le 49.3", a déclaré sur BFMTV Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF. "S'il n'y a pas de 49.3, il n'y a pas de motion de censure, nous sommes obligés de dialoguer", a-t-il ajouté. Lors des consultations autour d'Emmanuel Macron à l'Élysée, le chef des communistes avait proposé l'idée que les oppositions ne votent pas de motion de censure, si le nouveau Premier ministre promettait de ne pas utiliser cet article de la Constitution. Un cadre socialiste avait cependant précisé à Libération que ce deal ne tenait que si une personnalité de gauche était nommée à Matignon.
Le RN temporise et se réserve le droit de voter la censure
Le Rassemblement national ne souhaite pas voter de motion de censure a priori, mais se réserve le droit d'utiliser ce "levier constitutionnel", a déclaré vendredi Marine Le Pen, la cheffe de file des députés du parti d'extrême droite. "Je ne brandis pas la menace de la censure matin, midi et soir, je dis juste que je ne renonce pas à cet outil et que les conditions que nous posons sont absolument légitimes", a-t-elle poursuivi.
Le président du parti Jordan Bardella a précisé que la "censure a priori aurait été engagée à l'encontre d'une personnalité issue de la gauche et issue de l'extrême gauche. Nous avions indiqué que nous étions prêts à ne pas censurer a priori une personnalité ou un profil qui serait issu de la droite et du centre". Il a aussi rappelé les lignes rouges : "Pas de déremboursement des médicaments, ne pas fragiliser la situation économique et sociale des retraités".
Sur franceinfo vendredi, le porte-parole du parti, Philippe Ballard, a précisé que le vote d'une motion de censure dépendrait aussi de la façon dont serait mené le débat sur le budget. "Si par contre, on s'obstine comme l'a fait Michel Barnier, si François Bayrou prend le même chemin, rien n'empêche une censure, évidemment", a-t-il ajouté.
Chez LR, une éventuelle participation au gouvernement
Chez Les Républicains, le cap semble moins clair pour l'instant, même si les députés LR ont décidé de ne pas voter non plus de motion de censure a priori. Ces députés attendent que le nouveau Premier ministre François Bayrou "explique son projet" avant de "décider d'une éventuelle participation", ont indiqué à franceinfo des participants à une réunion de groupe vendredi. Cette position fait "consensus" au sein du groupe.
Bruno Retailleau a ainsi demandé des "garanties", notamment sur l'immigration, pour participer au gouvernement. Le ministre de l'Intérieur démissionnaire est reçu vendredi soir par François Bayrou pour plaider, notamment, pour "la réduction de l'immigration légale au strict nécessaire." Laurent Wauquiez, patron du groupe La Droite républicaine à l'Assemblée, a lui reconnu que le choix du président du MoDem n'est "pas facile et évident, contrairement à septembre avec Michel Barnier". Le parti de droite était très représenté dans l'ancien gouvernement, avec dix portefeuilles ministériels.
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