François Bayrou nommé Premier ministre : un allié historique d'Emmanuel Macron à Matignon
C'est finalement bien lui. Emmanuel Macron a choisi François Bayrou, l'un de ses plus fidèles soutiens, pour remplacer Michel Barnier. L'Elysée a annoncé, vendredi 13 décembre, la nomination du patron du MoDem au poste de Premier ministre.
Le suspense aura duré jusqu'à la dernière minute. Le chef de l'Etat s'est entretenu avec le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) durant près de deux heures, dès 8h30 vendredi. Mais après ce tête-à-tête, Emmanuel Macron n'avait toujours pas tranché, et l'option Bayrou semblait même s'éloigner. Le service politique de France Télévisions a, en effet, appris d'un ministre démissionnaire de premier plan que le chef de l'Etat avait téléphoné à 5 heures du matin au patron du MoDem pour lui signifier qu'il ne le nommerait pas Premier ministre. Il a fallu attendre 12h45 pour que la nouvelle soit finalement officialisée par un très bref communiqué de l'Elysée.
Allié historique du président, François Bayrou faisait figure de favori depuis la chute du gouvernement, le 4 décembre. Son positionnement centriste lui permettra-t-il de conclure un pacte de non-censure avec une partie de la gauche à l'Assemblée, indispensable pour durer plus longtemps que son prédécesseur ?
Depuis sept ans et demi, François Bayrou, 73 ans, a endossé les habits de l'allié exigeant au sein du camp présidentiel. Son groupe à l'Assemblée a réussi à limiter la casse lors des législatives en 2022 (48 élus) et 2024 (36 membres), et son parti a obtenu des postes dans les gouvernements d'Edouard Philippe, de Jean Castex, d'Elisabeth Borne, de Gabriel Attal et de Michel Barnier.
Un centriste à Matignon
L'alliance entre François Bayrou et Emmanuel Macron s'est nouée au cours de la campagne présidentielle de 2017. Le premier, à la traîne dans les sondages, avait renoncé à sa candidature, facilitant ainsi l'accession au second tour de l'ancien ministre de l'Economie de François Hollande.
Le maire de Pau avait ensuite intégré le premier gouvernement d'Edouard Philippe, au poste de garde des Sceaux, avant de devoir quitter la chancellerie un mois plus tard en raison d'une enquête préliminaire sur des soupçons d'emplois fictifs chez les assistants parlementaires du MoDem. Il n'en a pas totalement terminé avec cette affaire, car s'il a été relaxé en février, le parquet a fait appel. La date du procès en appel n'a pas encore été fixée. Si François Bayrou était toujours à Matignon lors de sa tenue, ce serait une première pour un Premier ministre en exercice.
Si ses ennuis judiciaires l'ont écarté des gouvernements successifs, l'ancien ministre de l'Education nationale du gouvernement Balladur (1993-1995) a toutefois été nommé haut-commissaire au Plan en septembre 2020. Il y était chargé de "coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'Etat, ainsi que d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels", détaille France Stratégie(Nouvelle fenêtre). Son travail a été critiqué en avril par des sénateurs écologistes, qui ont parlé d'une "coquille vide".
Début décembre, après la censure du gouvernement de Michel Barnier, le Béarnais est revenu sur le devant de la scène. Son profil de centriste qui sait dialoguer avec la gauche et la droite le met en position de favori. Il est même soutenu par l'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, dont le nom circulait aussi pour Matignon. Il "a une expérience politique incontestable. Il a exercé des responsabilités dans l'appareil d'Etat. C'est un homme qui a une expérience des affaires publiques", a-t-il développé, interrogé par LCI et BFMTV(Nouvelle fenêtre).
Emmanuel Macron, confronté à une crise politique sans précédent, avait promis le 5 décembre de nommer un gouvernement "d'intérêt général". Le président de la République a finalement choisi François Bayrou après avoir échangé mardi avec les groupes politiques, sauf La France insoumise et le Rassemblement national. Si l'engagement du chef de l'Etat de ne plus dépendre du RN a mis d'accord les chefs des autres partis, certains se sont montrés circonspects sur la méthode employée par le locataire de l'Elysée. La gauche réclamait alors encore un Premier ministre issu de ses rangs, tandis que la droite refusait de gouverner avec le camp adverse.
François Bayrou succède à Michel Barnier, le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. Tiendra-t-il plus longtemps que son prédécesseur ? Forcé d'utiliser l'article 49.3 pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, l'ancien commissaire européen a été renversé par une motion de censure votée par le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire (NFP). Il n'a pas réussi à réunir des soutiens supplémentaires pour son projet de budget 2025 au-delà du "socle commun", alliance fragile des macronistes et de la droite au sein d'une Assemblée nationale divisée en trois blocs.
Le budget 2025 comme priorité
Sans majorité définie, le nouveau Premier ministre devra lui aussi résoudre une équation difficile pour s'assurer de ne pas subir le même sort que Michel Barnier. C'est à lui que reviendra la charge de négocier avec les partis une participation au gouvernement, leur soutien aux futurs projets de loi, ou du moins un accord de "non-censure" avec les oppositions. Mardi, Emmanuel Macron a dit qu'il ne comptait pas dissoudre à nouveau l'Assemblée avant la fin de son mandat. Une façon de pousser les forces politiques à s'entendre.
Le chemin est étroit, même si les socialistes se sont montrés plus ouverts que leurs partenaires du NFP sur le sujet. "Il faudra que nous ayons (...) une discussion avec celui ou celle qui sera nommé", avait lancé dans un premier temps Olivier Faure mardi, car "quelle que soit la situation", il faut que "nous puissions arracher des victoires pour les Français". "Cela ne peut pas être François Bayrou", a toutefois ensuite déclaré le patron du PS mercredi. Les socialistes réclamaient un Premier ministre de gauche, affirmant qu'ils ne participeraient à aucun gouvernement dirigé par une personnalité du centre ou de la droite.
Une fois le gouvernement nommé, François Bayrou aura pour priorité de reprendre les discussions sur le projet de budget pour 2025. Une loi spéciale visant à autoriser le gouvernement à lever les impôts et dépenser les crédits sur la base du budget 2024, présentée mercredi en Conseil des ministres, doit être débattue le 16 décembre à l'Assemblée. Mais l'adoption d'un budget en bonne et due forme sera nécessaire, notamment pour faire baisser le déficit, qui s'est fortement creusé cette année.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.