Gouvernement de Michel Barnier : les ministres peuvent-ils rester maires ou présidents de département ?

Plusieurs membres du gouvernement sont à la tête d'un exécutif local. Une situation permise par la loi mais qui dérogerait à une tradition politique qui remonte à 1997.
Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
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Le ministre des Sports, Gil Avérous, à l'Elysée, le 23 septembre 2024. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Le gouvernement Barnier dérogera-t-il à une règle tacite datant de 1997 ? Fraîchement nommés samedi 21 septembre, plusieurs ministres ont fait savoir qu'ils souhaitaient cumuler leurs mandats locaux avec leur nouvelle fonction. C'est le cas du maire de Châteauroux, Gil Avérous, désormais ministre des Sports, qui s'en est expliqué sur France Bleu. Le ministre délégué à la Pêche, Fabrice Loher, maire de Lorient, a confié la même volonté à Ouest-France, à l'instar de son collègue au ministère des Transports, François Durovray, également président du conseil départemental de l'Essonne, sur TF1. Nicolas Daragon, ministre délégué en charge de la Sécurité du quotidien, compte lui aussi rester maire de Valence, rapporte France Bleu.

De quoi s'attirer les critiques d'une partie de la classe politique. Fabrice Loher "ne pourra pas être ministre à temps plein, il ne pourra pas être maire à temps plein, il ne pourra pas être président de Lorient agglomération à temps plein", s'est indigné le député écologiste du Morbihan, Damien Girard, auprès du Télégramme. Dans la Drôme, le député socialiste Paul Christophe a aussi dénoncé le choix de Nicolas Daragon, estimant qu'"être ministre est devenu un passe-temps que l'on peut accepter sans se questionner sur ce que cela signifie en termes d'engagement".

Tous justifient leur décision par leur attachement à leurs villes. Gil Avérous évoque sa promesse de rester maire jusqu'en 2026 "qui tient toujours", tandis que Nicolas Daragon explique au Monde ne pas vouloir "trahir l'engagement pris devant les Valentinois". Mais il est possible que la décision des nouveaux ministres soit liée à l'instabilité politique actuelle, alors que le gouvernement opère sous la menace d'une motion de censure, et au calendrier électoral : les prochaines municipales sont programmées pour 2026.

Une tradition qui remonte à Jospin

Les ministres pourraient-ils être forcés de choisir entre leur mandat local et leur poste au sein du gouvernement ? Légalement, rien n'empêche un ministre de conserver son mandat local. Selon la Constitution, la fonction de ministre est uniquement incompatible avec celle de parlementaire, en vertu de la séparation des pouvoirs.

Il existe cependant une coutume politique en vigueur depuis bientôt une trentaine d'années. Le gouvernement de Lionel Jospin avait en effet instauré une règle de non-cumul entre mandat local et portefeuille de ministre dès 1997. La règle a ensuite été reprise en 2002 par Jacques Chirac, avant d'être formalisée en 2012. François Hollande et son Premier ministre Jean-Marc Ayrault avaient mis en place une "charte de déontologie" signée par les ministres. Celle-ci spécifiait que les membres du gouvernement devaient "renoncer aux mandats exécutifs locaux qu'ils peuvent détenir". La règle a été maintenue par les différents gouvernements sous la présidence d'Emmanuel Macron, même si certains ministres, comme Gérald Darmanin à Tourcoing, avaient traîné les pieds.

Quelques exceptions à la règle

Michel Barnier décidera-t-il de faire fi de cette tradition ? Le nouveau Premier n'a pas encore officiellement pris position sur ce sujet. "Je resterai maire si le Premier ministre me l'autorise", expliquait ainsi Gil Avérous. Contacté par franceinfo, Matignon n'a pas donné suite à nos questions. Le chef du gouvernement pourrait cependant prendre exemple sur ces prédécesseurs pour invoquer des exceptions à la règle.

Sous François Hollande, Jean-Yves Le Drian avait ainsi cumulé de 2015 à 2017 les fonctions de ministre de la Défense et de président de la région Bretagne. Deux ministres ont eu le droit à un traitement de faveur sous Emmanuel Macron : alors aux Outre-mer, Sébastien Lecornu avait présidé le conseil département de l'Eure entre 2021 et 2022 et Rachida Dati avait pu rester maire du 7e arrondissement de Paris après sa nomination au ministère de la Culture. 

Des propositions de loi sur la question

La question du cumul des mandats revient fréquemment dans le débat public. Le Parti socialiste, alors au pouvoir, avait fait adopter une réforme à ce sujet en 2014. Depuis 2017, les députés, sénateurs et eurodéputés ne peuvent plus être maires, adjoints, présidents ou vice-présidents d'intercommunalité, de conseil départemental et de conseil régional. Il est en revanche toujours possible d'être conseiller municipal, départemental ou régional.

La droite et une partie du centre s'étaient à l'époque opposées à la réforme et certains militent toujours pour son abrogation. En mars, le groupe Horizons avait déposé une proposition de loi à l'Assemblée visant à permettre aux parlementaires d'être adjoints d'un exécutif local. "Avoir une fonction exécutive locale, ça permet d'avoir les mains dans le cambouis, de se confronter à des problématiques", expliquait à l'époque le député d'Indre-et-Loire Henri Alfandari.

En mai, un rapport du député Renaissance Eric Woerth proposait d'aller plus loin en supprimant la loi de 2014. D'autres forces politiques militent cependant pour un plus grand contrôle de l'action des élus. En mars, les députés écologistes avaient déposé une loi proposant d'interdire pour les parlementaires la possibilité de faire plus de trois mandats consécutifs. Aucun de ces projets n'a pour l'instant abouti.

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