Vrai ou faux On a vérifié quatre affirmations lors de l'émission "L'Evénement" avec Michel Barnier et plusieurs responsables politiques

Un mois après sa nomination à Matignon, le Premier ministre était interrogé sur son projet pour la France, jeudi soir, avant des échanges houleux entre six représentants des trois principaux blocs politiques du pays.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Laure Lavalette, Eric Ciotti, Aurore Bergé, Marc Fesneau, Olivier Faure et Manuel Bompard, sur le plateau de France 2, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 3 octobre 2024. (THOMAS SAMSON / AFP)

Les choses (très) sérieuses ont commencé pour Michel Barnier et son "socle commun". Le Premier ministre a prononcé sa déclaration de politique générale, mardi 1er octobre, un discours marqué par les efforts demandés aux Français pour améliorer une situation budgétaire très tendue. Deux jours plus tard, sur France 2, il s'est attelé à défendre sa feuille de route.

Une interview suivie d'un débat agité entre six responsables des principaux partis politiques : Manuel Bompard (La France insoumise), Olivier Faure (Parti socialiste), Aurore Bergé (Renaissance), Marc Fesneau (MoDem), Eric Ciotti  (Union des droites pour la République) et Laure Lavalette (Rassemblement national). Franceinfo a passé au crible cinq affirmations avancées lors de cette soirée politique très animée sur France 2.

Michel Barnier est à la tête d'un gouvernement "moins minoritaire que les autres socles" : c'est vrai

Aux yeux de Michel Barnier, le "socle commun" qui forme la base du gouvernement est "moins minoritaire que les autres socles" à l'Assemblée nationale. C'est vrai, si l'on additionne les différents groupes du bloc présidentiel (Ensemble pour la République, le MoDem et Horizons), qui rassemblent 164 députés, et le groupe La Droite républicaine, avec 47 élus. Au total, ce "socle" réunit donc 211 parlementaires, contre 193 députés pour le Nouveau Front populaire et 142 députés pour le bloc du Rassemblement national et des ciottistes. 

En revanche, si ces deux autres blocs s'allient, ils dépassent le seuil fatidique de 289 députés qui permet de renverser le gouvernement à travers une motion de censure.

Les intérêts de la dette représentent chaque année "750 euros par Français", selon Michel Barnier : c'est inexact

Michel Barnier a fait du redressement des comptes publics l'un de ses principaux objectifs à Matignon. "La dette est aujourd'hui de 3 220 milliards d'euros", a-t-il alerté jeudi soir. Le chiffre est précis est très proche : "A la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique s'établit à 3 228,4 milliards d'euros", explique l'Insee dans sa dernière publication du 27 septembre.

"Nous payons 60 milliards, cette année, d'intérêts, ça fait 750 euros de dette par Français, que ça soit pour un bébé d'un mois ou une personne âgée comme moi", a poursuivi le Premier ministre, en référence à ce qui est appelé la charge de la dette. Mais selon le dernier chiffre disponible, publié à l'automne 2023 par l'Agence France Trésor, "la charge budgétaire de la dette est prévue à 52,2 milliards d'euros" en 2024, soit moins que le montant évoqué par Michel Barnier.

Si on ne connaît pas le détail du calcul du Premier ministre, en divisant ces 52,2 milliards d'euros par 68 millions de Français, on obtient 767,7 euros, soit un chiffre légèrement supérieur à son estimation. Le prochain projet de loi de finances (PLF) pour 2025, dévoilé le 10 octobre, apportera des chiffres actualisés sur le poids de la dette en France.

Pour Michel Barnier, "les règles de Schengen permettent" de rétablir des contrôles aux frontières nationales : c'est vrai

Le Premier ministre souhaite mettre en place un contrôle plus étroit des frontières de la France avec ses voisins au sein même de l'Union européenne. "Les règles de Schengen permettent de le faire, estime-t-il. C'est ce que vient de faire l'Allemagne".

En théorie, les contrôles aux frontières intérieures n'ont pourtant pas lieu d'être. "Les règles de Schengen abolissent les contrôles aux frontières intérieures, tout en harmonisant et en renforçant la protection des frontières extérieures de la zone", rappelle le site du Parlement européen.

Mais en mai 2024, l'UE a adopté une réforme du code Schengen. Désormais, "le code frontières Schengen (CFS) permet aux Etats membres de réintroduire temporairement le contrôle aux frontières intérieures en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure", précise la Commission européenne, avant de nuancer : "La réintroduction du contrôle aux frontières intérieures doit être appliquée en dernier ressort, dans des situations exceptionnelles, et doit respecter le principe de proportionnalité."

Les Français "dans leur immense majorité, disent qu'il y a trop d'immigration" : c'est plus compliqué

Le président du groupe Union des droites, Eric Ciotti, a martelé son envie de voir mis en œuvre un référendum sur l'immigration. "Les Français dans leur immense majorité, parce qu'ils sont lucides, disent qu'il y a trop d'immigration", a-t-il insisté, sans étayer son propos. Les chercheurs observent une réalité plus nuancée : "52% des gens continuent de juger qu'il y a trop d'immigrés en France. En 1988, ils étaient 69%", expliquait le sociologue Vincent Tiberj dans un entretien accordé à franceinfo, en décembre dernier.

Le sociologue, qui s'est penché sur les valeurs culturelles avec un indice annuel qui mesure le sentiment de tolérance des Français, rappelait cependant que "d'après les derniers résultats, qui datent de 2022, 78% des gens considèrent que l'immigration est une source d'enrichissement culturel", ce qui montre que la perception de l'immigration n'est pas uniforme. "Signe d'une crispation de l'opinion sur la thématique, 82% des Français estiment que l'immigration est un sujet dont on ne peut pas parler sereinement en France", pointait un sondage de l'Ifop de juin 2023.

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