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Il mange du cake aux orties et pourfend la finance : six choses vues et entendues lors de la campagne de Jacques Cheminade

Franceinfo est allé à Lyon et à Villefontaine, en Isère, pour suivre ce candidat à la présidentielle qui avait rassemblé 0,27% des suffrages en 1995 et 0,25% en 2012. Et ce n'était pas la foule des grands jours.

Article rédigé par franceinfo - Hugo Cailloux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Jacques Cheminade, prêt pour débuter sa réunion publique, à Villefontaine (Isère), le 11 avril 2017. (HUGO CAILLOUX / FRANCEINFO)

C'est le temps fort de la semaine pour l’équipe de campagne. Candidat à l’élection présidentielle pour la troisième fois, Jacques Cheminade a tenu, mardi 11 avril, une réunion publique à Villefontaine (Isère), à 25 kilomètres de Lyon. A 75 ans, et malgré son expérience dans la course à l'Elysée, le représentant de Solidarité & Progrès, pourfendeur de la finance, peine à mobiliser au-delà de quelques curieux. Franceinfo l'a suivi pendant son déplacement.

"C'est qui, lui ?" : un candidat en manque de notoriété

En plein centre-ville de Lyon, place de la République, les badauds sont nombreux à profiter du grand soleil en ce début de printemps. Mais à l'ombre, micro à la main, Jacques Cheminade a bien du mal à attirer l'attention des électeurs potentiels, moins nombreux que les journalistes venus le suivre dans la capitale des Gaules. "C'est qui ?" interroge par exemple Danielle, une retraitée, après avoir récupéré le tract du candidat à l'Elysée. 

Parmi les curieux qui s'approchent, certains se souviennent tout de même de l'avoir "vu dans le débat" avec tous les candidats, diffusé sur BFMTV et CNews le 4 avril. "Je sais qu'il avait des idées un peu farfelues il y a quelques années, d'aller dans l'espace pour faire je ne sais pas trop quoi, explique Maël, un étudiant de 21 ans, qui votera pour la première fois en mai. Mais il en parle moins lors de ses passages médiatiques, je ne sais pas si ça a changé. Peut-être qu'il a recentré son discours sur des choses un peu plus concrètes."

Maël, un étudiant en musicologie et en sciences, s'est arrêté pour écouter Jacques Cheminade, place de la République, à Lyon, le 11 avril 2017. (HUGO CAILLOUX / FRANCEINFO)

Jacques Cheminade, 75 ans, a beau avoir été haut fonctionnaire au ministère de l'Economie et des Finances, diplômé de HEC en 1963 et de l'ENA en 1965, et – déjà – candidat aux présidentielles de 1995 et 2012, il pâtit visiblement de son déficit de notoriété. Durant la première heure de tractage, aucun des passants n'est venu inscrire son nom sur la fiche de contact laissée en évidence par les militants.

J'avoue que c'est un des candidats sur lequel je me suis le moins renseigné. Je ne connais pas son parcours. Est-ce qu'il a travaillé avant, qu'est-ce qu'il a fait dans sa vie ?

Maël, étudiant

à franceinfo

Un parking qui se remplit... pour assister à un spectacle de danse à côté

Jacques Cheminade poursuit sa soirée à 25 kilomètres de là, à Villefontaine (Isère). Ses militants l'assurent, ils organisent cette réunion publique depuis plusieurs semaines et sont présents depuis trois jours pour convaincre les 18 000 habitants de cette commune. Capacité d'accueil de la salle Pierre-Coignard : 160 personnes. Au final, excepté les équipes du candidat et les journalistes, ils ne sont que treize à être présents à 19h30, quand commence son intervention.

Plus de journalistes que de curieux sont venus voir et écouter Jacques Cheminade, dans la salle Pierre-Coignard, à Villefontaine (Isère), le 11 avril 2017. (HUGO CAILLOUX / FRANCEINFO)

a porte bonheur !" s'exclame Jacques Cheminade, interrogé par franceinfo sur cette faible affluence. Le candidat est habitué aux réunions plutôt confidentielles : "C'est tout le temps comme ça", glisse-t-il à un sympathisant qui l'interrogeait sur ce manque apparent d'intérêt. Cela n'empêche pas son entourage de minimiser l'échec, en accusant le mode de financement des partis politiques, qui "empêche l'émergence des petits candidats".

A 20 heures, l'espoir renaît. Dehors, sur le parking, de nombreuses voitures se garent. Des retardataires ? Fausse alerte : au même moment, dans le théâtre voisin, se joue un spectacle de danse contemporaine.

Le combat contre la finance en guise de mantra

Danielle, 62 ans, se promenait en famille lorsqu'on lui a tendu un tract de Jacques Cheminade, le 11 avril 2017, à Lyon. (HUGO CAILLOUX / FRANCEINFO)

"Se libérer de l'occupation financière." Le slogan est repris partout : sur les affiches et les tracts. La finance est au centre des propositions pour les "cent jours" de Jacques Cheminade, c'est-à-dire les premières mesures qu'il prendrait en cas d'élection à la présidence. Au programme : fin de l'euro, conférence internationale sur la dette et la réforme du système monétaire international, loi de séparation bancaire mondiale en passant par l'ONU. "Le véritable ennemi, c'est l'occupation financière de la France par la loi de la rentabilité financière à court terme", assène Jacques Cheminade pendant son discours.

Cet ennemi a bel et bien un visage : celui de Wall Street et de la City de Londres.

Jacques Cheminade

"Il parle beaucoup d'économie et de finance, peut-être un peu trop", déplore Hélène, venue écouter le candidat lors de la réunion publique. Mais pour Danielle, le slogan fait mouche. "Je suis d'accord avec lui là-dessus, dit-elle à franceinfo. Il faut prendre l'argent dans les banques pour augmenter salaires et retraites." "Mais je ne le connais pas, insiste-t-elle. Et je ne pense pas que je voterai pour lui." 

Un cake aux orties pour un buffet modeste

En cuisine, Claude et son mari René, retraités, se sont activés toute l'après-midi pour réaliser le buffet de la réunion publique. Bénévoles, ils ont répondu à l'appel d'un ami de Villefontaine pour donner un coup de main à Jacques Cheminade. Le budget de la soirée est très restreint : 80 euros pour les denrées. A Solidarité & Progrès, on se serre la ceinture, même en pleine campagne présidentielle.

Car Jacques Cheminade le répète lui-même : sa campagne coûtera seulement "400 000 euros, deux fois moins que celle de Philippe Poutou". "Le résultat de l'élection présidentielle est déterminé par l'argent et les médias, dénonce Alexandre Noury, permanent du parti. Il est difficile de percer avec nos petits moyens."

La question se pose également pour les législatives, même si le candidat ne pense pas trop à cette échéance en ce moment. En 2012, Solidarité & Progrès a présenté 78 candidats, qui ont récolté entre 0 et 1,10% des suffrages, rappelle le site du parti. "Si je gagne au loto, je me présenterai, sourit un militant. Il faut au moins 20 000 euros pour faire quelque chose de potable."

Des faux coups de poing et un vrai tacle sur Mélenchon pour appuyer son discours

Gamer, Jacques Cheminade ? Pas quand il s'agit de jeux vidéo violents : il souhaite purement et simplement leur interdiction. "Certains jeux peuvent être bien, comme Super Mario Odyssey, mais regardez Grand Theft Auto, explique-t-il. On peut démembrer des gens. C'est ultra violent." Et le candidat n'hésite pas à soutenir son propos d'une manière surprenante. "Si je vous fais ça, c'est la réalité ou la fiction ?" dit-il en mimant à quatre reprises des coups de poing, en se rapprochant de notre visage.

Avec Jean-Luc Mélenchon, il est le seul prétendant à l'élection présidentielle à évoquer la question des jeux vidéo en campagne, mais pas vraiment dans le même esprit. Quand lui évoque un potentiel "danger", le candidat de la France insoumise parle plutôt d'un "enrichissement humain". "Il tire son fric de l'industrie du jeu vidéo", réplique Jacques Cheminade, très véhément dans cette affaire.

Sur les jeux vidéo, Mélenchon est une p... euh, bon, je devrais plutôt dire 'un aimable opportuniste'…

Jacques Cheminade

à franceinfo

Treize curieux, pas tous convaincus

Hélène et Claude lors de la réunion publique de Jacques Cheminade à Villefontaine, le 11 avril 2017. Ils ont appris la venue du candidat grâce au quotidien régional "Le Dauphiné libéré".  (HUGO CAILLOUX / FRANCEINFO)

Parmi les treize curieux présents au début de la réunion publique, Hélène et son mari Claude se sont assis au quatrième rang. Ils habitent Villefontaine et sont venus "par curiosité". "C'est vrai que je ne le connais pas, explique-t-elle. Alors si on veut voter en connaissance de cause, il faut qu’on aille voir un petit peu tout le monde."

C'est un petit candidat, mais au moins, lui, il a eu ses 500 signatures. Il y a des grands connus qui ne les ont pas eues.

Hélène, participante à la réunion publique

à franceinfo

Elle a toujours voté “socialiste”, lui a voté “Sarkozy en 2007 et Hollande en 2012”. Pour le premier tour, le 23 avril, Claude pense voter pour Emmanuel Macron, mais il n'est "pas sûr", et Hélène ne sait "pas du tout". En tout cas, ils ne voteront pas Jacques Cheminade. A la sortie des deux heures de réunion, Claude vante bien ses qualités de "technicien". "Il connaît son sujet", renchérit Hélène. "Mais il n'a pas la stature, il lui manque aussi une équipe, estime Claude. On sent qu'il n'est pas épaulé par des grosses pointures." "On le sent seul", glisse son épouse. Une solitude qui s'était illustrée dans les urnes en 1995 et en 2012 : il n'avait récolté respectivement que 0,28% et 0,25% des suffrages au premier tour.

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