Comment La France insoumise défend Eric Coquerel contre les accusations de harcèlement sexuel ?
Le député de Seine-Saint-Denis, récemment élu à la présidence de la commission des finances de l'Assemblée, est accusé de "drague assez lourde" et de "gestes déplacés" par Sophie Tissier, une ancienne militante.
L'affaire arrive finalement sur le terrain judiciaire. Une plainte a été déposée lundi 4 juillet contre le député LFI Eric Coquerel par Sophie Tissier, une ancienne militante de La France insoumise, pour "harcèlement sexuel". Une situation difficile pour un parti qui dénonce régulièrement la présence au gouvernement de plusieurs personnalités accusées de violences sexuelles, comme le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ou l'ex-ministre des Solidarités Damien Abad.
Un paradoxe potentiel dans lequel les adversaires de LFI ne manquent pas de s'engouffrer : "Ils ont jeté l'opprobre sur des dizaines de personnalités politiques ou médiatiques durant ces dernières années et quand ça les touche, on ne les entend plus, ils sont très mal à l'aise", a ainsi le député RN Sébastien Chenu, interrogé sur franceinfo. Sur quels arguments s'appuient les soutiens du nouveau président de la commission des finances pour contrer ces accusations ?
En contestant les accusations
Dans une tribune publiée par Le Journal du dimanche, Eric Coquerel affirme qu'il n'a "jamais commis ces comportements qui méritent d'être dénoncés publiquement". Pour appuyer son propos, le député met en avant ce qu'il présente comme des failles dans le témoignage de Sophie Tissier. Sur BFMTV, il a ainsi expliqué que deux témoins "ont infirmé" les dires de son accusatrice, et qu'ils "les ont même contredits". Sur Twitter, Laure Darrigade, militante LFI qui affirme être une des témoins en question, "répète n'avoir pas vu un tel comportement chez Eric Coquerel que ce soit lors de cette soirée ou lors d'événements militants".
Le Journal du dimanche rapporte également que Sophie Tissier n'a pas conservé les SMS de l'élu décrits comme insistants. En revanche, Eric Coquerel évoque de son côté "des textos de Sophie Tissier" datant de "trois semaines après" la soirée de 2014, "excellemment gentille avec moi, qui me rejoint à la Fête de l'Humanité". Plus généralement, la linguiste Laélia Véron, qui a milité au Parti de gauche, affirme dans Mediapart que "la réputation de 'lourd' d'Éric Coquerel" qui circulait au sein des cercles militants manquait de base factuelle : "C'était surtout une réputation qui circulait, plus que des témoignages."
En rappelant qu'il n'y avait aucune plainte
La première ligne de défense d'Eric Coquerel et du comité contre les violences sexistes de La France insoumise concernait l'absence de signalement interne au parti. "Notre comité n'a jamais reçu aucun signalement concernant le député Eric Coquerel, pour quelque fait que ce soit", écrivait l'instance le 30 juin dans un communiqué. Sophie Tissier, qui avait d'abord témoigné anonymement, a finalement effectué ce signalement auprès du comité de LFI dimanche 3 juillet.
Le président de la commission des finances a ensuite souhaité réduire la portée des accusations par l'absence de procédure judiciaire. "Vous ne pouvez comparer à aucun moment un ministre qui se retrouve avec des plaintes effectives pour viol [en référence à Damien Abad] et quelqu'un qui pendant des mois a subi des rumeurs", affirmait ainsi Eric Coquerel, dimanche, sur BFMTV.
Face à cet argument, Sophie Tissier avait assuré à franceinfo qu'elle avait déjà déposé une pré-plainte en ligne et a finalement déposé plainte pour "harcèlement sexuel" lundi dans la matinée. Cette ligne de défense est donc mise à mal.
En expliquant qu'il n'y a pas eu d'agression
Tout en réfutant les accusations, les soutiens d'Eric Coquerel estiment qu'elles concernent "des comportements déplacés, pas des faits qui relèvent du pénal", a précisé Danielle Simonnet, députée de Paris, sur franceinfo. L'élue, qui est à l'initiative de la création du comité de suivi des violences sexistes et sexuelles de LFI, souligne que les faits reprochés au député par Sophier Tissier "ne relevaient pas d'une agression".
L'ancienne militante, devenue une figure du mouvement des "gilets jaunes", a détaillé auprès de franceinfo le comportement d'Eric Coquerel, allant "de la drague assez lourde" à "des gestes déplacés". Mais elle-même a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une agression. Les faits dont est accusé l'élu constituent donc un délit, alors que Damien Abad est lui visé par une enquête pour "tentative de viol", ce qui est un crime.
En dénonçant un coup politique
Les défenseurs d'Eric Coquerel estiment enfin que la diffusion d'accusations sans preuve risque surtout de "nuire au combat des femmes", comme l'affirmait Sandrine Rousseau sur BFMTV vendredi 1er juillet, à un moment où les reproches contre le député LFI étaient encore anonymes. "Les violences sexistes et sexuelles, c'est un sujet suffisamment sérieux pour que ça ne soit pas sur l'angle des rumeurs, des choses qui circulent sur les réseaux sociaux", avait aussi lancé Manuel Bompard, le successeur de Jean-Luc Mélenchon dans les Bouches-du-Rhône, sur BFMTV.
Depuis que Sophie Tissier a témoigné en personne, les soutiens d'Eric Coquerel mettent davantage l'accent sur le risque de voir ces accusations montées en épingle par des opposants politiques. Jean-Luc Mélenchon a par exemple estimé sur Twitter que "des militants engagés depuis des années contre LFI détournent le sens de la lutte contre les violences sexistes pour salir Eric Coquerel après sa victoire sur l'extrême droite [en référence à son élection à la tête de la commission des finances]". "Cette forme de revanche manipulatoire nuit gravement au combat des féministes", a ajouté le leader de La France insoumise dans un autre tweet.
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