Elections européennes : on vous résume la polémique sur la conférence annulée de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan sur la Palestine à Lille
Une "provocation", de la "politicaillerie" ou "une attaque à la liberté d'expression" ? L'organisation d'une conférence sur "l'actualité de la Palestine", jeudi 18 avril, avec l'intervention de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan, candidate franco-palestinienne de La France insoumise (LFI) aux élections européennes, provoque des remous. Alors qu'elle devait se tenir à l'université de Lille, l'établissement a renoncé mercredi, jugeant que "les conditions [n'étaient] plus réunies pour garantir la sérénité des débats".
Organisée par l'association Libre Palestine, la réunion a d'abord été déplacée dans un autre lieu de la métropole lilloise, avant d'être finalement interdite par la préfecture du Nord, jeudi après-midi. Franceinfo vous résume ce qu'il s'est passé.
Une réunion sur "l'actualité de la Palestine" prévue à l'université de Lille
Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon et la candidate aux élections européennes Rima Hassan devaient initialement se rendre à une réunion autour de "l'actualité de la Palestine", à 18 heures, jeudi, à l'université de Lille. L'événement était organisé à l'initiative d'une association étudiante de défense de la cause palestinienne, Libre Palestine.
La participation à un débat sur le conflit au Proche-Orient de l'ancien candidat à l'élection présidentielle et de l'avocate franco-palestinienne, dont certains propos au sujet d'Israël ont fait polémique ces derniers mois, s'inscrit dans la stratégie du parti en vue des élections européennes.
Une partie de la classe politique demande l'annulation de l'évènement
La polémique est montée lundi autour du logo de l'association, imprimé sur l'affiche de présentation de la soirée, aux côtés des photos de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan. Ce logo figure un territoire englobant Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, sur lequel est apposé le nom de l'association Libre Palestine.
"Sur l'affiche de campagne (...) il y a un logo 'Palestine libre'. Ça veut dire quoi de l'avenir d'Israël ?", s'est ainsi interrogé sur Sud Radio le député socialiste Jérôme Guedj. Si l'élu a précisé le lendemain sur le réseau social X ne pas être opposé à l'organisation de la conférence, d'autres élus, chez Les Républicains (LR), Renaissance et au Rassemblement national (RN), ont réclamé l'annulation de l'évènement.
La conférence et ses organisateurs, "à travers le logo Libre Palestine, nient l'existence de l'Etat d'Israël", a réagi sur X le président (LR) des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, réclamant son annulation. Une demande partagée par le député RN Sébastien Chenu, qui anticipe que "des propos antisémites seront probablement tenus" à cette occasion. La députée Renaissance Violette Spillebout avait, elle, écrit au président de l'université pour souligner la "très lourde responsabilité" de LFI "dans l'explosion antisémite en France".
La polémique ravive les tensions à gauche
Dénonçant très rapidement les critiques, les conseillers régionaux LFI des Hauts-de-France ont relevé dans un communiqué diffusé lundi que l'association était "agréée" par l'université. L'association a par ailleurs assuré à l'AFP que son logo "ne [niait] en aucun cas l'existence d'Israël". "C'est un logo d'association, fait par des étudiants, il faut arrêter de voir ce qu'on a envie de plaquer dessus", a expliqué Nicolas Heyn au nom des insoumis lillois auprès de l'AFP, dénonçant des "polémiques dérisoires".
L'épisode a cependant ravivé les tensions à gauche, alors que LFI est créditée de 6 à 8% des intentions de vote dans les sondages, loin derrière les socialistes. "Quand on est un parti politique, on ne s'affiche pas avec des logos qui nient l'existence de l'Etat d'Israël. C'est aussi simple que ça", a jugé, sur TF1, la tête de liste des socialistes, Raphaël Glucksmann, tout en s'opposant à l'interdiction de la conférence.
"Ceux qui s'inquiètent d'un logo feraient bien de s'inquiéter d'une réalité qui consiste aujourd'hui, par la politique de monsieur Nétanyahou, à rendre impossible l'existence d'un Etat palestinien", a répondu pour sa part le député LFI Matthias Tavel, directeur de la campagne LFI pour les élections européennes.
L'université de Lille annule la conférence à cause de "tensions"
L'université de Lille a décidé, mercredi, d'interdire la conférence. "Les conditions ne sont plus réunies pour garantir la sérénité des débats" en raison de la montée "préoccupante" des tensions internationales après "l'escalade militaire intervenue les 13 et 14 avril au Moyen-Orient", justifie l'établissement (document PDF). Les tensions "se répercutent à l'échelle nationale et locale, tout comme à l'université", a souligné la direction pour expliquer sa décision.
LFI qualifie la décision de "censure" et maintient la réunion dans un autre lieu
Dans la foulée de la décision de l'université de Lille, LFI a déplacé l'événement "dans un nouveau lieu". "Nous ne nous tairons pas", explique la formation sur X. Le parti étrille au passage "la présidence de l'université, qui se montre incapable de résister aux pressions qui s'attaquent à la liberté d'expression". Un tract a été diffusé dans la foulée pour annoncer la délocalisation de l'évènement à la salle L'Impérial à Lille, à 18h30. Sur le tract, il est également écrit : "Non à la censure !" et "Actualité en Palestine, conférence maintenue !"
Signe des tensions entourant le sujet de la guerre à Gaza à gauche, les insoumis ont ciblé le Parti socialiste dans leurs critiques. "Il aura suffi que le PS Jérôme Guedj dénonce le logo de l'association étudiante et qu'une députée macroniste appelle à créer des désordres pour anéantir la liberté universitaire et ses garants se coucher sans résistance", s'est indigné sur X Jean-Luc Mélenchon. "Aucune interdiction n'a été demandée par le PS", a répondu quelques heures plus tard le patron du PS, Olivier Faure, sur X. "On est dans de la basse politicaillerie", a ajouté sur franceinfo Jérôme Guedj, jeudi.
L'avocat de Rima Hassan, Vincent Brengarth, a par ailleurs annoncé jeudi son intention de déposer plainte contre Yoann Usai, journaliste de la chaîne CNews. La veille, celui-ci avait déclaré à l'antenne que la candidate avait "la haine des juifs chevillée au corps depuis la naissance". Des "propos totalement outranciers", dénonce l'avocat dans un communiqué publié sur X.
La préfecture du Nord interdit la réunion
La conférence délocalisée a finalement aussi été interdite par le préfet du Nord. La préfecture justifie sa décision par des "risques de trouble à l’ordre public (...) dans un climat de tensions géopolitiques accrues", une "mobilisation exceptionnelle des forces de sécurité intérieure", notamment dans le cadre du plan Vigipirate "urgence attentat".
Elle cite plusieurs événements également prévus "au même moment" : un match de foot "classé à risque" entre le Lille et Aston Villa au stade Pierre Mauroy et la commémoration du soulèvement du ghetto de Varsovie à la synagogue de Lille. La préfecture invoque aussi la capacité limitée de la nouvelle salle, "ne permettant pas d’accueillir le public annoncé et réinvité par l'organisateur".
En réaction, LFI dit avoir déposé auprès de la préfecture un rendez-vous pour un rassemblement public à la même heure dans la rue "avec une prise de parole de Jean-Luc Mélenchon contre la censure et pour la paix". Le parti dénonce un "acharnement intolérable" et "un précédent extrêmement grave pour notre démocratie".
"Encore interdit de réunion. Hier l'université. Mais aujourd'hui la préfecture et dans un lieu public ouvert. (...) Nous interdire de réunion au prétexte de notre sujet est un abus de pouvoir de république bananière", a réagi sur X Jean-Luc Mélenchon.
Emmanuel Macron juge "important" que Jean-Luc Mélenchon "puisse exprimer sa voix"
Interrogé lors d'une conférence de presse à Bruxelles, jeudi, le président de la République s'est dit "toujours favorable à ce que les gens puissent s'exprimer librement", sans commenter explicitement les décisions de la préfecture du Nord. "Je ne partage pas la vision des choses, ni sur le conflit au Proche-Orient, ni sur beaucoup de choses, de Jean-Luc Mélenchon", a rappelé Emmanuel Macron. "Mais je pense que c'est important qu'il puisse exprimer sa voix", a-t-il poursuivi.
Jean-Luc Mélenchon fustige "un abus de pouvoir" du préfet
"Le préfet a fait un abus de pouvoir et dès lors, il doit être sanctionné pour cela", a déclaré Jean-Luc Mélenchon sur BFM TV, vendredi matin. Le chef de file de LFI a ainsi déploré le fait que "sur cinq interdictions, trois venaient de l'Etat, c'est-à-dire des préfets". Il fait ici référence à l'annulation d'une conférence à Bordeaux en octobre et à une autre annulation à Rennes la semaine dernière. "C'est insupportable", a-t-il ajouté.
"Je me suis exprimé déjà plus d'une dizaine de fois sur les sujets qui nous occupaient. Et personne n'a jamais rien trouvé à redire aux propos que j'ai tenus", a-t-il appuyé.
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