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Affaire François de Rugy : les frais de représentation du président de l'Assemblée, un budget très peu contrôlé

François de Rugy a organisé des dîners fastueux aux frais de l'Etat. Une affaire qui met en lumière le faible contrôle des dépenses du président de l'Assemblée nationale.

Article rédigé par franceinfo
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François de Rugy dans un salon de l'hôtel de Lassay, le 3 août 2018. (MAXPPP)

Il assume un travail "de représentation". Epinglé pour avoir organisé une dizaine de dîners fastueux lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, François de Rugy s'est défendu en invoquant des frais inhérents à cette fonction. "Une part importante de la fonction de président de l'Assemblée nationale consiste à un travail de représentation. Représentation de la France et de l'Assemblée nationale auprès d'homologues et membres de gouvernements étrangers, ainsi qu'auprès des médias, de la société civile et de responsable politique en général", a-t-il développé sur Facebook mercredi 10 juillet. Un caractère professionnel contesté par Mediapart, qui évoque "des agapes entre amis".

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Cette affaire met en lumière le flou qui entoure les frais de représentation et de réception de la présidence de l'Assemblée nationale. Prévue à l'article 6563 du budget du Palais-Bourbon, cette somme tourne autour de 450 000 euros ces dernières années. Pour sa défense, François de Rugy s'est félicité d'avoir réduit en 2018 cette enveloppe de 13% par rapport à l'année précédente : c'est vrai, mais son montant n'a fait que retrouver le niveau de 2015, après une forte hausse en 2017, l'année où François de Rugy a succédé à Claude Bartolone. Contacté par franceinfo, ce dernier n'a pas donné suite. 

"Il n'y a pas de textes qui cadrent les choses"

Aucun questeur, ces députés chargés de contrôler les comptes de l'Assemblée nationale, n'a souhaité répondre à nos questions sur ces frais. Et pour cause : si une réforme est venue encadrer les frais de mandats des députés en décembre 2017, rien ne précise le cadre des frais de réception de la présidence de l'hémicycle. "Il n'y a pas de textes qui cadrent les choses. C'est laissé à l'appréciation du président de l'Assemblée", confirme Tris Acatrinei, fondatrice de Projet Arcadie. Pour cette observatrice de la vie parlementaire, "il manque tout un pan du contrôle des frais, ceux de la présidence".

Un avis partagé par l'ONG Transparency International (TI). Si elle note des améliorations depuis 2012 – "on partait pratiquement de zéro au Parlement" – avec la réforme des frais de mandat, Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer à TI, estime auprès de franceinfo que le système manque encore de transparence. "Les frais de représentation du président de l'Assemblée nationale posent aussi la question de la transparence du budget de l'Assemblée nationale. Sur ce point, nous dénoncions dès 2012 dans notre rapport Parlement exemplaire le manque de transparence budgétaire de l'institution", explique-t-elle.

"Quand il n'y a pas de contrôle, il y a des abus"

Pour y remédier, il faudrait, selon Transparency International, publier les rapports de la Cour des comptes sur l'Assemblée et le Sénat, renforcer les dispositifs de contrôle et d’audit interne et faire entrer des personnes indépendantes dans la commission chargée d'apurer les comptes des Assemblées. "Un contrôle extérieur obligerait en effet cette commission à davantage de volontarisme politique et de transparence", estime Elsa Foucraut. "Les politiques sont un peu comme des enfants. Vous ne pouvez pas compter sur leur bon sens", abonde Tris Acatrinei. Jean-Christophe Picard, président d'Anticor, réclame également un système de contrôle. "On ne vit pas dans le monde des Bisounours, quand il n'y a pas de contrôle, il y a des abus", estime-t-il sur franceinfo.

Spécialiste du contrôle des dépenses publiques, l'ancien député René Dosière juge à l'inverse qu'il est trop compliqué de légiférer. "C'est difficile de mettre un cadre. Comment voulez-vous le définir ? C'est à l'intéressé de se prononcer et s'il y a des dépenses privées, c'est à lui de payer", s'est-il interrogé sur franceinfo. Lui voit plutôt dans cette affaire un "problème de comportement" : "Je ne vois pas comment une loi peut interdire cela."

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