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"Sur le terrain, les retours sont terribles" : des députés de la majorité regrettent les affaires de Rugy

Après une année déjà difficile pour le parti présidentiel, avec la crise des "gilets jaunes", les élus LREM contactés par franceinfo se désolent de l'image renvoyée par la majorité tout en critiquant un "lynchage" visant le ministre de la Transition écologique.

Article rédigé par franceinfo
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Des députés de La République en marche, le 19 décembre 2017, à l'Assemblée nationale, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Les députés de La République en marche n'ont pas débouché le champagne en découvrant cette semaine les affaires concernant François de Rugy. Des dîners mondains à l'hôtel de Lassay à la rénovation de son appartement de fonction, en passant par son logement à loyer préférentiel près de Nantes, la série de révélations feuilletonnée par le site Mediapart provoque des remous au sein de la majorité.

"Evidemment, les images interpellent les Français et nécessitent la transparence que l'on a mise en place", estime sur franceinfo Aurore Bergé, porte-parole du parti présidentiel. "Sur le terrain, les retours sont terribles", confie le député LREM Raphaël Gauvain. "On sort quand même de six mois de 'gilets jaunes', où on nous reprochait exactement ça."

J'ai fait quatorze grands débats et il n'y a pas une seule réunion où je n'ai pas eu à me justifier sur mes avantages, sur mon salaire...

Raphaël Gauvain

à franceinfo

"En descendant du train, la première chose que j'ai entendue jeudi, c'est : 'Alors Monsieur le député, les homards sont bons à l'Assemblée ?' C'est extrêmement compliqué à expliquer aux gens. Donc il faut que François de Rugy s'explique rapidement", poursuit le député de Saône-et-Loire.

"Ça donne une image terrible"

"Il y a des images qui ont choqué assez largement. (...) J'ai reçu des messages, des questionnements d'habitants de ma circonscription", ajoute sur France Inter le secrétaire d'Etat Gabriel Attal, élu député des Hauts-de-Seine en 2017. "Je comprends parfaitement que ça puisse choquer des Français qui ont du mal à finir le mois."

Quand on est un jeune engagé en politique, ça fout un peu les boules de se dire que ça renvoie cette image et que ça va alimenter l'idée que tous les politiques se gavent au frais du contribuable, alors que ça n'est pas le cas.

Gabriel Attal

sur France Inter

Peu de poids lourds de la majorité semblent enclins à prendre la défense de l'actuel ministre de la Transition écologique. "Evidemment que ça fait du mal, évidemment que ça donne une image terrible et évidemment qu'après l'année que nous venons de vivre, où on demande des efforts, il faut qu'on soit exemplaire à tous les étages", a également déclaré sur France 2 l'ancien porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, qui vient d'être désigné candidat LREM pour les municipales à Paris.

"Il faut qu'il y ait une enquête de la déontologue"

"Même si je comprends la réaction des gens, il n'a rien fait d'anormal dans le fonctionnement de l'Assemblée, cela a toujours marché comme ça, estime pour sa part le député MoDem Bruno Millienne. On peut aussi isoler encore un peu plus les gens et en faire des momies. S'il a commis des fautes, il prendra ses responsabilités, mais il ne faut pas le condamner avant l'enquête."

"On assiste à une cabale contre lui. C'est un homme à terre et tout le monde lui crache dessus. On est entré une démocratie du soupçon total", s'agace le député Raphaël Gauvain. "On assiste à un pur lynchage médiatico-politique, poursuit le député des Yvelines Bruno MillienneCertes, les photos sont choquantes, mais on lui reproche de dilapider l'argent de l'Assemblée alors qu'il a diminué le budget des frais de représentation par rapport à 2017." L'élu MoDem oublie de préciser que le montant de cette enveloppe a été ramenée à son niveau de 2015.

Bientôt, il va falloir élire des robots et non des hommes.

Bruno Millienne

à franceinfo

Les députés en appellent désormais à l'inspection commandée par Matignon et à la déontologue de l'Assemblée pour faire toute la lumière sur les affaires reprochées à l'ancien président de l'Assemblée. "Je suis surpris qu'on serve du homard comme ça, il faut qu'il y ait une enquête de la déontologue pour voir si c'est justifié, qui était invité et ce qui était servi, réclame Raphaël Gauvain. Mais tout ça est extrêmement surprenant. François de Rugy est quelqu'un de plutôt austère, d'assez simple, ce n'est pas du tout un flambeur…"

"C'est le bouc émissaire idéal"

L'engagement de François de Rugy de rembourser "chaque euro contesté" a convaincu certains députés de la majorité. "C'est normal, c'est la transparence de la vie publique dont nous faisons la promotion", estime sur franceinfo Pierre Person. Mais pour certains députés, le mal est fait et la majorité sous-estime encore le problème. "La société française est faite de passion et de symboles, depuis la Révolution et les colliers de perle de Marie-Antoinette. On doit adapter notre réponse politique à ces passions et les députés En marche n'ont toujours pas compris ça", lance François-Michel Lambert, ancien député LREM passé au groupe Libertés et territoires.

"J'avais déjà alerté sur l'affaire Benalla que ça ne devait pas être pris par-dessus la jambe et mes collègues députés ne comprenaient pas, considérant que c'était un non-sujet. Les députés n'ont pas appris des erreurs du passé, estime l'élu des Bouches-du-Rhône. François de Rugy est un homme de raison, c'est une sorte d'ordinateur, il a un peu la même structure qu'un Alain Juppé, mais il est actuellement écrabouillé, explosé façon puzzle face aux symboles. J'ai toute mon amitié pour François de Rugy, mais la politique est ainsi faite."

"Déjà à Europe Ecologie-Les Verts, il a toujours donné l'impression d'être le premier de la classe, l'aristo. Donc c'est le bouc émissaire idéal sur qui tout le monde se défausse", estime cet ancien membre du parti écologiste. 

Tout le monde tape en ce moment sur François de Rugy, car il a la gueule de l'emploi.

François-Michel Lambert

à franceinfo

Il avoue que la question du départ de François de Rugy du gouvernement est désormais une possibilité. "Mais il ne peut pas démissionner comme ça, c'est le numéro 2 du gouvernement. On a déjà dû gérer en 10 minutes la démission de Nicolas Hulot. C'est au Premier ministre et au président de la République de prendre leurs responsabilités."

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