Dîners luxueux, travaux onéreux, appartement à loyer modéré… Ce qui est reproché à François de Rugy (et comment se défend le ministre)
Mediapart a publié trois enquêtes sur le ministre de la Transition écologique. Lequel a répondu sur sa page Facebook.
En quelques jours, les affaires embarrassantes se sont accumulées sur le bureau de François de Rugy, entraînant sa démission, mardi 16 juillet. Le ministre de la Transition écologique et solidaire est dans la tourmente depuis que Mediapart (article payant) a révélé, mercredi 10 juillet, les dîners mondains qu'il a organisés aux frais du contribuable lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale.
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Dans la soirée, le site d'investigation a dévoilé une autre affaire, touchant cette fois-ci sa directrice de cabinet, Nicole Klein, qui a conservé un logement social à Paris pendant douze ans alors qu'elle ne vivait plus dans la capitale. Le lendemain, Mediapart publiait un article révélant le montant des travaux – plus de 63 000 euros – réalisés dans les appartements privés du ministère de la Transition écologique.
Alors que sortaient sur Mediapart de nouvelle révélations sur l'utilisation de son indemnité représentative de frais de mandat pour payer une partie de ses cotisations à EELV, François de Rugy a annoncé sa démission sur Facebook, ajoutant son intention de porter plainte pour diffamation contre le site d'investigations.
Les dîners mondains à l'hôtel de Lassay
Que sait-on ? Mediapart révèle que François de Rugy, alors président de l'Assemblée nationale, a organisé avec son épouse de luxueux dîners à l'hôtel de Lassay, sa résidence de fonction. Le site a comptabilisé une dizaine d'agapes entre 2017 et 2018, avec champagne, grands vins ou homards, comme le montrent les photos accompagnant l'article. Ces dîners ont rassemblé à chaque fois entre dix et trente convives, selon Mediapart.
Le média d'enquête remet en cause le caractère professionnel de ces réceptions. Les participants "appartenaient tous au cercle relationnel et surtout amical de Séverine de Rugy", l'épouse de François de Rugy, journaliste au magazine people Gala. Ils recevaient ainsi "des copains et copines de la communication et du journalisme, des réalisateurs, des producteurs, des gens de la finance, des actrices ou des écrivains de seconde zone", écrit Mediapart.
Bien que le gouvernement l'ait officiellement assuré de sa "confiance", certaines voix s'élèvent au sein de la majorité. "Si ce sont des amis privés, il y aura un problème, et là il y aura la nécessité évidemment que les frais soient remboursés", a affirmé la députée Aurore Bergé sur franceinfo. Le patron de La République en marche, Stanislas Guerini, en a quant à lui appelé à la déontologue de l'Assemblée nationale pour faire la lumière sur cette affaire.
Que répond François de Rugy ? A l'issue du Conseil des ministres, mercredi, François de Rugy a reconnu "une dizaine de dîners informels" avec des personnalités issues de la société civile. Le ministre de la Transition écologique a déploré "une présentation tendancieuse des choses" et des "propos mensongers", notamment par les "formulations" utilisées par un média dont le "parti pris militant" est, selon lui, "une habitude".
"Une part importante de la fonction de président de l'Assemblée nationale consiste à un travail de représentation" qui le "conduit régulièrement à accueillir, rencontrer et échanger avec des responsables politiques, français ou étrangers, locaux ou nationaux", se justifie-t-il sur sa page Facebook. Sur BFMTV, vendredi 12 juillet, le ministre a assuré qu'il avait "une intolérance aux crustacés et aux fruits de mer" et que le champagne lui faisait "mal à la tête". "Je ne mange pas de homard, je n'aime pas ça", a-t-il argumenté, regrettant que l'on fasse croire que c'était lui qui avait demandé que l'on serve ce mets.
La rénovation de son appartement de fonction
Que sait-on ? Le logement de fonction de François de Rugy au ministère de la Transition écologique a bénéficié de travaux fin 2018 et début 2019, à hauteur de 63 000 euros. Parmi les dépenses engagées figurent des travaux de peinture (35 390 euros), de moquettes et de parquets (4 639 euros) ou encore de réfection de salle de bains (6 057 euros), ainsi qu'un dressing pour un coût de 16 996 euros. Mediapart, qui a interrogé des entrepreneurs sollicités pour des devis mais finalement non retenus, qualifie ces aménagements de "travaux de confort". Le site ajoute que ce ne sont pas les prestataires les moins onéreux qui ont été choisis.
Que répond François de Rugy ? Le ministre a publié sur Facebook les explications qu'il a fournies à Mediapart avant la publication de l'article. Il affirme ainsi que les derniers travaux de rénovation dans cet appartement remontaient à seize ans. Il assure par ailleurs que les services en charge du parc immobilier du ministère ont reconnu eux-mêmes que des travaux étaient nécessaires au vu de la "vétusté" de certaines pièces.
Interrogé par l'AFP, son prédécesseur au ministère, Nicolas Hulot, a décrit cet appartement comme "baignant dans son jus". "Personnellement, je m'en fichais complètement, je n'ai fait aucuns travaux, je savais que je n'étais que de passage. Mais je peux comprendre qu'une famille qui s'y installe ait pu souhaiter le rafraîchir un peu", témoigne-t-il.
Concernant le choix des entreprises pour les travaux, François de Rugy explique qu'il "a été fait par les services du ministère, qui ont privilégié les prestataires avec lesquels des marchés publics ont été passés et qui présentaient toutes les garanties et références nécessaires en matière de rénovation de bâtiments anciens". L'hôtel de Roquelaure, qui abrite le cabinet du ministre, date du XVIIIe siècle.
Le logement social de sa directrice de cabinet
Que sait-on ? La directrice de cabinet du ministre, Nicole Klein, était locataire d'un logement social à Paris depuis 2001, révèle Mediapart. Or, cette haute fonctionnaire qui a occupé de nombreuses fonctions, notamment comme préfète, ne vivait pas dans la capitale entre 2006 et 2018. "Je n'ai pas quitté cet appartement par facilité et négligence", a-t-elle reconnu, interrogée par Ouest-France.
Que répond François de Rugy ? Pour couper court à la polémique, le ministre a décidé de limoger sa collaboratrice. "Après avoir pris connaissance de l'occupation depuis 2001 par Madame Nicole Klein d'un logement HLM à Paris, en parallèle de ses fonctions de préfète, dans plusieurs postes en province, François de Rugy a mis fin à ses fonctions de directrice de cabinet", a indiqué jeudi le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Le logement à loyer préférentiel près de Nantes
Que sait-on ? En juillet 2016, le député François de Rugy est devenu locataire d'un appartement à Orvault, une commune proche de Nantes (Loire-Atlantique) située dans sa circonscription. Selon Mediapart, il s'agit d'un T2 de 48 m², acheté par son propriétaire dans le cadre du dispositif Scellier "social". "Ce dispositif d’aide prévoit que les loyers soient plafonnés pour des locataires répondant à des critères stricts, notamment en matière de revenus modestes", écrit le site.
Pour la commune d'Orvault, située en zone B1, ce plafond est de 34 790 euros pour une personne seule sans enfants à charge. A l'époque, le député, qui n'avait pas ses deux enfants à charge selon Mediapart, déclarait 47 958 euros de revenus. Le site précise également que le locataire d'un logement Scellier doit faire de l'appartement son habitation principale, ce qui n'est pas le cas du ministre.
Que répond François de Rugy ? Dans un post Facebook, le ministre assure qu'il n'était pas au courant. "Mediapart affirme qu’il s’agit d’un 'logement à loyer social préférentiel', en s’appuyant sur certains témoignages. Cette information, si elle est avérée, je n’en n’ai moi-même JAMAIS eu connaissance", écrit-il, avant de publier des e-mails échangés avec l'agence immobilière, son engagement de location préalable et ses réponses aux questions de Mediapart. Vendredi, sur BFMTV, le ministre s'est dit "victime d'une tricherie du propriétaire et de l'agence immobilière". "Je n'ai jamais profité indûment d'un logement social", a-t-il martelé.
Le sèche-cheveux doré à la feuille d'or
Que sait-on ? Comme le rapporte Le Parisien, la femme de François de Rugy, Séverine Servat, a fait l'acquisition, aux frais de l'Assemblée nationale, d'un sèche-cheveux doré à la feuille d'or, pour la somme de 499 euros.
Que répond François de Rugy ? Au quotidien, le ministre a d'abord répondu que l'objet avait été "laissé à l'Assemblée nationale lorsque le couple a quitté le Palais Bourbon". Sur BFMTV, vendredi 12 juillet, François de Rugy a finalement accusé le journal d'avoir menti sur ce sujet.
L'utilisation de son indemnité de frais de mandat pour payer ses cotisations d'élu à EELV
Que sait-on ? Selon Mediapart, François de Rugy a utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts en 2013 et 2014, soit un total de 9 200 euros. Or, "l’IRFM, qui a été réformée en 2017 dans le but de renforcer son contrôle, n’avait pas vocation à être utilisée pour financer un parti politique, détaille le site. De plus, François de Rugy a déduit ces versements du calcul de son impôt sur le revenu 2015, ce qui interroge sur le plan fiscal, l’IRFM étant défiscalisée."
Que répond François de Rugy ? Le ministre de la Transition écologique a démissionné au moment de la publication de cette information et n'avait pas encore répondu à ces accusations, mardi après-midi. "Nos questions lui ont été envoyées hier [lundi], nous attendions ses réponses pour 14 heures, et ce sera l'annonce de sa démission", a déclaré le cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel.
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