Municipales à Paris : à LREM, c'est commission impossible pour satisfaire les candidats à l'investiture
Qui sera le candidat de la majorité pour défier Anne Hidalgo ? C'est la commission nationale d'investiture qui aura la lourde tâche de choisir. En attendant, les prétendants s'écharpent sur les conditions de désignation du candidat du parti présidentiel.
"Nos amis parisiens ne seront pas tous contents. Evidemment", soupire au bout du fil Alain Richard, le sénateur LREM du Val-d'Oise. Avec Marie Guévenoux, la députée de l'Essonne, il est à la tête de la commission nationale d'investiture (CNI) qui aura la lourde tâche de désigner les candidats du parti présidentiel pour les municipales de 2020. Sans surprise, Paris concentre toutes les attentions... et les candidats. Si Benjamin Griveaux, ancien porte-parole du gouvernement, fait figure de favori, cinq autres prétendants – parmi lesquels l'ancien secrétaire d'Etat Mounir Mahjoubi ou le député de l'Essonne Cédric Villani – entendent bien défendre leur candidature.
En coulisses mais aussi par voie de presse, la tension est récemment montée d'un cran. Parmi les points d'achoppement : le calendrier. En la matière, c'est un peu Benjamin Griveaux versus les autres candidats. Le premier plaide pour une date resserrée – "Le calendrier gagnant, c'est avant l'été", assure-t-il à franceinfo – tandis que la plupart des autres candidats réclament plus de temps pour avoir l'opportunité de défendre leurs idées. Et surtout tenter de renverser le favori de son siège.
Ne pas confondre vitesse et précipitation
Les députés Hugues Renson et Cédric Villani sont ainsi montés au créneau sur la question. Tous deux ont envoyé une lettre à la CNI pour se plaindre. "Je perçois un risque de précipitation, on est à peine sortie de la campagne des européennes, prenons le temps d'analyser le scrutin et de commencer les municipales", soutient l'élu parisien, qui s'est déclaré début juin et préconise de prendre une décision après l'été. Le vice-président de l'Assemblée nationale demande même la tenue d'un débat entre les six candidats.
Je comprends le risque d'une campagne en interne qui puisse diviser mais je ne comprends pas la peur du débat.
Hugues Rensonà franceinfo
Ancien Monsieur Numérique du gouvernement, Mounir Mahjoubi plaide, lui, "pour un scénario entre mi-juillet et fin août" : "Il ne faut pas attendre trop longtemps. L'idée du 20 juin, c'est non. Mais je ne suis pas pour le 20 novembre", indique-t-il à franceinfo. "Il ne faut pas perdre du temps mais ne pas se précipiter, on a besoin de travailler sur la base programmatique", défend Cédric Villani. Anne Lebreton, adjointe au maire du 4e arrondissement et seule femme candidate, relève que "d'un point de vue médiatique, il serait intéressant de commencer en septembre".
Ces arguments font bondir Benjamin Griveaux, qui entend mettre en place dès la rentrée une plateforme collaborative pour consulter les Parisiens. "On ne consulte pas les gens en quinze jours", plaide-t-il, tout en soulignant que les comptes de campagne officielle commencent en septembre. "Il faut un mois pour ouvrir un compte à la banque. Donc si on a le nom de la personne investie en septembre, elle a son compte en octobre et on commence en novembre ?" s'étrangle-t-il presque.
Anne Hidalgo, elle fait une proposition par mois et elle a commencé sa campagne depuis un an ! Il n'y a pas une campagne à Paris qui ait été gagnée en commençant en septembre.
Benjamin Griveauxà franceinfo
Seul Antonio Duarte, encarté chez l'UDE (Union des écologistes) et à LREM, rejoint Benjamin Griveaux sur ce point. "J'entends des candidats qui préféreraient reporter aux calendes grecques car leur projet n'est pas prêt. Il faut une attitude responsable. Moi, je me suis prononcé pour une désignation avant juillet", confie-t-il à franceinfo.
Un calendrier bientôt révélé
Benjamin Griveaux a en tout cas trouvé sur sa route un allié de poids : Stanislas Guerini. Lors d'une réunion de calage avec les candidats, le 28 mai, le patron du parti présidentiel a fait connaître sa préférence : entre la fin du mois de juin et début juillet. "Si on veut gagner Paris, il faut avoir le temps de se préparer. Nous devrons tous nous rassembler derrière un candidat ou une candidate et un projet pour Paris, qu'il faudra installer dans l'esprit des Parisiens", explique-t-on à la direction du parti. Et de préciser toutefois :
La CNI est indépendante : elle aura son propre position. C'est elle qui tranchera sur le calendrier et le candidat.
La direction de LREMà franceinfo
Du côté de la commission nationale d'investiture, justement, on précise à franceinfo que la date à laquelle sera désigné le candidat de La République en marche devrait être annoncée mercredi prochain, jour de la prochaine réunion de la commission. "On va regarder quelles sont les meilleures conditions pour gagner Paris", précise Marie Guévenoux, promettant que les candidats auront "le temps nécessaire pour préparer leur dossier".
Cette annonce prochaine du calendrier est l'un des points abordés par la CNI dans sa lettre de réponse à Hugues Renson et Cédric Villani, envoyée jeudi 6 juin. "On leur a écrit qu'on allait pouvoir annoncer prochainement le calendrier, que l'on serait de la plus grande exigence et impartialité", révèle Alain Richard qui tente en la matière de faire du "damage control", autrement dit de limiter les points d'accrochage entre les candidats.
Une décision sans les "marcheurs"
La composition de la CNI est l'autre sujet de crispation au sein des candidats. Outre le duo Marie Guévenoux et Alain Richard, ce sont quatorze personnalités qui ont été choisies pour siéger à leurs côtés, parmi lesquelles l'ancien ministre Dominique Perben, Jean-Marc Borello, le patron du groupe SOS (une organisation qui lutte contre les exclusions), ou encore le ministre du Logement Julien Denormandie. La présence de ce dernier a immédiatement été notée, notamment par Anne Lebreton et le camp Villani, qui ont bien en tête les déclarations du ministre en avril sur LCI. "Je suis convaincu que Benjamin Griveaux sera aujourd'hui le meilleur candidat pour porter le projet de La République en marche. Je le soutiendrai dans sa campagne à l'investiture", avait-il déclaré.
Sauf que, selon RFI, l'entourage de Julien Denormandie est clair : "S'il y a le moindre doute, il n'hésitera pas à se retirer." Et du côté de la CNI, on est encore plus catégorique : "Julien Denormandie ne se prononcera pas sur Paris, c'est confirmé", révèle Alain Richard à franceinfo. Cette polémique avortée provoque la colère de Benjamin Griveaux : "Il est ministre et en plus suppléant dans la commission. Mettre en cause la probité de Julien, ce n'est pas bien, c'est un des fondateurs de notre mouvement, et c'est très mal passé auprès des marcheurs parisiens."
Reste que le cas de Julien Denormandie n'est pas le seul problème relevé par les candidats. Anne Lebreton pointe, elle, l'absence de parité de la commission. "Je ne comprends vraiment pas, je l'ai fait remonter dans une lettre à Stanislas Guerini, ce n'est pas acceptable", déplore-t-elle.
La commission nationale d'investiture @enmarchefr "prêtera une attention particulière aux femmes", mais seulement 6 femmes pour 10 hommes dans la CNI. Pourquoi? #OnNyArriveraPasCommeCa @StanGuerini @Pierr_Person @BGriveaux @VillaniCedric @huguesrenson @mounir @EmmanuelMacron
— Anne Lebreton (@annelebreton) June 4, 2019
D'autres regrettent, à l'instar de Cédric Villani ou de Hugues Renson, l'absence d'adhérents dans la CNI. "Je souhaiterais que la procédure associe, dans la mesure du possible, les militants à la décision", écrit le député dans sa missive à la CNI.
"Evidemment que j'aurais préféré avoir des militants, je suis pour une démocratie participative absolue, on aurait pu créer par exemple un comité consultatif d'adhérents pour la CNI", approuve Mounir Mahjoubi. "Hugues Renson et Cédric Villani proposaient des adhérents tirés au sort, nous n'avons pas retenu cette option car la commission va avoir beaucoup de travail, leur répond Marie Guévenoux. Nous avons fait le choix de la représentativité avec des gens qui ont des mandats électoraux et d'autres qui viennent du mouvement et sont des référents ou des responsables jeunes."
Nous n'avons pas l'intention de changer la composition de la CNI.
Alain Richardà franceinfo
L'ombre d'Emmanuel Macron
Pour autant, les six candidats interrogés par franceinfo réaffirment tous leur confiance dans le processus de désignation interne et dans le travail de la CNI. Mais personne n'est dupe : ils savent que la décision sera prise, au moins en partie, en haut-lieu. "Le président aura son mot à dire, c'est compliqué de savoir où sera vraiment le cœur de la décision", note Anne Lebreton. La CNI, elle, ne s'en cache pas. "Le président est un membre du mouvement, on va de temps en temps recueillir son opinion", assure Alain Richard, qui précise n'avoir pas encore sollicité l'avis d'Emmanuel Macron sur l'épineuse question parisienne. Alors, chacun guette un signe du Château. Ou plutôt l'absence de signe et ce que cela signifie.
Je suis serein. Si le président avait fait son choix, il l'aurait fait savoir.
Cédric Villanià franceinfo
"Si on avait un grand chef certain de sa décision, il l'aurait déjà prise", fait-on également savoir dans l'entourage de Mounir Mahjoubi, dans une référence à peine voilée à Benjamin Griveaux. L'intéressé, lui, botte en touche. "Je ne dis rien de mes discussions avec Emmanuel Macron mais je connais sa position", glisse-t-il seulement.
Du côté de ses concurrents, on tente justement d'échapper au rouleau-compresseur Griveaux. "Il n'y a pas de candidat naturel, de candidature naturelle, il ne peut pas y avoir de candidature imposée. Aujourd'hui, on a des visions et des tempéraments différents à faire valoir", insiste Hugues Renson. "On ne représente pas les mêmes choses pour les Parisiens et les Parisiennes", ajoute Mounir Mahjoubi. Tous devront, quelque soit le candidat désigné, se retrouver derrière lui. En attendant, la direction de LREM signifie qu'elle aimerait un peu moins de fébrilité et un peu plus d'"apaisement" de la part des candidat pendant ce temps de pré-campagne.
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