Les candidats volants de Lutte ouvrière
LO sera présent dans les 577 circonscriptions françaises pour les législatives. Mais par manque de candidats locaux, le parti fait appel à des militants qui résident à des centaines de kilomètres de l'endroit où ils sont investis.
Descendus de Paris en voiture, quatre "camarades" ont pris leurs quartiers pour dix jours dans un petit gîte à Château-Lévêque, à une quinzaine de kilomètres au nord de Périgueux. Mais non, Josefa Torres, Sandrine Ruchot, Serge Mercier et Jacques Decoupy ne sont pas en vacances. Ils sont les candidats de Lutte ouvrière (LO) dans les quatre circonscriptions de Dordogne, et font campagne pour les législatives.
Des candidats sans circonscription fixe
En tout, Josefa Torres, technicienne en biotechnologies chez Sanofi, aura posé trois semaines de congés sans soldes. Dont dix jours d’affilée "pour la dernière ligne droite" avant le premier tour. Encore un peu intimidée par les médias - "On n’est pas des politiciens" -, cette brunette aux cheveux très courts, âgée de 45 ans, est candidate aux législatives dans cette circonscription pour la troisième fois. Et elle le reconnaît, cette régularité, "ça fait une référence". Mais si elle avait dû aller ailleurs "pour le parti", elle l’aurait fait volontiers.
Un peu comme Pascale Georget, la candidate LO dans la 6e circonscription du Calvados en 2012, qui a déjà fait campagne dans le Gard, la Somme ou à Paris lors de précédentes élections. Propriétaire d’un petit commerce de bouche dans la capitale, elle laisse sa boutique à son mari quand ses obligations de campagne l’appellent sur place. "C’est important, si on veut diffuser nos idées, que nos électeurs puissent se prononcer sur notre programme, faut y aller", explique-t-elle, surmotivée, en détaillant ses trois prochaines journées, qui promettent d'être chargées.
"De toute façon, les problèmes sont partout les mêmes"
Malgré une cinquantaine de militants LO dans les alentours, le parti communiste et révolutionnaire n’a pas trouvé les douze candidats nécessaires aux six duos titulaire-suppléant pour couvrir le département. Du coup, la moitié des candidats viennent de Paris. "De toute façon, les problèmes que l’on peut rencontrer dans le Calvados, ce sont les mêmes qu'ailleurs, l’emploi, la précarité, le pouvoir d’achat en baisse", explique Pascale Georget, la candidate volante depuis 1978.
Pierre Casevitz, responsable LO dans le département, qui l’héberge les jours de campagne, confirme et énumère : "Carrefour qui annonce un plan de licenciement c’est pas normand, Plysorol en cessation de paiement à Lisieux, c’est un patron libanais." 580 km plus au sud, en Dordogne, Josefa Torres parle "hémorragie des emplois" et saisit l’exemple d’Interspray, une usine d’aérosol implantée à Neuvic, en plein cœur de sa circonscription, et en cours de fermeture.
Les militants de Lutte ouvrière préfèrent les sorties d’usine et d’entreprises aux marchés, qu’ils font aussi de temps en temps malgré tout, si leurs effectifs sont suffisants. "On a toujours dit qu’on était un petit parti qui voulait grandir", explique Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière et elle-même candidate en Seine-Saint-Denis, dans la foulée de sa campagne présidentielle.
"Ah ça ! Y’a pas de risque qu’on fasse 10%"
"On essaie de recruter de nouveaux camarades, surtout dans les zones rurales, où l’on est moins bien implantés", explique cette professeur d'économie en lycée, chef de file d’un parti qui revendique 8 000 cartes. "On veut que tous ceux qui ont voté Nathalie Arthaud [202 548 personnes] à la présidentielle puissent refaire le geste", martèle un cadre du parti, qui répète : "S'il y a bien une élection qui n’est absolument pas locale, c’est les législatives, on vote pour des députés qui devront se prononcer sur la politique nationale. Sinon, c’est la porte ouverte au lobbying."
"Hollande ou pas, les groupes industriels et financiers dominent et on ne peut compter que sur nous pour imposer un certain nombre de mesures comme l’interdiction des licenciements", décline Nathalie Arthaud dans la lignée de sa campagne.
Le parti fournit l’essentiel du matériel de campagne, plus ou moins personnalisé, dont un tract de campagne national de quatre pages. "Ça va nous coûter près d’1,2 million d’euros, autant que ce que la subvention publique nous donnera sur cinq ans, si on l’obtient, ce qui n’est même pas sûr", précise celle qui a réuni 0,56% des suffrages le 6 mai 2012. Et d’insister sur la nécessité de populariser la lutte.
"Ah ça ! Y’a pas de risque qu’on fasse 10%, rigole Pascale Georget, la candidate dans le Calvados, pas démobilisée pour autant. C'est une tribune pour profiter de ces moments-là, où le gens sont un peu plus réceptifs."
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