Les derniers pas du "député qui marche" Jean Lassalle
Durant huit mois, l'élu MoDem des Pyrénées-Atlantiques a usé ses chaussures sur les routes de France. Son périple a pris fin, mercredi, à Paris.
Depuis son élection à la mairie de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques), en 1977, à l'âge de 21 ans, il a occupé "tous les mandats locaux que l'on peut avoir". Et pourtant, Jean Lassalle s'est lancé, le 10 avril dernier, dans une longue marche à la rencontre des Français, pour "redonner la parole aux silencieux". Derrière cet aveu d'échec d'un homme politique déconnecté de ses concitoyens, se cachait la peur d'un "problème grave à très court terme pour notre pays" et l'envie d'un "combat non-violent" pour réveiller les consciences, confiait-il à France Culture.
A 58 ans, le député-maire a donc pris son bâton, ses chaussures de marche taille 48 et son béret. Il a dérangé certains habitants, d'autres l'ont attendu au bord des routes et sont allés à ses réunions publiques. Il a reçu des cadeaux et bu des Picon-bières chez l'habitant. Et il a accumulé des milliers de témoignages. A l'occasion du retour à Paris du "député qui marche", mercredi 11 décembre, francetv info revient sur cette randonnée de 214 jours.
6 000 km à pied, ça use le député
Dans son sac à dos, Jean Lassalle portait une bouteille d'eau, un gilet fluo pour être vu dans la nuit, des chemises de rechange et des médicaments pour le ventre. Des sachets qu'il doit avaler depuis sa grève de la faim de 39 jours en 2006, menée pour sauver une usine de la vallée d'Aspe, où il est né. "Fragile comme une violette", ce fils de berger a souffert durant sa marche. Des ampoules au pied pour commencer, puis une bronchite en juillet à Baden-Baden et "une vilaine crève en s'égarant dans les bois, à la sortie du Havre", début décembre, raconte Libération. Tout au long de son périple, il a pu compter sur le soutien de son assistante et de bénévoles chargés de la logistique.
Parmi les milliers de rencontres, certaines restent particulièrement mémorables. Le Figaro revient sur l'une d'elles, dans un village de Lorraine. Le 13 juin, trempé par des trombes de pluies, Jean Lassalle se réfugie dans un bar avec plusieurs syndicalistes de la CFDT Florange, dont leur leader Édouard Martin. La rencontre vire au buffet avec une centaine de personnes. A l'heure de l'addition, "la propriétaire édentée, sortie tout droit d'un roman de Zola" et ancienne syndicaliste, annonce qu'elle règle la note. "En vous regardant, lâche-t-elle, j'ai eu la conviction que rien n'était fini, que tout cela n'était qu'un mauvais passage. Vous avez raison. Rien n'est foutu."
"Une France découragée"
Le lendemain de cette soirée, Jean Lassalle rentre pour quelques jours à Paris. "L’heure est venue pour moi de faire un premier rapport d'étape", estime-t-il sur son blog. Il a "des choses importantes à dire" aux présidents de la République et de l'Assemblée nationale. Claude Bartolone le reçoit "durant 50 minutes". Le député décrit "une France découragée", une détestation des politiques, une Europe contestée. "Partout, j'entends dire : 'ça va péter'", rapporte-t-il, évoquant un profond "désespoir".
"Le plus lourd, le soir, ce ne sont pas les kilomètres, c'est ce que vous avez entendu dans la journée", livre Jean Lassalle. Ou vécu. Particulièrement ce 4 octobre. Alors qu'ils rejoignent en voiture le port d'embarquement de Marseille pour une escale en Corse, le député et son assistante Isabelle s'arrêtent à un feu rouge. C'est alors qu'un homme surgi à la portière de la Citroën C6 et arrache "les quelques colliers qu'Isabelle portait au cou", raconte l'élu sur son blog. Il tente de s'interposer, "malheureusement sans succès". C'est le second incident du périple, après des menaces reçues quand le député s'est aventuré dans une cité sensible du Nord, rappelle Le Figaro.
"Réveilleur de consciences"
Au cours de son périple, le député écoute beaucoup, mais il se livre aussi. Dans les Ardennes, au micro de France Culture, il évoque la solitude, qui lui offre "les meilleurs moments de la marche". Il parle de son enfance et de sa mère, qui "redonnerait le moral à un cimetière". Il raconte même avoir été "conçu au clair de lune, devant le lac, sur la merveilleuse terre d'Aragon, une terre de musique, de chanson et de liberté", le soir du mariage de ses parents, trop pressés pour attendre de rentrer dans leur cabane de berger.
Surtout, il livre ses espoirs. Assumant le côté "café du commerce" de sa marche, il se voit en "réveilleur de consciences" et se dit inspiré par Gandhi. Née du constat que "le président Hollande n'arriverait pas davantage à trouver les clés du camion que son prédécesseur", son action doit à présent déboucher sur une synthèse des témoignages accumulés. Elle sera remise d'ici février à François Hollande et Jean-Marc Ayrault.
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