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Les écolos piégés par leur participation au gouvernement

Malgré leurs menaces, les écologistes peuvent difficilement tourner le dos à la majorité.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les ministres écologistes en charge du Développement, Pascal Canfin, et du Logement, Cécile Duflot, le 17 mai 2012 à l'Elysée. ( MAXPPP)

"Nous sommes près de la sortie." Président du groupe écologiste au Sénat, Jean-Vincent Placé le dit haut et fort : après l'éviction de la ministre Delphine Batho, mardi 2 juillet, et l'effondrement du budget de l'Etat consacré à l'écologie (-7%), les Verts pourraient très bien quitter le gouvernement. Noël Mamère, lui aussi, s'interroge : "Est-ce qu'on va continuer à recevoir des coups sur la tête, y compris quelquefois des coups de massue qui vous évanouissent, et continuer à dire merci au gouvernement ?"

A cette question du député-maire de Bègles, l'état-major des Verts a répondu "oui" mardi soir. Après une réunion de crise au ministère de Cécile Duflot, le patron d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Pascal Durand, a tranché : pas question de quitter le gouvernement et tourner le dos à la majorité. Assez loin des éructations de Jean-Vincent Placé ou Noël Mamère, il a sobrement demandé à François Hollande et Jean-Marc Ayrault "des engagements clairs et des actes pour que l'écologie soit définitivement prise en compte", et ce dès 2014. Une formule pour le moins mesurée, qui illustre bien le piège dans lequel les Verts sont actuellement enfermés.

Deux ministres et 17 députés pour 2% à la présidentielle

Au fond, les écologistes savent qu'ils ne sont pas si mal lotis. Malgré une campagne présidentielle désastreuse et les 2,31% obtenus par Eva Joly, EELV compte deux ministres au gouvernement et un groupe autonome à l'Assemblée nationale. Des conditions confortables, que les écolos n'auraient jamais obtenues sans un accord scellé fin 2011 avec le Parti socialiste.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la question du maintien des écologistes au gouvernement se pose. Après le rejet du traité budgétaire européen par les instances d'EELV, fin septembre, ou après le regain de tensions autour du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en novembre, l'hypothèse avait déjà été évoquée. Pour être à chaque fois balayée par les deux parties. "Depuis le début, Pascal Durand nous a indiqué que le bilan de la participation d'EELV au gouvernement, de son utilité ou non, serait fait à l'occasion du congrès de leur parti, à l'automne 2013, et pas avant", rappelle un responsable du Parti socialiste.

Duflot et Canfin accusés de s'accrocher à leurs fauteuils

Membre du conseil fédéral d'EELV, le député européen Yves Cochet le regrette. "Cécile et Pascal [ministre délégué au Développement] trouvent toujours de bonnes raisons pour ne pas quitter le gouvernement. Ils disent qu'ils ont encore des lois à défendre, etc. Je regrette l'étroitesse de leur champ de vision, sermonne-t-il, joint par francetv info. A cause du score d'Eva Joly, nous ne sommes pas dans une situation très favorable et les socialistes en profitent, comme ils l'ont toujours fait. Ils nous laissent tout juste de quoi respirer. Et face à eux, la direction d'EELV fait preuve de faiblesse. Mais au niveau des militants, la révolte monte."

Cécile Duflot et François Hollande lors d'un déplacement à Caen (Calvados), le 17 mai 2013. (MAXPPP)

Une récente enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po, publiée à la mi-juin dans Le Monde, tend à lui donner raison. Alors qu'en 1999, 79% des adhérents des Verts jugeaient que leur participation au gouvernement était "un bien", ils ne sont plus que 49% à le penser aujourd'hui.

"Cécile et Pascal n'ont que faire de ce que pensent les militants. On dirait que tout ce qui les intéresse aujourd'hui, c'est de garder leur siège et leur semblant de pouvoir, quitte à avaler toutes les couleuvres du monde et à oublier leurs convictions", s'agace un député écolo joint par francetv info. "En même temps, observe le politologue Daniel Boy, si Cécile Duflot quitte le gouvernement, que devient-elle ? On peut comprendre qu'elle n'ait pas très envie de redevenir simple députée ou secrétaire nationale des Verts." Au risque de passer pour une opportuniste…

Les municipales en ligne de mire

A moins d'un an des élections municipales et européennes, certains ne cachent plus leurs inquiétudes en observant ce périlleux numéro d'équilibriste auquel s'adonnent les ténors d'EELV. Un pied dedans, un pied dehors. "Nos militants et nos sympathisants ne comprennent pas comment Cécile et Pascal peuvent participer à une politique qui est tout sauf celle d'une gauche écologiste", poursuit ce député. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Yves Cochet estime qu'EELV doit s'émanciper de la majorité socialiste : "On n'a pas besoin d'accords avec le PS pour faire de bons résultats aux municipales. Au contraire, notre position serait plus claire, plus lisible. Là, on risque de payer notre participation à un pouvoir très impopulaire."

Daniel Boy acquiesce : "Pour les municipales, les écolos ont besoin du PS autant que le PS a besoin d'eux. EELV ne risque donc pas grand-chose à sortir de la majorité." Dans un langage plus politicien, le sénateur socialiste Luc Carvounas, en charge des relations avec les partis de gauche au PS, ne dit pas autre chose : "EELV n'a pas à se plaindre de ses partenariats avec le PS ces dernières années. En retour, on aimerait qu'eux aussi, soient des partenaires fiables".

En attendant, François Hollande tente de garder sa petite emprise sur les Verts. Pour remplacer Delphine Batho au ministère de l'Ecologie, il a nommé Philippe Martin, un député socialiste réputé "écolo-compatible". L'écologie est "une exigence absolue", a affirmé ce dernier en prenant ses nouvelles fonctions. Quant au ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, il a rappelé que l'environnement était "une priorité". Clamant que "la transition écologique n'est pas une variable d'ajustement", Jean-Marc Ayrault a également promis des annonces en faveur de l'écologie pour le 9 juillet. Visiblement suffisant pour convaincre Cécile Duflot et Pascal Canfin de rester à leur poste. Du moins jusqu'à leur prochain ultimatum, sans doute au début de l'automne, lors des débats sur la transition énergétique et la fiscalité écologique, à l'occasion de la conférence environnementale.

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