Municipales : trois questions sur les soupçons de fraude visant la candidate LR Martine Vassal à Marseille
Des journalistes de France 2 et de "Marianne" ont pu établir que des électeurs s'étaient vu proposer des procurations "simplifiées, juste par téléphone", ce qui est interdit par la loi.
A deux semaines du second tour des municipales, la justice bouscule la campagne à Marseille avec l'ouverture d'une enquête préliminaire sur de possibles fraudes aux procurations chez Les Républicains, qui tentent de conserver leur bastion. Deux jours après des révélations de France 2 et de l'hebdomadaire Marianne, une perquisition a eu lieu samedi 13 juin au local de campagne de Martine Vassal, présidente LR de la métropole et du département et héritière du sortant Jean-Claude Gaudin. Franceinfo revient en trois questions sur cette affaire.
1Sur quoi porte l'enquête ?
Les enquêteurs de la police judiciaire cherchent à caractériser de possibles "manœuvres frauduleuses tendant à l'exercice irrégulier de votes par procuration" ainsi que des "faux et usages de faux", a précisé la procureure de Marseille, Dominique Laurens : "La justice fait son travail, elle vérifie si des infractions ont été commises et à qui les imputer."
Les éléments recueillis par France 2 et Marianne semblent en effet accablants : sur la base de SMS reçus par des habitants, les journalistes ont pu établir que des électeurs s'étaient vu proposer des procurations "simplifiées" sans avoir à se déplacer, "juste par téléphone", ce qui est interdit par la loi. L'enquête de Marianne révèle aussi un enregistrement d'une élue LR qui assure à un électeur : "Le commissariat nous poinçonne toutes les procurations qu'on leur amène."
Avant même que la justice ne se saisisse, la préfecture a tenu à rappeler vendredi les règles électorales, qui imposent la présence de l'électeur "auprès d'une autorité habilitée" pour établir la procuration. Le préfet a également promis d'adresser "prochainement une circulaire aux élus" du département, les maires devant "s'assurer de la régularité des procurations".
2Comment ont réagi la candidate LR et ses adversaires ?
Interrogée par France 2, Martine Vassal a assimilé les demandes de procurations dans sa propre permanence à une "erreur". "Je vais regarder ça de beaucoup plus près. Ce qui est sûr, c'est que moi, je respecte la loi." Quant à ses colistiers, "ils ont tous signé une charte d'engagement. S'ils ne respectaient pas les règles et les lois, ils ne pourraient pas rester sur ma liste", poursuit la candidate, qui a publié cette semaine un communiqué.
"J’apprends que des procurations concernant le second tour des élections municipales auraient pu être réalisées en non-conformité avec les procédures en vigueur, écrit-elle. Si ces faits sont avérés, ils sont inacceptables (...) J’en tirerai le cas échéant toutes les conséquences et je demande à celles et ceux qui auraient pu y contribuer de se mettre en retrait de la campagne et de leurs mandats s’ils venaient à être élus."
Côté politique, la campagne de Martine Vassal, sur qui compte la droite pour conserver sa plus grande ville de France, est chahutée comme jamais. Longtemps considérée comme favorite, elle a déjà eu l'amère surprise, en mars, d'être doublée par la candidate de l'union de la gauche, Michèle Rubirola (23,44% des voix contre 22,3%).
L'équipe de cette dernière, qui a obtenu le ralliement des écologistes pour le second tour, estime voir confirmées ses craintes de "fraude", déjà exprimées et renforcées par des incidents dans des bureaux lors du premier tour. "Craignant une défaite, une partie du personnel politique de droite serait en train de préparer un hiver démocratique à Marseille", a dénoncé la liste de Michèle Rubirola, Le Printemps marseillais.
Signe de la fébrilité autour de l'enjeu dans la deuxième ville de France, qui n'a connu que trois maires sous la Ve République, des responsables politiques nationaux se sont aussi emparés du sujet. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a demandé au ministère de l'Intérieur "d'assumer l'entièreté de son rôle et de ses responsabilités pour assurer la parfaite tenue de ces élections".
3Que risque Martine Vassal si la fraude est avérée ?
Selon l'article L111 du Code électoral, "toute manœuvre frauduleuse relative aux procurations, définies dans les articles L71 et L77, est passible de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende", assure à franceinfo Dominique Volut, avocat en droit public. Dans le cas de la candidate LR, on ignore encore son degré d'implication dans cette fraude présumée, si elle ignorait tout de ces démarches, si elle était au courant, complice ou responsable. "Tant que pénalement les faits et les responsabilités ne sont pas avérés, il est difficile de savoir ce qu'elle risque", affirme l'avocat.
Ces soupçons de fraude ont été révélés avant le scrutin du deuxième tour, mais s'ils se confirment et que des procurations illégales ont été utilisées, le juge administratif pourra décider de l'annulation de l'élection. "Il devra prouver qu'il y a un manquement au Code électoral, mais il faudra aussi que ce manquement ait des conséquences assez graves pour douter de la sincérité du scrutin", explique Louis Le Foyer de Costil, avocat en droit public, à franceinfo. "Le juge administratif sera plus sensible s'il y a une coïncidence entre l'écart de voix et le nombre de procurations litigieuses, ajoute Dominique Volut, s'il y a, par exemple 100 voix d'écart et 100 procurations frauduleuses avérées, il pourra conclure qu'il y a eu manœuvre électorale et prononcer l'annulation du scrutin litigieux."
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