Législatives : Farida Amrani, "l'insoumise" qui rêve de faire tomber Manuel Valls dans l'Essonne
Cette syndicaliste de 40 ans est donnée à égalité avec l'ancien Premier ministre au second tour des élections législatives, selon un sondage.
"Moi, je suis là pour mettre une belle gifle à Valls." Sur la place Léopold Sédar Senghor d'Evry (Essonne), Mickaël, un jeune militant de la France insoumise, affiche son ambition. Comme lui, ce soir-là, ils sont des dizaines à s'être réunis derrière la gare d'Evry-Courcouronnes, pour écouter Jean-Luc Mélenchon. Leur objectif : soutenir Farida Amrani, la candidate de la France insoumise qui pourrait bien ravir à Manuel Valls le siège de député de la première circonscription de l'Essonne.
D'autant qu'un sondage réalisé par l'institut Ifop place cette syndicaliste de 40 ans, inconnue du grand public, à égalité avec l'ancien Premier ministre au deuxième tour des élections législatives. De quoi relancer les espoirs de tous les anti-Valls.
"Je n'étais pas destinée à faire de la politique"
Il est près de 20 heures, ce soir-là, quand Jean-Luc Mélenchon grimpe finalement sur la petite scène installée pour l'occasion. La foule s'agite, l'ancien candidat à la présidentielle est en terrain conquis. Fin avril, le leader de la France insoumise est arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle à Evry, avec 34% des suffrages. Dans son ombre, Farida Amrani s'avance doucement, un peu intimidée.
"Je n'étais pas destinée à faire de la politique", lance la candidate. Née au Maroc en 1976, Farida Amrani est arrivée en France à l'âge de 2 ans et demi avec son père, ouvrier dans le bâtiment, et sa mère, femme au foyer. "Je ne suis pas issue de l'ENA, mais de l'école de la vie", aime répéter cette mère de trois enfants, titulaire d'un BTS transport. Son premier engagement syndical remonte à 2003. Cette année-là, elle devient fonctionnaire territoriale et monte une section syndicale CGT.
Candidate aux municipales en 2014 à Evry
Ses débuts en politique, eux, sont plus récents. En 2012, elle participe à une réunion sur la mise en place de la réforme des rythmes scolaires avec le maire d'Evry, le socialiste Francis Chouat. Face à ses critiques, le remplaçant de Manuel Valls lui aurait lancé : "Si vous n'êtes pas contente, vous pouvez déposer une liste pour les élections municipales." Résultat : Farida Amrani adhère au Parti communiste, se présente avec le Front de gauche et se qualifie pour le second tour de l'élection en recueillant 15,07% des voix.
C'est à cette occasion qu'elle fait la rencontre de Jean-Luc Mélenchon, venu la soutenir, le 27 mars 2014. "Le compte à rebours est commencé, vous allez dégager !", prophétisait alors le leader du Front de gauche en direction du "clan Valls". Las. Au second tour des municipales, en triangulaire, la liste menée par Francis Chouat est réélue avec près de 48% des voix. Celle de Farida Amrani, elle, n'obtient que 18,78% des suffrages.
Farida Amrani découvre aussi les rivalités au sein de son propre camp, dans cette ville habituée à présenter une seule liste de gauche.
On lui avait promis l'enfer quand elle s'est présentée aux municipales.
Ulysse Rabaté, suppléant de Farida Amranià franceinfo
Une candidature qui ne fait pas l'unanimité à la gauche du PS
Deux ans après cette première incursion en politique, Farida Amrani décide de passer à la vitesse supérieure. Avec Ulysse Rabaté, 30 ans, conseiller municipal à Corbeil-Essonnes et ancien candidat face à Manuel Valls aux législatives de 2012, elle décide de se lancer dans une nouvelle bataille au début de l'année 2016. Une candidature qui n'est pas du goût de tous, notamment à la gauche de la gauche. "Nous n’étions même pas au courant de cette annonce, déplore en novembre 2016 Pascale Prigent, élue d’opposition à Corbeil et membre du Parti de gauche, dans Le Parisien. Ce n’est pas comme ça que ça se passe !"
Les deux jeunes élus décident de continuer en duo. "On est vraiment un binôme, deux fortes têtes. C'est un marqueur de notre candidature", explique Ulysse Rabaté. Leurs noms et leurs photos sont imprimés de la même taille sur les affiches du meeting, quand la suppléante de Manuel Valls, elle, n'est pas en photo sur son affiche. Au moment de faire le choix du titulaire et du suppléant, c'est finalement Farida Amrani qui prend l'ascendant. "Ça représente quelque chose d'envoyer Farida Amrani pour remplacer Manuel Valls à l'Assemblée nationale", explique son suppléant.
Choisir une candidate femme et issue de l'immigration, c'est aussi un symbole.
Ulysse Rabaté, suppléant de Farida Amranià franceinfo
Face à 21 adversaires aux élections législatives
Depuis, la candidate laboure le terrain et doit faire face à une multitude de concurrents : 21 pour être précis, un record dans le département. Parmi eux, Manuel Valls, qui "incarne la politique politicienne" selon Farida Amrani, Michel Nouaille, candidat PCF soutenu par Benoît Hamon, ainsi que l'humoriste controversé Dieudonné, ou encore le chanteur Francis Lalanne, suppléant de Jacques Borie.
C'est un peu insultant pour les électeurs, toutes ces candidatures... Nous, on n'est pas là pour faire du buzz.
Farida Amrani, candidate face à Manuel Vallsà franceinfo
Alors, pour se faire connaître, la candidate, qui n'a pas de local de campagne, mise sur des "street permanences". Une table pliante, des canettes de soda, quelques tracts et des affiches de campagne... En cette fin de journée, Farida Amrani s'est installée au pied des grands immeubles de la cité "Les rives de l'Essonne".
La candidate anti-Valls ?
Tandis que la candidate discute avec quelques passants, une équipe de militants "insoumis" est partie "boîter" – distribuer les programmes dans les boîtes aux lettres. Des bénévoles prennent le temps de glisser des tracts aux conducteurs qui passent là, présentant Farida Amrani comme la candidate qui peut battre l'ancien Premier ministre. Une rhétorique anti-Valls qui semble faire son effet. La candidate, elle, réfute cet angle d'attaque : "Ce qui est dommage, c'est que le programme ne soit pas au centre de la campagne", explique-t-elle.
Personnellement, je n'ai rien contre Manuel Valls. C'est sa politique que je combats.
Farida Amrani, candidate aux législativesà franceinfo
La veille, pourtant, c'est bien ce sentiment anti-Valls qui dominait dans le public. "Le 49-3, on n'en veut plus", lançait, par exemple, Chantal. En tribune, Jean-Luc Mélenchon appelait lui aussi à "dégager" l'ancien Premier ministre. Après son long discours, il profitait de la photo de famille pour lancer, en souriant : "Le jour où Valls a perdu son siège." Verdict les 11 et 18 juin.
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