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"L'objectif est de dégrader l’image de Macron, quitte à perdre en crédibilité" : comment Marine Le Pen s'est préparée au débat de l'entre-deux-tours

De son aveu même, la présidente du FN a manqué sa prestation face à Emmanuel Macron, le 3 mai dernier, lors du face-à-face télévisé avant le second tour de l'élection présidentielle. Les sites Mediapart et Buzzfeed ont obtenu la note rédigée par le conseiller Damien Philippot pour préparer ce rendez-vous.

Article rédigé par franceinfo
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Marine Le Pen, présidente du FN, lors du débat présidentiel face à Emmanuel Macron, le 3 mai 2017 à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (AFP)

Quelques notes et une partition manquée. Les sites Mediapart et Buzzfeed ont publié, dimanche 14 janvier, plusieurs documents issus de la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Ces notes éclairent notamment le débat de l'entre-deux-tours face à Emmanuel Macron, le 3 mai 2017, au cours duquel la présidente du FN avait mis en cause son adversaire avec véhémence. La séquence avait jeté le trouble, y compris au sein de son propre parti. Accusée d'agressivité, la candidate s'était également emmêlée les pinceaux au moment d'évoquer le dossier SFR, confondu avec Alstom. "J'ai raté un rendez-vous important avec les Français", reconnaîtra Marine Le Pen, interrogée en octobre sur France 2.

"Pousser des gens dans l'abstention"

La candidate s'est préparée tardivement au débat, à l'aide d'une note générale rédigée par Damien Philippot, frère de Florian, ancien sondeur à l'Ifop et conseiller de la candidate. Ce dernier estime que "l'objectif [du débat] est de dégrader l’image de Macron, quitte à perdre en crédibilité, pour pousser des gens dans l’abstention" et de miser sur "une crise de nerfs" de son adversaire. La candidate est invitée à sourire et à pousser Emmanuel Macron "à s'énerver et à se montrer arrogant", mentionne le document cité par Buzzfeed. Le conseiller fait en effet un pari.

Si le débat est électrique, nous avons moins à perdre que lui [Emmanuel Macron], et donc nous gagnons des %.

Damien Philippot

dans une note citée par Buzzfeed et Mediapart

En cas de coup de sang du candidat rival, la réaction de Marine Le Pen est déjà prévue. "Il ne faut pas répondre en riant, ou en se réjouissant, parce que les gens n’aiment pas qu’on donne l’impression d’être fier d’un coup, explique la note. Il faut au contraire, à ce moment, prendre une mine inquiète, concernée, pour accompagner les Français dans leur interrogation." Tout au long du débat, elle accuse son rival de se montrer "agacé", sans parvenir à déclencher une colère de sa part. Par ailleurs, la note reprend plusieurs thèmes de campagne : les médias sont accusés de favoriser Emmanuel Macron, lequel est le "ministre du chômage" et du système.

Mais la candidate doit veiller à ne pas se montrer "technique" contre un "technocrate pur sucre" qui "sera toujours meilleur sur le plan technique". Mieux vaut lancer "l'attaque idéale", c'est-à-dire "la phrase qui peut avoir l'air anodine, mais qui cache un point inadmissible pour Macron et pour lui seul." A ce titre, la candidate est invitée à utiliser le mot "anecdote", car il est possible que son adversaire "surréagisse (...) sans que personne ou pas grand monde ne comprenne pourquoi".

Une autre note prévoit des phrases-chocs 

Le jour du débat, les deux frères Philippot, Florian et Damien, rendent visite à la présidente du FN sur les coups de 13 heures, à son domicile de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines). Certains membres du parti accusent régulièrement Florian Philippot et son frère Damien d'avoir écarté les autres responsables lors de la préparation du débat, rapporte Mediapart. D'autres cadres minimisent toutefois ce rôle, poursuit le site, en rappelant que les autres politiques du parti étaient affairés à animer "les petits meetings" et à écumer les plateaux de télévision. Contacté par Mediapart, Damien Philippot assure ne pas avoir souvenir de cette fiche. "J’ai écrit énormément de notes pendant la campagne, je ne peux pas vous dire."

La préparation du débat est d'autant plus contrariée que la candidate souffre d'une migraine ophtalmique, comme l'a déjà révélé Le Monde au mois de juillet. A seulement trois heures du rendez-vous, elle reçoit également quelques phrases-chocs, rédigées cette fois par Philippe Vardon, cofondateur du Bloc identitaire et membre de la cellule "idées-images", et Gaëtan Bertrand, responsable de la campagne numérique. A l'antenne, toutefois, la candidate reprend peu de formules du document – "Dimanche, dans tous les cas, une femme sera au pouvoir : moi ou madame Merkel".

Elle se contente aussi de faire allusion à une fausse information, au moment d'évoquer "un compte offshore aux Bahamas." La note évoquait des soupçons "concernant [un] compte offshore". Là encore, la pique n'a pas eu l'effet escompté.

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