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Conflits d'intérêts, emploi fictif... Ces candidats à la Commission européenne embarrassés par des affaires

Le feu vert du Parlement européen est obligatoire pour l'entrée en fonction des 26 commissaires. Parmi eux, quelques-uns ont été mis cause dans des affaires. C'est le cas de la Française Sylvie Goulard, qui a néanmoins régularisé sa situation auprès des services financiers de Bruxelles.

Article rédigé par franceinfo
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Sylvie Goulard, commissaire européenne candidate au Marché intérieur, le 12 septembre 2019 à Genval (Belgique). (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Un grand oral où chaque réponse sera pesée au trébuchet. Depuis lundi 30 septembre et jusqu'au 8 octobre, les 26 commissaires européens pressentis par la future présidente de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen, sont auditionnés un à un par les députés européens élus en mai dernier. Cursus, compétences, éventuels conflits d'intérêts, tout est passé au crible. Et sur ces 26 candidats, cinq sont pointés du doigt, dont la Française Sylvie Goulard, entendue mercredi en début d'après-midi. 

Franceinfo passe en revue ce qui fâche ou ce qui a mis ces candidats hors-jeu, alors que les parlementaires ont un droit de veto sur ces nominations. Le futur exécutif européen doit entrer en fonction le 1er novembre. 

Sur la sellette : la Française Sylvie Goulard, 
pour l'affaire des emplois fictifs du MoDem

Enarque, polyglotte et fine connaisseuse des institutions européennes, Sylvie Goulard présente à première vue le CV idéal pour exercer le poste de commissaire européenne au Marché unique européen. Mais l'éphémère ministre des Armées d'Emmanuel Macron est tout de même fragilisée. Elle devrait notamment être interrogée sur l'affaire des emplois fictifs des eurodéputés du MoDem, qui avait entraîné sa démission du gouvernement d'Edouard Philippe le 21 juin 2017. Elle a déjà remboursé 45 000 euros correspondant à plusieurs mois de salaires de son ancien assistant parlementaire. Mais l'office européen de lutte antifraude, l'Olaf, mène encore une enquête sur le sujet, même si le Parlement européen considère l'affaire comme close et parle "d'irrégularités administratives mineures". 

Mercredi, Sylvie Goulard risque aussi d'être interrogée sur le salaire de plus de 10 000 euros brut qu'elle a touché d'octobre 2013 à fin 2015 en tant que salariée du Berggruen Institute for governance, alors qu'elle était parallèlement eurodéputée au sein du groupe ALDE (les libéraux européens). "Installé à Los Angeles, Berggruen est un think tank fondé en 2010 par Nicolas Berggruen, un milliardaire américano-allemand ayant fait fortune dans la finance et l’immobilier", explique le site Checknews de Libération. Ce cercle de réflexion a pour objectif de "remodeler les institutions politiques et sociales face aux transformations" du capitalisme et de la démocratie. A quoi correspondait le salaire important touché par Sylvie Goulard ? L'institut Berggruen répond qu'"il s'agissait d'organiser des rencontres", sans plus de précisions.

Sur la sellette : la Croate Dubravka Suica,
peu loquace sur l'origine de sa fortune

"D'autres commissaires sont sur la sellette", prévient le correspondant à Bruxelles de Libération, Jean Quatremer. Il cite notamment "la Croate Dubravka Suica". L'ancienne maire de Dubrovnik, précise-t-il, "a les plus grandes difficultés à expliquer d’où provient sa fortune de 5 millions d’euros". Le journal en ligne EUObserver rapporte qu'une ONG croate s'interroge, elle aussi, sur la façon dont l'ex-députée européenne PPE (centre droit), commissaire pressentie à la Démocratie et à la démographie, est devenue riche il y a vingt ans.

Dubravka Suica, 62 ans, possède "trois maisons en Croatie, une autre en Bosnie, un yacht et trois voitures", selon ce média spécialisé sur l'Europe. Elle justifie ces sommes par l'héritage reçu à la mort de son mari, mais refuse de fournir les documents l'attestant. 

Sur la sellette : l'Espagnol Josep Borrell,
mis à l'amende pour délit d'initié

Autre candidat qui pourrait se voir poser des questions gênantes par les eurodéputés : l'Espagnol Josep Borrell. En lice pour être le nouveau visage de la diplomatie européenne, le socialiste a écopé l'an dernier d'une amende de 30 000 euros pour délit d'initié. "Cet ancien élu européen de 2004 à 2009 a dirigé l’Institut universitaire européen de Florence de 2010 à 2012, raconte Le Monde. Il a dû abandonner ce poste du fait d’un conflit d’intérêts : il siégeait en même temps au conseil d’administration de la compagnie d’énergie Abengoa". Ce siège, poursuit le journal, "lui vaudra, en 2018, une amende de 30 000 euros pour 'utilisation d’information privilégiée' – en 2015, il avait vendu une petite partie de ses actions, d’une valeur de moins de 10 000 euros, la veille du dépôt de bilan".

Recalé : le Hongrois Laszlo Trocsanyi, pour conflit d'intérêts présumé 

C'est un fait inédit : avant même les auditions, la nomination du Hongrois Laszlo Trocsanyi (du Parti populaire européen, classé à droite) a été refusée par les eurodéputés. Pressenti pour le poste de commissaire européen à l'Elargissement, l'ancien ministre de la Justice a été jugé "inapte" au poste en raison de conflits d'intérêts présumés lorsqu'il était au gouvernement en Hongrie.

"Avant d’entrer en politique, Laszlo Trocsanyi est devenu riche dans les années 1990 après avoir cofondé un cabinet d’avocats qui a largement participé aux privatisations", explique Le Monde. Il "a gardé ses parts dans ce cabinet jusqu’en 2018, alors même qu’il était devenu ministre de la Justice et que le cabinet défend l’Etat hongrois dans plusieurs dossiers importants". Après le rejet de son candidat initial, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a proposé un nouveau nom, celui de l'ambassadeur hongrois à Bruxelles, Oliver Varhelyi.

Recalée : la Roumaine Rovana Plumb,
pour prêts litigieux

De la même façon, la Roumaine sociale-démocrate Rovana Plumb a été récusée pour des prêts jugés litigieux. L'ex-ministre de l'Environnement, des Transports ou encore de l'Education nationale devait être nommée commissaire européen aux Transports. Mais elle est soupçonnée de corruption dans une affaire où elle aurait aidé à privatiser, illégalement, une île du Danube, comme le rapporte le site spécialisé dans les institutions européennes Politico. Le gouvernement roumain n'a pas encore indiqué qui pourrait la remplacer.

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