On vous explique l'affaire des assistants parlementaires européens du MoDem
La justice soupçonne un système d'emplois fictifs dans lequel des assistants d'eurodéputés aurait en réalité travaillé pour le MoDem. Plusieurs cadres du parti centriste ont été mis en examen.
Le MoDem est dans la tourmente. Plusieurs personnalités du parti centriste – sa vice-présidente Marielle de Sarnez, l'ancien ministre Michel Mercier et l'ex-candidate à la commission européenne Sylvie Goulard – ont été été mises en examen cette semaine dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem. Vendredi, c'est au tour de François Bayrou d'être convoqué par la justice en vue d'une possible mise en examen. Franceinfo tente de vous résumer ce dossier.
Qu'est-il reproché au MoDem ?
Les juges du pôle financier du tribunal de Paris, qui enquêtent sur cette affaire depuis 2017, soupçonnent des collaborateurs d'eurodéputés MoDem d'avoir été rémunérés par des fonds du Parlement européen alors qu'ils étaient affectés à d'autres tâches pour le parti centriste. Comme l'avait révélé franceinfo, le parti aurait ainsi embauché une dizaine d'assistants parlementaires. Une enquête a été ouverte pour "abus de confiance" et "détournement de fonds publics".
"Les députés qui ont été contraints de jouer ce jeu se rendaient compte au bout de quelques mois de législature que l'assistant ne fournissait pas de travail, a témoigné sur France Inter un ancien assistant parlementaire européen. Et les parlementaires, conscients du risque juridique, réclamaient avec beaucoup de difficultés que l'assistant, de temps en temps, se manifeste, transmette une note sommaire sur un sujet ou une petite revue de presse, qui permettrait d'apporter une preuve qu'un travail a bien été effectué, au cas où il y aurait des contrôles."
Dans un livre, l'ancienne vice-présidente du MoDem Corinne Lepage a de son côté raconté que le parti avait "exigé" qu'un de ses assistants travaille pour au siège du MoDem, ce qu'elle a refusé.
Les temps partiels qui étaient financés par l'Europe servaient à servir les ambitions de François Bayrou.
un ex-assistant parlementaireà France Inter
Dans le cas où ces accusations seraient fondées, cela correspondrait à un système d'emplois fictifs. Les enquêteurs s'intéressent au rôle joué par les cadres financiers et responsables du parti, soupçonnés d'avoir organisé ce possible "détournement de fonds publics". "Des éléments laissent à penser" que le MoDem "aurait pu institutionnaliser, dans son mode de fonctionnement, l'utilisation des ressources du Parlement européen à son profit", estiment les enquêteurs dans un rapport de synthèse de 2018 consulté par l'AFP.
Quelles sont les règles en vigueur ?
Les députés européens disposent d'une enveloppe mensuelle d'environ 25 000 euros pour rémunérer leurs assistants, tous statuts confondus. Parmi eux, les "accrédités" consacrent tout leur temps à Bruxelles ou Strasbourg. Les "locaux" doivent eux épauler le parlementaire dans son pays d'origine. Pour encadrer l'octroi de ces enveloppes, la réglementation européenne prévoit depuis 2009 que les travaux des assistants soient "en lien avec l'Europe" : les députés doivent ainsi détailler, dans les contrats de travail de leurs collaborateurs, les tâches à accomplir.
Mais la rédaction des contrats peut être vague, ce qui rend les investigations délicates. Il apparaît compliqué dans ce contexte de "constater formellement la réalité ou non de l'accomplissement d'un travail", souligne le rapport de synthèse de la justice. Le cumul d'emplois à temps partiel pour le Parlement et le parti complique encore un peu plus la donne. Comment vérifier si la distinction entre l'un et l'autre a bien été respectée ? "La frontière entre leurs tâches partisanes et parlementaires" est "difficile à établir", concède le rapport.
Cette difficulté explique sans doute que plusieurs autres partis soient visés par des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen. Des enquêtes similaires ont été ouvertes contre La France insoumise et le Rassemblement national. Marine Le Pen a ainsi également été mise en examen.
Comment se défend le parti ?
Le MoDem a toujours nié tout emploi fictif. Les assistants, qui travaillaient "à temps partiel" pour le parti, "étaient payés pour une fraction de temps par le Parlement européen et pour l'autre fraction du temps par notre mouvement", a insisté mercredi François Bayrou, estimant qu'il n'y avait rien "de répréhensible à ça". "Tout le monde est mis en examen ou à peu près dans la vie politique française", a-t-il également déclaré sur BFMTV.
Ça n'est pas parce qu'on vous accuse de quelque chose que c'est vrai.
François Bayrousur BFMTV
Face aux enquêteurs, plusieurs anciens assistants ont pourtant contesté la réalité du travail effectué pour le Parlement. Des affirmations démenties par le parti centriste, qui a transmis à la justice des documents censés prouver la réalité du travail réalisé et qui attribue ces accusations à un règlement de comptes politique. "Je crois que le MoDem saura faire la preuve que les accusations sont infondées", a ainsi réagi sur franceinfo le député MoDem des Yvelines, Jean-Noël Barrot.
Que risquent les responsables du MoDem ?
Le "détournement de fonds publics", infraction la plus grave parmi celles retenues par les enquêteurs, est en théorie passible de 10 ans d'emprisonnement et d'une amende se chiffrant en millions d'euros. Mais le danger pour le MoDem est d'abord de nature politique. L'affaire a déjà coûté en 2017 leurs postes de ministres à François Bayrou (Justice), Marielle de Sarnez (Affaires européennes) et Sylvie Goulard (Armées). Avec ces mises en examen, c'est l'ensemble du parti qui se trouve fragilisé à quelques semaines des élections municipales.
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