Nicolas Sarkozy a prononcé vendredi à Grenoble un discours musclé sur la sécurité et l'immigration.
Il a menacé de déchoir de la nationalité français toute personne d'origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou d'un autre représentant de l'autorité publique. Il a souligné "l'échec" du modèle d'intégration française
Ce week-end, le ministre de l'Intérieur et l'UMP ont fait de nouvelles propositions.
Nicolas Sarkozy a souhaité en outre que l'on "évalue les droits et prestations" des étrangers en situation irrégulière.
Il s'exprimait à l'occasion de l'installation du nouveau préfet de l'Isère, Eric Le Douaron, nommé à la suite des graves violences survenues mi-juillet dans le quartier populaire de la Villeneuve à Grenoble. Après la mort de l'auteur d'un braquage, des coups de feu avaient été tirés en direction des policiers.
Les dispositions permettant une déchéance de la nationalité pour certains délinquants pourrait être présentées fin septembre, sous forme d'amendements à un projet de loi sur l'immigration, l'intégration et la nationalité, a indiqué une source au ministère de l'Immigration.
Les annonces de Nicolas Sarkozy
Première mesure annoncée: le chef de l'Etat a demandé que la nationalité française puisse "être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte" à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre "dépositaire de l'autorité publique".
Ensuite, il a proposé que dès la rentrée parlementaire les peines planchers, qui visent actuellement les seuls récidivistes, puissent désormais s'appliquer "à toutes les formes aggravées c'est-à-dire notamment les violences sur des personnes dépositaires d'une autorité publique". Une annonce dont le Syndicat Alliance police
(deuxième syndicat de gardiens de la paix) s'est félicité.
"L'instauration d'une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes sera discutée au Parlement dès la rentrée", a aussi annoncé le locataire de l'Elysée.
Martial - il a parlé de "guerre nationale" contre les "voyous" - le chef de l'Etat a aussi clairement établi un parallèle entre la délinquance et les difficultés d'intégration de certains immigrés.
"Nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulées qui ont abouti à un échec de l'intégration. Nous sommes si fiers de notre système d'intégration, peut-être faut il se réveiller pour voir ce qu'il a produit. Il a marché, il ne marche plus", a lancé le chef de l'Etat.
Soulignant qu'en 2009 "le taux de chômage des étrangers non communautaires a atteint 24 %", soit plus de deux fois la moyenne nationale, il a souhaité "que l'on évalue les droits et les prestations auxquelles ont aujourd'hui accès les étrangers en situation irrégulière".
Lors d'une rencontre à huis clos au commissariat, Nicolas Sarkozy a promis 38 policiers supplémentaires d'ici le 1er septembre, et du "matériel approprié pour faire face à ce grand banditisme qui sévit sur l'agglomération grenobloise", a déclaré le secrétaire départemental du syndicat de police SGP-FO (Syndicat des gardiens de la paix-Force ouvrière), Daniel Chomette.
Le nouveau préfet de l'Isère Eric Le Douaron a confirmé "le renfort d'une quarantaine de personnels à destination de la sécurité publique et de la police judiciaire" en Isère, auquel "il convient d'ajouter la création d'un GIR départemental ainsi qu'un inspecteur des impôts affecté à la sûreté départementale à compter du 1er septembre". Les groupes d'interventions régionaux (GIR) sont destinés à lutter contre l'économie souterraine dans les grandes agglomérations.
Nouvelles propositions du gouvernement et de l'UMP
Dans un entretien publié dimanche dans Le Parisien, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a estimé que la déchéance de la nationalité devrait pouvoir être prononcée "aussi en cas d'excision, de traite d'êtres humains ou d'actes de délinquance grave". "Certains agitent les peurs. Nous, nous agissons et menons la guerre aux délinquants", a déclaré Brice Hortefeux au Parisien. "La seule chose qui m'intéresse, c'est de répondre à l'attente légitime de nos compatriotes, sans me préoccuper des états d'âme ou des déclarations", affirme-t-il.
Il présentera un projet de loi sur la sécurité le 7 septembre au Sénat, jour du début de l'examen à l'Assemblée nationale de la réforme des retraites à laquelle s'opposent l'ensemble des syndicats.
Le "monsieur sécurité" de l'UMP, Eric Ciotti, a, pour sa part, annoncé dans Le Journal du Dimanche qu'une future proposition de loi, déposée au Parlement en septembre, devrait permettre d'imposer aux mineurs condamnés un plan de probation sous la responsabilité des parents, lesquels s'exposeraient, en cas de violation, à des peines allant jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.
Le constitutionnaliste Guy Carcassonne "doute" que la déchéance de nationalité française pour des crimes de droit commun soit légale au regard de la Constitution de la Ve République.
"L'article 1 de la Constitution dit que la République 'assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion'", observe-t-il.
Guy Carcassonne rappelle que le Conseil constitutionnel a validé en 1996 une loi selon laquelle "peuvent être déchues de la nationalité française les personnes ayant acquis la qualité de Français qui ont été condamnées pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme".
Mais il doute que cette entorse au principe d'égalité des citoyens devant la loi puisse être étendue à des crimes de droit commun", la nationalité était "une partie intégrante de notre identité".
Des amendements dès fin septembre ?
Les dispositions permettant de déchoir certains délinquants de la nationalité frnçaise pourraient être présentées au Parlement fin septembre, selon une source au ministère de l'Immigration, citée par l'AFP.
Cette source, qui a demandé à rester anonyme, a rappelé que le ministre Eric Besson avait présenté le 31 mars au Conseil des ministres un projet de loi "relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité". Ce projet prévoit le durcissement des conditions d'entrée en France et la création d'une zone d'attente spéciale en cas d'arrivée massive de réfugiés.
"Les annonces d'hier par le président de la République pourraient faire l'objet d'amendements et être portées par ce projet de loi, a indiqué la même source. Au ministère, nous travaillons actuellement à la réflexion de ces amendements. Nous sommes au tout début de cette réflexion. Nous avons un peu de temps."
Eric Le Douaron, nouveau préfet de l'Isère
Nicolas Sarkozy a installé officiellement vendredi à Grenoble le préfet de l'Isère Eric Le Douaron. Le chef de l'Etat avait annoncé cette nomination le 21 juillet à la suite des graves violences survenues dans un quartier populaire de la ville.
L'éviction du préfet Albert Dupuy, en poste depuis décembre 2008, a suscité l'émoi du corps préfectoral et d'une partie de la classe politique, le député-maire PS de Grenoble Michel Destot la jugeant "injuste". Son successeur, un ex-haut gradé de la police, qui a pris ses fonctions jeudi, intervient dans un contexte de nette reprise en main du thème de la sécurité par le chef de l'Etat.
Ce dernier avait présidé mercredi 27 juillet à l'Elysée une réunion sur les comportements hors-la-loi de certains Roms et gens du voyage, suivie d'une série d'annonces sévères. Le 21 juillet, le président avait associé les récentes violences dans la vallée du Cher, liées à la mort d'un jeune gitan, à celles de Grenoble, consécutives à la mort d'un malfaiteur dans une course-poursuite avec la police, en évoquant sa volonté de "livrer" une "véritable guerre" à la criminalité.
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