Affaire des écoutes : pourquoi Nicolas Sarkozy n'ira pas en détention, malgré deux condamnations à de la prison ferme
La sanction est inédite. La condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme, de Nicolas Sarkozy dans l'affaire des écoutes a été confirmée par la cour d'appel de Paris, mercredi 17 mai. L'ex-président de la République s'est immédiatement pourvu en cassation, ce qui suspend l'exécution de sa peine. Mais il devient néanmoins le premier ancien président français à être condamné à de la prison ferme. Avant lui, Jacques Chirac s'était vu infliger en 2011 deux ans de prison avec sursis dans le dossier des emplois fictifs de la ville de Paris.
Nicolas Sarkozy avait également été condamné à un an de prison ferme dans le dossier Bygmalion, qui porte sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012. Mais cette condamnation n'est pas définitive, puisqu'il doit être rejugé en appel en novembre.
Des peines aménageables
Quelle que soit l'issue judiciaire de ces deux affaires, et même si ces deux condamnations étaient définitives, elles n'enverront pas l'ex-locataire de l'Elysée en détention. Depuis mars 2020, la loi prévoit en effet qu'une peine de prison ferme peut être aménagée quand elle est égale ou inférieure à un an. Pour les faits commis avant cette date – et donc dans le cas de Nicolas Sarkozy –, cet aménagement est possible jusqu'à deux ans de prison ferme.
Dans l'affaire Bygmalion, l'ancien président encourt un an de prison ferme pour "financement illégal de campagne". La cour d'appel ne peut de ce fait pas le condamner au-delà. Dans l'affaire des écoutes, l'ancien locataire de l'Elysée encourt dix ans de prison pour corruption et trafic d'influence. Si l'affaire revient devant la cour d'appel après un arrêt de la Cour de cassation, l'hypothèse qu'il soit jugé plus lourdement n'est pas exclue. Mais si le pourvoi est rejeté, Nicolas Sarkozy effectuera sa peine d'un an à domicile, sous surveillance (c'est-à-dire équipé d'un bracelet électronique), comme l'a demandé la juridiction. La même demande avait été formulée en première instance dans le dossier Bygmalion.
Rappelons qu'en droit français, chaque peine est considérée individuellement. Elle ne se cumule pas avec une autre : un justiciable qui serait par exemple condamné à un et deux ans de prison ferme pour deux infractions différentes commises avant mars 2020 pourrait toujours voir ses peines aménagées, même celles-ci, cumulées, dépassent les deux ans d'emprisonnement.
Le dossier libyen en perspective
Outre ces deux dossiers, Nicolas Sarkozy est confronté à un probable nouveau rendez-vous avec la justice : un procès a été requis par le parquet national financier (PNF) dans l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. La décision de le renvoyer devant le tribunal appartient désormais aux juges d'instruction.
Dans cette affaire, l'ex-chef de l'Etat est mis en examen pour "recel de détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs en vue de commettre une infraction punie de 10 ans d'emprisonnement". Si la peine encourue est la même que dans l'affaire des écoutes et que les conditions pour caractériser l'état de récidive légale ne seront pas réunies en cas de procès, "l'effet du cumul des infractions" peut jouer en la défaveur de Nicolas Sarkozy, estime Vincent Brengarth, avocat de l'association anti-corruption Sherpa, partie civile dans le dossier libyen. "Ce sont quatre qualifications lourdes", relève-t-il auprès de franceinfo.
Les faits incriminés étant, là aussi, antérieurs à mars 2020, il faudrait que Nicolas Sarkozy soit condamné à plus de deux ans de prison ferme pour qu'il effectue une partie de sa peine derrière les barreaux. "Au bout d'un moment, les citoyens se posent des questions si on a un empilement de procédures pour des décisions a minima. Cela va finir par disqualifier l'office des juges", estime Vincent Brengarth.
"Les justiciables sont en droit de demander qu'il n'y ait plus de déséquilibres et d'inégalités devant la loi."
Vincent Brengarth, avocat de l'association anti-corruption Sherpaà franceinfo
Dans ces trois dossiers, Nicolas Sarkozy conteste toutes ces infractions et clame son innocence. Il n'a pas directement pris la parole après sa condamnation en appel dans l'affaire des écoutes, mercredi, mais a dénoncé, par la voix de son avocate, une décision "stupéfiante, critiquable en droit et en faits". L'ex-président de la République ira "au bout du chemin judiciaire s'il le faut", a prévenu Jacqueline Laffont.
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