Pellerin a présenté son grand projet de loi de politique culturelle pour la France
La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a présenté mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Le texte est loin d’être complètement novateur rue de Valois puisqu’avant d’être élargi à l’ensemble du secteur culturel, l’ex-ministre Aurélie Filippetti l’avait défendu à son époque sous la forme de deux dossiers distincts. Avant d'être présenté en Conseil des ministres, les ébauches du projet de loi ont été nombreuses et l'avant-projet a notamment fait l'objet d'une saisine du Conseil Economique Social et Environnemental ainsi que de deux saisines du Conseil d'Etat.
Ce matin, j'ai présenté le projet de loi "Liberté de création, architecture et patrimoine". Fière de cette nouvelle nouvelle étape (1/2)
— Fleur Pellerin (@fleurpellerin) July 8, 2015
Une loi au cœur de l'offensive culturelle du Gvt avec la loi sur intermittents, les assises de la jeune création et avant le budget (2/2)
— Fleur Pellerin (@fleurpellerin) July 8, 2015
Le projet de loi "liberté de la création, architecture et patrimoine ", concrètement, c'est quoi ? Il s'agit de vingt-trois mesures réparties sur deux volets : "la liberté de création et création artistique" et "la protection du patrimoine et promotion de l’architecture" . Pour vous retrouver dans toutes ces mesures, France Info vous propose un décryptage des mesures phares et des enjeux du projet de loi.
La liberté de création, "une nécessité dans la France de l’après-Charlie"
La première mesure phare : "affirmer le principe de liberté de création" et l’inscrire dans le droit français. A la manière de nos voisins européens tels que l’Espagne, l’Angleterre ou l’Autriche, le texte souhaite consacrer à la liberté de création une reconnaissance législative, "au même titre que la liberté d’expression, la liberté de la presse ou la liberté d’enseignement" , deux libertés fondamentales et constitutionnelles. "Face aux entorses répétées dont elle a fait l’objet, aujourd’hui plus qu’hier, il est en effet de notre responsabilité de graver cette liberté dans le marbre de la loi ", affirme Fleur Pellerin dans un communiqué.
Si ces comparaisons résonnent avec l’attentat perpétré à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo le 11 janvier dernier, c’est qu’elles ne sont -bien entendu- pas fortuites. En effet, le ministère de la Culture estime que la liberté de création est une "fierté" française "essentielle" , "un enjeu majeur de notre démocratie" , qui est "une nécessité dans la France de l’après-Charlie" .
La "création artistique ", c'est quoi ?
Dès lors, un problème de premier ordre se pose : celui de la définition. Qu’est-ce qu’une "création artistique" ? Aucun article du projet de loi ne l’explique véritablement. Si l’on se tourne vers des dictionnaires, ils distinguent le plus souvent les deux mots. L’Académie par exemple définit la création comme "l’action par laquelle l’homme invente, forme, établit " et le Trésor de la langue française (TLF) explique, lui, le terme "artistique" comme quelque chose "qui a rapport à l’art ou au sens esthétique de l’artiste" . Des pistes de définition qui demeurent donc bien vagues pour le projet d’une loi dont l’intitulé débute par "liberté de la création".
Ce manque de "normes" précises a d’ailleurs été souligné par Jean-Michel Lucas, maître de conférences en sciences économiques et activistes de politiques culturelles. Dans un courrier daté du 22 juin 2014 adressé au ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et publié sur Mediapart , il déclare : "C’est sans doute la loi la plus floue qu’il ait été donné de voir puisque son objet principal est malléable et fuyant, par définition. (…) aucun article du projet de loi ne précise comment lesdites œuvres d’art sont sélectionnées, notamment pour garantir l’indépendance des artistes à l’égard des pouvoirs politiques ou des spéculations des marchés. La loi passe donc, à côté de l’essentiel" . Le spécialiste demandait par le biais de cette lettre, le report du projet de la présentation du projet de loi afin d"engager un chantier public sur la base du rapport Shaheed ", rédigé par la rapporteuse spéciale de l'ONU dans le domaine des droits culturels et intitulé "Le droit à la liberté d'expression artistique et de création" .
Création du rôle d’un Médiateur de la musique
Parmi les grandes initiatives annoncées officiellement lors de la présentation du projet de loi, celle relative aux droit des artistes. "Les dispositions proposées ont pour objectifs (…) une meilleure transparence" dans les comptes de production et d'exploitation des œuvres cinématographiques ainsi qu’une meilleure régulation "des relations entre les artistes-interprètes, les producteurs phonographiques et les plateformes de musique en ligne", affirme le ministère de la Culture dans son communiqué.
Le rôle d’un Médiateur de la musique, comme il en existe pour le livre, devrait notamment être créé pour "accompagner la résolution des conflits" . Une initiative qui n’a pas remporté l’entière adhésion de la filière musicale qui l’avait dénoncée dans une lettre de l’Interprofession intitulée "La musique unie pour dire non à la rue Valois" adressée au ministère de la Culture et de la Communication et datée du 30 mars. Elle avait été ratifiée par l'ensemble des syndicats de la profession à l'exception de trois d'entre-eux et des plate-formes musicales en ligne.
Améliorer "l’accès de tous" aux biens culturels
On peut également noter l’annonce d’un nouveau statut pour les étudiants de classe préparatoire des écoles d’arts qui bénéficieront des même droits que les autres étudiants de l’Education nationale. Jusqu’alors, leur formation ne délivrant pas de diplôme, ils ne bénéficiaient pas du régime étudiant, de bourse(s) ou bien de CROUS. La loi souhaite également améliorer "l’accès de tous" aux biens culturels en inscrivant dans le droit l’obligation pour les éditeurs de "donner gracieusement leurs fichiers pour une édition adaptée si la version commerciale n’existe pas ". Les malvoyants n’auraient présentément accès qu’à 10% de l’offre éditoriale selon le ministère de la Culture tandis que les enfants "dyslexiques ou dyspraxiques n'ont pas accès à des manuels adaptés ". Toutefois, cela ne résout pas entièrement la question de l'accessibilité aux ouvrages, puisque les versions braille ou DAISY (enregistrement de la lecture d'un livre lu) ne font généralement pas partie des plans commerciaux des éditeurs.
Le volet architecture et patrimoine
Les dispositions du projet de loi ont également comme objectif d'améliorer le respect de la notion de patrimoine mondial. L'appellation "cité historique " remplacera les trois catégories de protection des espaces protégés en application, les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP). On peut également noter la création de "zones d’expérimentation architecturale " dans les villes aux règles d'urbanismes assouplies. Le but : encourager "l'innovation en matière d'urbanisme au profit de la qualité architecturale " . La loi prévoit également la labellisation des constructions architecturales dites "remarquables " du XXe et XXIème, qui n'étant pas reconnues comme monuments historiques, pouvaient être modifiées ou détruites sans consultation en amont des services de protection du patrimoine.
Les chiffres clés de la culture en France
Lors de la présentation du projet mercredi, Fleur Pellerin a affirmé qu"il était grand temps de pouvoir moderniser, renouveler ces politiques qui sont les politiques du ministère de la Culture donc de soutien à la création, d’éducation, de démocratisation culturelle et puis de rayonnement de la culture française ." La ministre de la Culture et de la Communication a souligné un moment opportun avec "une bonne conjoncture budgétaire pour le ministère de la Culture avec un soutien très fort tant du chef de l’Etat que du Premier ministre ". Une annonce qui laisse sous-entendre pour beaucoup, une future annonce de l'augmentation du budget de la Culture lors de la prochaine loi de Finances. Le texte sera examiné devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale à la mi-juillet 2015 avant d'être voté à l'automne au Sénat et à l'Assemblée.
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