Pourquoi la double nationalité est un faux débat que le FN adore
Après les incidents qui ont suivi la qualification de l'Algérie pour les huitièmes de finale de la Coupe du Monde, Marine Le Pen critique la double nationalité.
Le Front national porte les mêmes propositions, d'un président à l'autre. Après les incidents qui ont gâché la fête, lors de la qualification de l'Algérie en huitième de finale de la Coupe du monde, Marine Le Pen veut "mettre fin à la double nationalité" et "arrêter l'immigration", dimanche 29 juin. Son père avait déjà inscrit cette promesse à son programme pour la présidentielle de 2007. Et Jean-Marie Le Pen critiquait déjà la double nationalité en 1989, rappelle le Huffington Post.
Pourtant, la double nationalité est ici un faux problème. Francetv info vous explique pourquoi.
1Les casseurs tous binationaux ? Rien ne le prouve
Après le match Corée du Sud-Algérie, les forces de l'ordre ont interpellé 74 personnes en France. Si des incidents ont été rapportés surtout à Paris, à Marseille et à Lyon, la police n'a jamais publié la nationalité des supporters et casseurs mis en cause. Ils peuvent aussi bien être binationaux que Français. Et si Marine Le Pen dispose de chiffres, elle s'est abstenu de les donner. La président du FN accuse donc les binationaux sans disposer d'éléments de preuve. SOS Racisme dénonce un "discours haineux et stigmatisant".
2Cela n'a pas d'impact sur le sentiment d'être Français
Les doubles-nationaux représentent 5 % de la population de France métropolitaine âgée de 18 à 50 ans, dont 90% sont immigrés ou descendants d'immigrés, détaille l'Institut national d'études démographiques (Ined).
Alors que le FN met régulièrement en doute "l'attachement de ces personnes à notre pays" (au sujet des Franco-Tunisiens, dans ce communiqué de 2011, par exemple), l'Ined précise que la double nationalité a peu d'impact sur le sentiment d'être Français. "Les immigrés doubles-nationaux se sentent autant Français que ceux qui ont abandonné leur ancienne nationalité (82 % dans les deux cas)", ajoute l'institut. "Une double nationalité est une marque d'attachement à ses origines, mais cela n'est pas contradictoire avec une forte identité nationale française", analyse l'Ined.
3Les Français de l'étranger sont aussi concernés
Marine Le Pen ne laisse aucun doute sur les binationaux qu'elle vise : "Il faut choisir, on est Algérien ou Français, Marocain ou Français, mais on ne peut pas être les deux." C'est oublier les "Français de l'étranger", né avec une autre nationalité mais qui demandent à être français car ils ont un parent français. La double nationalité permet de "garder un lien linguistique et culturel avec les ressortissants installés à l'étranger", expliquait en 2011 le sénateur des Français de l'étranger Christian Cointat, cité par Rue89.
4La double nationalité n'est pas toujours un choix
Marine Le Pen ne peut pas ignorer que le Maroc, par exemple, n'autorise par ses ressortissants à abandonner leur nationalité. Les immigrés marocains, s'ils devaient choisir, n'auraient en réalité pas d'autre choix que de conserver leur passeport d'origine et de vivre en France avec le statut d'étranger. Donc, sans droit de vote, par exemple.
Les binationaux, immigrés et descendants d'immigrés, pourraient donc logiquement choisir de garder la nationalité française. C'est ce qu'explique une Franco-Algérienne interrogée par Rue89 : "On est né en France, on vit en France, on n’a jamais vécu dans notre autre pays d’origine. La seule chose que cela changera, c’est qu’en plus d’être stigmatisés, on devra payer un visa l’été pour aller rendre visite à notre famille."
5Ce serait un casse-tête à mettre en œuvre
En raison d'un grand nombre de cas particuliers, la remise en question de la double nationalité serait très complexe à mettre en œuvre. Les conditions d'accès à la nationalité française sont nombreuses : naturalisation, obtention de la nationalité à 18 ans, droit du sol pour les descendants d'immigrés algériens… La loi devrait-elle être rétroactive ? Sur quelle durée ? Applicable à tous les binationaux de la même façon, y compris ceux de l'Union européenne ?
Surtout, Marine Le Pen souhaite-t-elle vraiment laisser le choix aux binationaux ou déchoir des délinquants de leur nationalité française ? La présidente du Front national ne précise pas ses intentions.
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