Ces signes qui montrent que le bateau Hollande prend l'eau
Malmené dans les sondages, affaibli par ses propos rendus publics, François Hollande est de plus en isolé. Il lui reste un mois pour décider d'être candidat.
Ambiance Titanic. Alors que la rumeur d'un appel des parlementaires socialistes contre une candidature de François Hollande a semé la panique à l'Elysée, comme l'a révélé Le Canard enchaîné mercredi 26 octobre, le navire présidentiel est-il sur le point de sombrer ? Habitué aux situations compliquées et aux mauvais sondages, le chef de l'Etat semble cette fois bien incapable de reprendre le gouvernail en main depuis la sortie du livre "Un président ne devrait pas dire ça...".
Un psychodrame de trop pour les hollandais, fatigués de sortir les rames pour le président de la République, à contre-courant pour 2017. Franceinfo revient sur trois signes qui, à un mois des candidatures pour la primaire à gauche, attestent que le bateau Hollande est bel et bien en train de prendre l'eau.
Le président de l'Assemblée n'hésite plus à le boycotter
"Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé", se morfondait Lamartine dans son poème L'Isolement. Qu'a pensé François Hollande au Louvre, mercredi 26 octobre ? Alors qu'il s'apprêtait à prononcer le discours de clôture de la cérémonie en l'honneur du centième anniversaire de François Mitterrand, le président de la République a pu constater que Claude Bartolone s'était éclipsé, raconte le Huffington Post.
Une dérobade très remarquée et commentée dans les rangs socialistes, y compris sur Twitter par le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, invoquant que le départ du président de l'Assemblée nationale était visiblement prévu et su de tous.
On peut arrêter le délire sur @claudebartolone ?Il est venu c'est bien et tt le monde savait qu'il ne resterait pas! #centenaire #Mitterrand
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) 26 octobre 2016
Une tweet qui a tout l'air d'une opération de pompier. Et pour cause : l'agenda du quatrième personnage de l'Etat ne mentionnait aucun rendez-vous à l'issue de la cérémonie, comme l'atteste le site de l'Assemblée nationale. En réalité, le patron de l'hémicycle ne cache plus sa défiance envers François Hollande. Selon une journaliste de Libération, il n'a d'ailleurs pas hésité à "faire savoir" à la presse qu'il ne restait pas pour le discours du chef de l'Etat.
Dans Un président ne devrait pas dire cela, François Hollande confie qu'à ses yeux, le président de l'Assemblée manque "d'envergure". Réponse d'un homme fâché, blessé, déçu ? Lors d'une réunion des députés PS mardi, Claude Bartolone s'est fendu d'une violente charge contre le chef de l'Etat.
On a un problème d'incarnation. Il y a une distance qui est créée entre la gauche et les Français, entre le président et les Français
Un tir de semonce auquel viennent s'ajouter ses doutes sur une candidature naturelle de François Hollande, prononcés publiquement le 13 octobre dans La Provence. "Je me pose des questions sur sa volonté. Une hésitation transparaît. Je lui ai fait part de ma stupéfaction. Il y a un grand besoin d'explication pour comprendre s'il veut vraiment être candidat."
Les vallsistes multiplient les attaques
Face à la sinistrose ambiante des hollandais, certains soutiens de Manuel Valls en sont convaincus : pour le Premier ministre, c'est l'occasion ou jamais de se présenter. "Hollande ne peut plus être candidat, ce n’est plus une question politique, mais une question de morale", aurait écrit un député proche du président à Manuel Valls après la sortie d’Un président ne devrait pas dire ça…, rapporte Libération.
De fait, du côté des vallsistes, l'idée fait son chemin. Notamment chez le député de l'Essonne, Malek Boutih : interrogé sur BFMTV, dimanche 23 octobre, ce dernier a littéralement enterré le chef de l'Etat. "Il n’y a désormais plus de candidat naturel à gauche pour la présidentielle, et encore moins François Hollande", a-t-il estimé. Une mise en bière politique évidemment destinée à valoriser Manuel Valls, "seul homme d’Etat potentiel" trouvant grâce à ses yeux.
Je pense que François Hollande n’est plus la question (...) Sa grandeur serait de nous laisser aujourd'hui combattre et d’essayer d’aller au second tour de la présidentielle, voire pourquoi pas de l’emporter
Même son de cloche du côté du sénateur Luc Carvounas, qui a refusé de signer l'appel de Bruno Le Roux, patron du groupe socialiste à l'Assemblée, pour soutenir une candidature de François Hollande. Et qui le fait savoir : "On nous demande d'aller au combat pour lui dans les prochaines semaines, mais à déblatérer sur tout et tout le monde, c'est devenu indéfendable", lâche le sénateur du Val-de-Marne dans Le Point. "Il faut être en capacité d’incarner la fonction. Mais François Hollande s’est mis en difficulté, tacle un autre valliste, le député Carlos Da Silva, sur Europe 1. Il y a une conception du pouvoir à défendre, qui demande une certaine hauteur de vue."
Anxieux à l'idée d'une banqueroute aux législatives dans la foulée de la présidentielle, les députés socialistes seraient de plus en plus frileux à afficher leur soutien à François Hollande. "Quand on constate qu'après des semaines de campagne, on n'est toujours pas sur une trajectoire ascendante, il y a une réalité qui s'impose : il est temps d'arrêter l'aventure", expliquait récemment le député PS et proche d'Arnaud Montebourg, Philippe Baumel, interrogé par franceinfo.
Une dynamique qui pourrait permettre à Manuel Valls de s'imposer comme recours face à une gauche de gouvernement tétanisée. De fait, le Premier ministre lui-même commence à faire sentir publiquement ses doutes. Invité de France Inter mercredi, Manuel Valls a refusé de dire si François Hollande était le candidat naturel du Parti socialiste pour 2017. Et ajouté que le chef de l'Etat devait "tenir compte de la situation". On a connu plus enthousiaste.
Même ses fidèles n'y croient plus
Entre les proches du président, les réunions se multiplient, mais rien n'y fait. "C'est le bazar généralisé, il n'y a plus d'autorité nulle part", dit dépité un proche de l'Elysée dans Le Figaro, vendredi. "Pour la première fois, je pense que ce n'est plus possible...", glisse un ami du président dans Le Parisien. "Je ne vois pas bien comment il peut y aller, mais il va le faire. Et quand il va se lancer, il ne va pas remonter dans les sondages, il va baisser encore !", prédit, toujours dans Le Parisien "un habitué de l'Elysée", qui, précise le quotidien, "y avait pourtant toujours cru jusque-là".
En début de semaine, une dizaine de ministres se sont donnés rendez-vous à Bercy, en réponse à l'invitation de la secrétaire d'Etat au Commerce, Martine Pinville, fidèle parmi les fidèles du chef de l'Etat. Parmi les conviés, entre autres, étaient présents Stéphane Le Foll, Michel Sapin, Marisol Touraine, Patrick Kanner ou encore Christian Eckert, rapporte Le Figaro. "Le déjeuner était sinistre. Différents points de vue se sont exprimés : certains participants ont défendu le président, d'autres ont exprimé des doutes", résume l'un des participants au quotidien.
Dans Marianne, son ami Jean-Pierre Mignard, lui, suggère carrément au chef de l'Etat de ne pas briguer un second mandat. "Je souhaite qu’il s’évite une humiliation. Il a dit que s’il était candidat, il le serait pour gagner. François Hollande est lucide, à lui de mesurer les rapports de force…", confie-t-il.
Morcelé, le dernier carré des fidèles de François Hollande ? L'hypothèse est probable. En coulisses, même le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, doute désormais de l'avenir de son camarade de la promotion Voltaire de l'ENA. "La question, ce n'est plus : 'Est-ce qu'il va y aller ?' C'est : 'Est-ce qu'il peut y aller", fait écho Le Point. Une chose est sûre, à en croire un député proche du président : jamais François Hollande n'aura été autant isolé.
Le Foll, Le Drian, Sapin, etc. Ils sont effondrés, effarés, fatigués, quelque part entre la stupéfaction et la lassitude. Ils se disent juste : qu'il nous laisse finir le quinquennat dignement
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