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Christiane Taubira "envisage d'être candidate" : "Un message ambigu" qui "fait perdre encore un peu plus de temps à la gauche", selon un politologue

Pour Rémi Lefèbvre, Christiane Taubira ne va pas "débloquer" la gauche. Sa potentielle candidature ajoute au contraire davantage de confusion dans les multiples candidatures déjà exprimées.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (STEPHANIE LECOCQ / EPA)

Rémi Lefèbvre, politologue, professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2 et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps), a estimé vendredi 17 décembre sur franceinfo que la déclaration de Christiane Taubira est "un message ambigu" qui "fait perdre encore un peu plus de temps à la gauche" alors qu'on est dans "une course contre la montre". L'ancienne ministre de la Justice de François Hollande "envisage d'être candidate à l'élection présidentielle". Dans une vidéo diffusée sur sa page Facebook, elle donne rendez-vous au 15 janvier et dit ne vouloir être pas une candidate de plus.

franceinfo : Que faut-il comprendre de cette déclaration ?

Rémi Lefèbvre : C'est un message assez ambigu. Christiane Taubira fait à la fois un pas en avant. Elle affirme une volonté d'être candidate, mais en fait, elle attend que les conditions soient réunies pour qu'elle le soit vraiment. C'est une espèce de préannonce qui vise en fait à décanter la situation, à apparaître comme un recours et donc à précipiter les choses à gauche ou en tout cas, à les cristalliser en sa faveur. C'est une étape de plus dans une espèce de confusion actuelle à gauche. C'est une perspective, mais pour l'instant, concrètement, la candidature de Madame Taubira est conditionnée à des ralliements qui pourraient venir du Parti socialiste, d'Arnaud Montebourg. Tout cela est extrêmement hypothétique. Et par ailleurs, il me semble qu'elle n'a pas parlé de primaire donc elle ne serait pas candidate à une primaire. Elle veut se lancer comme candidate de rassemblement à gauche. Tout ça, évidemment fait perdre encore un peu plus de temps à la gauche parce que concrètement, les fêtes vont passer, la rentrée de janvier va arriver et la situation ne sera pas débloquée à gauche. C'est une course contre la montre qu'ils ont engagée à gauche. On voit bien que les autres candidats sont en campagne et à gauche, il y a une forme de confusion qui est toujours présente et qui, évidemment, ne favorise pas la lisibilité de l'offre à gauche.

Christiane Taubira a-t-elle redonné une chance à une primaire à gauche ?

Si on en croit les sondages, il y a une aspiration unitaire qui est extrêmement forte dans l'opinion publique de gauche. Est-ce que cette aspiration unitaire passe par la volonté de participer à une primaire ? On voit bien que de toute façon, aujourd'hui, il y a un problème beaucoup plus du côté du système partisan, de l'offre partisane. Il faut quand même rappeler que les primaires ont mobilisé à gauche 3 millions de sympathisants du PS et au-delà en 2011, et même 2 millions sympathisant il y a cinq ans en janvier 2017. Les primaires ouvertes sont potentiellement très mobilisatrices à gauche. La question, c'est de savoir quelle primaire, comment elle va être organisée, si elle sera en ligne et est-ce qu'il y aura un socle commun des candidats. Il y a beaucoup, beaucoup, encore d'incertitudes sur cette primaire qui est elle aussi extrêmement hypothétique.

Croyez-vous à "l'effet Taubira" ?

Je suis assez sceptique, je dois dire. Christiane Taubira est une figure iconique, une espèce de conscience morale qui plane un petit peu au-dessus du jeu politique. Mais en fait, on ne sait pas ce que pense vraiement Christiane Taubira de plein de questions. C'est quelqu'un qui est d'autant plus populaire dans une partie de l'électorat de gauche qu'elle ne prend pas de position. En fait, elle n'est pas vraiment positionnée par rapport au mandat de François Hollande, même si elle était assez proche des frondeurs. Elle n'a pas été dans une opposition frontale à François Hollande. Elle incarne en fait une gauche morale assez consensuelle, mais concrètement, une primaire, cela veut dire des propositions précises, se positionner par rapport à certains nombres d'enjeux. Et aujourd'hui, il y a plein d'enjeux clivants et compliqués à gauche, l'Europe, la laïcité, la mondialisation, la relocalisation, etc. On est face à une espèce de bulle qui est au-dessus de la vie politique, une présence un peu spectrale, mais qui, à mon avis, ne clarifie quand même pas la situation à gauche. Elle est quand même assez faible dans les sondages aujourd'hui en termes d'intention de voix. Attention de ne pas surestimer quand même ce phénomène qui a la faveur d'une petite partie de la gauche assez politisée et elle n'a pas forcément un rayonnement dans l'électorat de gauche qui est très puissant.

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