Pourquoi le remaniement est un piège politique pour Hollande
Des changements au gouvernement devraient être annoncés dans les prochaines jours. Le président souhaite réagir aux mauvais résultats de son camp aux municipales, mais sa marge de manœuvre est réduite.
François Hollande est obligé de réagir. Les élections municipales sont une véritable claque pour la gauche. Dès l'annonce des résultats, l'opposition a réclamé du changement. Dans la majorité, ils sont également nombreux à demander "un souffle fort" pour "repartir de l'avant", comme Gérard Collomb, réélu à Lyon. "Il faut donner un nouveau souffle, plus de solidarité", renchérit François Rebsamen, également réélu à Dijon. "Il faut un changement très très important d'équipe", conclut Anne Hidalgo, après sa victoire à Paris.
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Les Français, eux, sont 79% à souhaiter un remaniement, selon un sondage BVA réalisé dimanche 23 mars, mettant ainsi la pression sur le président qui se retrouve coincé. Ce dernier devrait s'exprimer rapidement. Peut-être dès lundi soir, selon des proches. Pour annoncer un remaniement ?
Francetv info détaille pourquoi une telle manœuvre peut se transformer en piège pour le président.
Parce qu'il subit les événements
Le problème. Pour le politologue Jean-Marie Cotteret, ce remaniement, évoqué depuis plusieurs mois, arrive "beaucoup trop tard". Contacté par francetv info, il estime qu'un changement aurait dû intervenir avant les municipales, car maintenant "François Hollande se retrouve obligé d'agir en réaction aux résultats des élections". Jérôme Sainte-Marie ne partage pas cet avis. Joint par francetv info, le politologue estime qu'une décision avant les municipales aurait posé un autre problème : "Cela aurait été difficile et très maladroit, car cela aurait provoqué une usure immédiate du nouveau gouvernement en raison des élections".
Des solutions ? Jérôme Sainte-Marie rappelle qu'un remaniement dans un contexte de revers électoral est avant tout un dialogue avec l'opinion : "Cela signifie qu'on a entendu le message". Il n'y aura sans doute pas "d'élément de surprise pour l'opinion", et les ajustements auront par conséquent un "effet très limité". Mais cela devrait quand même permettre "de donner un petit peu d'oxygène à l'exécutif".
Parce qu'il ne va pas changer de politique pour autant
Le problème. Avec son pacte de responsabilité censé donner des marges de manœuvre aux entreprises, François Hollande s'est engagé dans la voie du social-libéralisme. Pour Jérôme Sainte-Marie, le président est "contraint par ses engagements auprès des marchés financiers et de ses partenaires européens". Par conséquent, il ne devrait pas modifier son cap : "On s'oriente vers un changement de personnes sans changement de la ligne politique." Mais dans ce cas, le remaniement risque d'apparaître comme cosmétique, et l'opinion aura l'impression de ne pas avoir été écoutée.
Des solutions ? Selon Jérôme Sainte-Marie, à la tête de l'institut PollingVox, le chef de l'Etat peut, au mieux, faire un geste dans "l'habillage de cette politique" social-libérale. De son côté, Thomas Guénolé estime que l'important, ce n'est pas le cap, mais le fait de s'engager pleinement dans la politique choisie : "Par exemple, si le choix, ce sont les emplois d'avenir, alors il faut en faire dix fois plus". Les Français attendent avant tout "des résultats sur le front du chômage", note le politologue.
Parce qu'il doit gérer le cas Jean-Marc Ayrault
Le problème. Jean-Marc Ayrault est au plus bas dans les sondages, à 25% d'opinions favorables, selon le dernier sondage BVA pour L'Express. D'ailleurs, 69% des Français sont favorables à son départ, d'après cette enquête. Plusieurs voix dans la majorité se sont permis de critiquer ouvertement le Premier ministre, accusé de ne pas tenir son équipe gouvernementale.
Des solutions ? Jean-Marie Cotteret plaide pour un départ de Jean-Marc Ayrault, remplacé par une personne de la société civile : "Quelqu'un qui se situe au-dessus de la mêlée, un bon technicien comme Louis Gallois". Pour Jérôme Sainte-Marie, se débarrasser de Jean-Marc Ayrault serait une erreur. Selon lui, l'actuel Premier ministre "présente une loyauté sans faille, s'expose courageusement et ne possède pas d'agenda pour l'Elysée, à l'image d'un Manuel Valls". Par ailleurs, le Premier ministre n'est pas, selon lui, responsable de l'impopularité du couple exécutif, mais plutôt "le miroir de la faible popularité de Hollande". Il considère donc que changer le locataire de Matignon apporterait "un gain éphémère et limité à court terme pour un inconvénient durable".
Parce qu'il doit composer avec l'équilibre des sensibilités
Le problème. Pour un remaniement efficace, toutes les personnes interrogées par francetv info plaident pour une équipe gouvernementale resserrée autour de dix à douze ministres. Mais difficile d'intégrer toutes les sensibilités de la gauche dans un gouvernement restreint. De plus, il faut veiller à faire une place aux écologistes, qui ont obtenu des scores satisfaisants au premier tour des municipales, comme le note Jérôme Sainte-Marie.
Des solutions ? Thomas Guénolé suggère de rappeler des personnalités comme Martine Aubry ou Ségolène Royal pour rassembler les socialistes. Il propose aussi de nommer Louis Gallois à Bercy, pour qu'il puisse mettre en œuvre son rapport sur la compétitivité. Pour Jérôme Sainte-Marie, il faudra sans doute faire un geste envers les écologistes, "peut-être sur le dossier de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes". La solution de Thomas Guénolé passe par "un grand ministère de l'Ecologie confié à une personnalité en dehors d'EELV, tel que Nicolas Hulot ou Daniel Cohn-Bendit".
Parce qu'il se prive de munitions pour la suite
Problème. En effectuant un remaniement dans l'immédiat, François Hollande abat l'une de ses cartes maîtresses, ce qui réduit sa marge de manœuvre pour la suite de son quinquennat. "C'est sûr qu'il sera obligé de garder cette nouvelle équipe pendant un moment", analyse Jean-Marie Cotteret.
Thomas Guénolé ajoute que le risque est de voir le nouveau gouvernement "prendre une claque dans la foulée aux élections européennes" qui se dérouleront en mai. Un danger minime, selon Jérôme Sainte-Marie, qui assure que les européennes sont des "élections secondaires dans l'esprit des Français". En plus, le Parti socialiste ayant réalisé un score très faible en 2009 (16%), il sera difficile de faire encore plus bas. Un sondage Ipsos/Steria du 30 mars crédite le PS de 19% d'intentions de vote.
Des solutions ? Pour ne pas épuiser toutes ses munitions, Jérôme Sainte-Marie suggère à François Hollande d'effectuer "un remaniement technique, avec un gouvernement resserré" dans un premier temps, puis d'envisager un changement de Premier ministre en 2015 après les élections régionales, qui risquent de se traduire par une nouvelle défaite électorale.
François Hollande sait qu'un remaniement peut lui donner un peu de temps, avec l'espoir de voir apparaître une amélioration économique, explique le politologue. "Il sait qu'il est impopulaire, mais il se dit qu'il peut tenir", analyse-t-il. Si le président n'obtient pas de résultats au bout de cette stratégie, il faudra envisager d'autres options, avec en dernier recours la dissolution de l'Assemblée nationale.
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