Résidences secondaires, prêts immo à taux cassés : les avantages des députés qui font scandale
Dans un rapport complet publié jeudi, l'association Pour une démocratie directe dénonce "l’enrichissement personnel" de certains parlementaires grâce à leur indemnité de frais de mandat (IRFM), qui fait polémique depuis plusieurs mois.
Plus de 1 200 adresses de permanences parlementaires scrutées et, à la fin, un bilan accablant pour l'Assemblée nationale. L'association Pour une démocratie directe a publié son rapport sur l'utilisation de l'indemnité représentative de frais de mandat des députés (IRFM), jeudi 10 septembre, après deux ans de travail. "L’enrichissement personnel" de certains parlementaires grâce à leur IRFM "est notoire", déplore l'association.
Petit rappel de ce qu'est l'IRFM. En plus de leur "indemnité parlementaire" (soit leur salaire, d'un montant de 7 100 euros brut) et de leur "crédit affecté à la rémunération de collaborateurs" (pour payer les assistants, conseillers…), les députés perçoivent une "indemnité représentative de frais de mandat", à hauteur de 5 770 euros brut mensuels. A quoi sert-elle ? Selon l'Assemblée, à "faire face aux diverses dépenses liées à l’exercice de leur mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l'Assemblée". En pratique, elle sert à couvrir les notes de frais. Trajets, fleurs, enveloppes, costumes... Et parfois même, biens immobiliers. C'est là que le bât blesse.
1Des dizaines de permanences achetées avec l'IRFM
Des dizaines de députés se sont en effet servis de leur IRFM pour devenir propriétaires de leur permanence parlementaire, voire d'une résidence secondaire dans leur circonscription. D'après les recherches effectuées sur un échantillon représentatif de près de 300 députés, un quart des députés en fonction (24,4%) sont propriétaires de leur permanence, et un sixième (17,3%) ont acheté une résidence secondaire en circonscription avec l’argent de l’Assemblée nationale.
Ce qui pose problème, pour l'association, ce n'est pas que les députés soient propriétaires de leur permanence, mais qu'ils l'aient acquise grâce à l'IRFM et non grâce à leur argent personnel (comme leur salaire). Bien que l'IRFM corresponde de fait à des notes de frais, elle n'est soumise à aucune comptabilité et rien n'oblige les députés à la restituer en fin de mandat s'ils ne l'ont pas utilisée en totalité. L'association Pour une démocratie directe demande à présent de "rendre publiques toutes les dépenses payées avec l’IRFM".
Hervé Le Breton, président de l'association, déplore que les administrations aient rendu son travail si difficile. "Nous avons relevé des dérives et en avons rendu publiques certaines, dès le mois de janvier, rappelle-t-il, comme francetv info s'en était fait l'écho. Aucune mesure concrète n'a été prise pour que cela change. Le code de déontologie est bafoué, et cela ne semble gêner personne."
2Des prêts immobiliers très avantageux
Le responsable associatif souligne par ailleurs que des prêts immobiliers ont été accordés jusqu'en 2012 à certains députés sur le budget de l'Assemblée. Or, sur cette question, c'est le statu quo, alors même que certains prêts "courent jusqu'en 2020" et que leur attribution n'est plus autorisée aujourd'hui. Le montant avancé de ces prêts en cours est "entre 80 et 90 millions d'euros".
Trois problèmes se posent. D'abord, ils ont été accordés à des taux d'intérêt très inférieurs au marché ("1,9 point en dessous du taux auquel l’Etat empruntait"), sans que rien ne vienne justifier cet avantage. Ensuite, certains prêts continuent d'être remboursés avec l'argent de l'IRFM, ce qui renvoie à l'écueil précédent. Enfin, certains anciens élus continuent de bénéficier de ces prêts avantageux, alors même qu'ils ne sont plus titulaires d'aucun mandat.
Selon Hervé Le Breton, il s'agit d'un conflit entre intérêts privés et publics qui nécessite de mettre un terme "dès aujourd"hui" à ces prêts et "restituer les sommes perçues". "Les députés doivent rendre le bien à l'Assemblée nationale car il a été remboursé avec des fonds publics, en dehors de leur salaire", martèle-t-il. Combien de prêts immobiliers consentis par l’Assemblée n’ont pas encore été entièrement remboursés ? Impossible de le savoir, faute d'avoir pu obtenir les informations nécessaires.
3Une utilisation opaque des permanences
Les règles encadrant le financement des partis politiques prévoient une stricte séparation entre locaux parlementaires et locaux associatifs ou politiques, pour éviter tout détournement de fonds publics. Là encore, l'association déplore des dérives. "Vingt-trois permanences parlementaires correspondent à des adresses de sections locales de partis politiques", selon l'association, et "quatre-vingt-deux permanences parlementaires ont été utilisées comme lieu de vote interne à un parti politique".
Faute d'avoir obtenu toutes les informations espérées, l'association va écrire directement au président de l'Assemblée nationale, dans les prochaines semaines, dans l'espoir de récolter davantage d'explications. Elle compte sur la justice pour ouvrir des instructions qui, espère-t-elle, pourraient conduire à des mises en examen, notamment pour prise illégale d'intérêts. "Si l'Assemblée avait sifflé la mi-temps plus tôt, on n'en serait peut-être pas là."
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