Béziers est-il un laboratoire de l'extrême droite ou un tremplin pour Robert Ménard ?
La ville accueille ce week-end le Rendez-vous de Béziers, où se réuniront intellectuels et politiques de la droite radicale et de l'extrême droite.
Béatrice Bourges, Alain de Benoist, Eugénie Bastié... Les invités conviés par Robert Ménard au Rendez-vous de Béziers, organisé du vendredi 27 au dimanche 29 mai dans l'Hérault, ont les idées clairement marquées à droite. Le maire refuse l'idée qu'"il s'agisse d'un rassemblement d'extrême droite", évoquant une rencontre "républicaine" entre "des personnes qui pensent suffisamment de choses en commun pour être réunies et faire avancer ces idées", selon Midi Libre.
Mais, pour les opposants à l'élu, le Rendez-vous de Béziers serait un véritable laboratoire de la "droite dure". La cheffe de file du Printemps Français, Béatrice Bourges, participera aux débats aux côtés de Ludovine de La Rochère, de la Manif pour tous. Le théoricien du "grand remplacement", Renaud Camus, échangera avec l'essayiste du Figaro Ivan Rioufol. La députée FN, Marion Maréchal-Le Pen, les souverainistes Nicolas Dupont-Aignan et Philippe de Villiers, ainsi que le candidat à la primaire des Républicains et proche de Christine Boutin, Jean-Frédéric Poisson, ont, eux, été invités à assister à l'événement.
"Le constructeur d'une nouvelle idéologie d'extrême droite"
"Avec ce rendez-vous, Robert Ménard cherche à créer une plate-forme de discussion entre la droite, l'extrême droite et ceux qui sont aux marges des deux", explique à francetv info Stéphane François, chercheur au CNRS. Le maire de Béziers, qui a souhaité à plusieurs reprises l'élection de Marine Le Pen à la présidentielle de 2017, le reconnaît bien volontiers.
"On ne peut plus faire sans le FN en France, mais on ne peut pas faire qu'avec : il faut aller plus loin."
L'édile redoute que "les valeurs de droite" soient oubliées en 2017, à cause de "querelles d'ego entre les politiques". "Ce rassemblement permettra de définir les idées dont les candidats de droite devront faire leurs priorités s'ils sont élus", insiste-t-il. Une dizaine de tables rondes seront organisées sur des thèmes comme l'immigration, la famille ou la sécurité. Elles aboutiront à une liste de 30 à 50 propositions qu'il compte ensuite "imposer" aux candidats.
"Robert Ménard veut jouer un rôle de constructeur dans cette nouvelle idéologie de la France d'extrême droite, estime Dominique Crozat, Biterrois et géographe à l'université Paul-Valéry de Montpellier (Hérault). Il espère pouvoir peser sur le Front national et réussir à imposer ces idées dans le discours commun, grâce à ce rassemblement."
Des mesures et des déclarations controversées
Ce rassemblement semble être une nouvelle étape dans la stratégie de Robert Ménard. Dès août 2015, le New York Times (en anglais) voyait en Béziers un "modèle pour l'extrême droite". Et pour cause : depuis son élection avec le soutien du Front national, en mars 2014, le maire a durci la politique sécuritaire de la ville : couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, effectifs de policiers municipaux, désormais armés, doublés... L'édile a également tenté de créer une "garde biterroise", une patrouille ouverte aux anciens militaires, policiers ou pompiers, finalement suspendue par la justice.
"Nous mettons en place des politiques différentes de celles des autres villes françaises, se réjouit l'édile. J'ai une autre façon de faire de la politique, plus proche des gens. Et je n'ai pas peur de dire les choses que tout le monde pense, de prendre des mesures populaires auprès des habitants, même si elles choquent le petit monde politique."
Robert Ménard évoque ainsi fréquemment l'immigration et l'islam, deux thèmes de prédilection du FN. "Ils arrivent", pouvait-on ainsi lire dans un numéro du journal municipal, devenu le fer de lance de sa communication, en évoquant les migrants. Le maire affirme, en outre, que deux tiers des élèves des écoles biterroises sont musulmans. Or, le profilage communautaire est interdit. Autant de propos choc qui créent la polémique. Robert Ménard s'en moque.
"Son action, c'est surtout de la communication"
"Il a aussi lancé une campagne d'affichage bimensuelle dans le centre-ville, pour vanter ses actions - ou plutôt donner l'impression qu'il y en a", affirme Estelle*, réalisatrice d'un documentaire sur le mandat de Robert Ménard, à francetv info. Le film devrait être diffusé à Béziers en septembre, selon France 3 Languedoc-Roussillon.
"Pour l'instant, l'action de Robert Ménard, c'est surtout de la communication", raille son opposant socialiste Jean-Michel du Plaa, joint par francetv info. Le conseiller municipal assure que le chômage et la pauvreté n'ont pas baissé depuis l'arrivée de Robert Ménard. "Le nombre de logements insalubres reste inchangé, tout comme le nombre de commerces vacants dans le centre-ville", insiste-t-il.
"Un certain nombre de mesures très médiatiques n'ont jamais été suivies d'actions concrètes, abonde Estelle, qui enquête anonymement sur le bilan du maire depuis décembre 2015. L'interdiction des paraboles et du linge suspendu aux fenêtres en centre-ville, l'obligation de porter des blouses à l'école, même l'interdiction de cracher sur les trottoirs n'ont jamais été appliquées." Bref, "rien n'a vraiment changé à Béziers, si ce n'est dans la tête des habitants", estime la réalisatrice.
"Béziers est le laboratoire personnel de Robert Ménard"
La politique de Robert Ménard séduit, en effet, un certain nombre de Biterrois. "L'accélération des travaux de ravalement des façades, engagés par la municipalité précédente, et la présence plus visible des policiers rassurent certains habitants, reconnaît Jean-Michel du Plaa. Toutefois, on ne sait pas ce que sera son bilan dans quatre ans."
Un bilan d'autant plus important que l'édile semble voir plus loin. "Béziers est surtout le laboratoire personnel de Robert Ménard", ajoute Dominique Crozat.
"Il veut utiliser la ville comme marche-pied pour l'extrême droite, mais surtout pour lui, dans la perspective de jouer un rôle national."
Robert Ménard nourrit-il quelques ambitions pour 2017 ? Il confie en tout cas vouloir lancer un nouveau mouvement citoyen, "un peu comme Podemos en Espagne". Selon Europe 1, il ne s'agirait pas d'un parti, mais plutôt d'une plate-forme internet permettant de porter les idées développées durant le Rendez-vous de Béziers. Le nom "Oz ta droite" est déjà choisi, croit savoir la radio. Ne reste plus qu'à annoncer sa création lors du rassemblement dans l'Hérault, à la fin mai.
"Le Rendez-vous de Béziers va montrer que, désormais, nous allons travailler ensemble", promet Robert Ménard. Avec, en ligne de mire, l'élection en 2017 d'un président portant les idées développées dans sa ville.
*Le prénom a été modifié
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