Ultradroite : "Les réactions que suscitent nos enquêtes sont de plus en plus brutales", souligne le rédacteur en chef de "Street Press"
Après une enquête sur les soutiens de l'ultradroite à Eric Zemmour, le rédacteur en chef de Street Press, Mathieu Molard, a reçu des menaces de mort. 35 sociétés de journalistes alertent sur des violences.
Intimidations dans des manifestations, interdiction de couvrir des évènements, menaces de mort... 35 sociétés de journalistes, dont celles de franceinfo, alertent jeudi 18 novembre sur des violences de toutes formes quand il s'agit de couvrir l'actualité de l'extrême droite. Des membres de l’ultradroite ont rejoint les équipes de soutien à Éric Zemmour pour la campagne 2022. Mathieu Molard, journaliste, rédacteur en chef de Street Press, explique jeudi 18 novembre sur franceinfo qu’ils voient Éric Zemmour comme quelqu'un qui porte un certain nombre de leurs valeurs et de leur combat, notamment la théorie de la "remigration". Lui-même menacé de mort après une enquête sur le soutien de membres de l'ultradroite au polémiste publiée dans Street Press, il sent "un climat de plus en plus tendu", "les réactions que suscitent nos enquêtes sont de plus en plus brutales", explique-t-il.
franceinfo : Quels genres de menaces avez-vous reçues ?
Il y a quelques jours, ma photo apparaissait sur un montage à côté du journaliste Taha Bouhafs et des personnes politiques. Ils avaient collé littéralement une cible sur mon front.
"Dans le message qui incitait au meurtre, à nous abattre, il y avait un lien qui renvoyait vers un site où on pouvait acheter des armes."
Mathieu Molard, rédacteur en chef de "Street Press"à franceinfo
C’était sur une chaîne Telegram, une messagerie cryptée, dans un groupe, une sorte de forum, qui s'appelle "les vilains fachos". C'est une référence aux Français qui ont collaboré à l'armée nazie. Malheureusement, ils sont anonymes. Ils se cachent. Donc, on ne sait pas nominativement qui est derrière ces menaces.
Avez-vous une idée de ce qui a déclenché ces menaces ?
Il y a une quinzaine de jours, j’ai signé une enquête qui révélait que des soutiens d'Éric Zemmour s'entraînaient au tir sur des caricatures de musulmans, de juifs et de noirs dans une forêt de l'ouest de la France. On a diffusé une vidéo où on les voit s’entraîner, une autre vidéo où on voit les mêmes hommes coller des affiches d'Éric Zemmour. Cette affaire a été un peu médiatisée. C’est suite à cela que j'ai subi une première vague de cyberharcèlement et de menaces, plus de 1 000 messages en 24 heures. Et ensuite, ces dessins, ce montage très explicite. Ils écrivent que c'est en solidarité avec la famille Gallicane, c’est le nom du groupuscule qui rejoint en partie les rangs des soutiens d'Éric Zemmour et qui s'entraînait au tir dans cette forêt de l'ouest de la France.
Est-ce qu’un cap a été franchi ?
En tout cas, on sent que derrière la candidature d'Éric Zemmour, toute l'extrême droite la plus radicale qui, comme les événements récents l'ont montré, se met en branle, est excité et motivé, rejoint les rangs de ses troupes et le soutient activement. On sent aussi que le climat est de plus en plus tendu. Les mots qu’on entend, les réactions que suscitent nos enquêtes sont de plus en plus brutales.
Grâce à Éric Zemmour, ils se sentent moins marginalisés ?
Ils voient Éric Zemmour comme quelqu'un qui porte un certain nombre de leurs valeurs et de leur combat. On peut le lire quand on va sur les forums, les sites les plus radicaux. On voit des gens qui écrivent : "Je soutiens Éric Zemmour, je soutiens sa campagne", parce que c'est le seul qui défend cette théorie fumeuse de la remigration, qui est une sorte de déportation des personnes étrangères ou issues de l'immigration.
Avez-vous besoin d’une protection ?
Heureusement, je ne crois pas que j'ai besoin d'une protection. J’espère ne pas me tromper. Après, très concrètement cette semaine, dans mon média qui est basé en banlieue parisienne, on a fait venir des gens pour faire des devis, pour changer la porte d'entrée et mettre une porte blindée. Malheureusement, notre réalité aujourd'hui au travail. On a alerté la justice, on a saisi le parquet, on a eu des échanges avec la police de la ville et on est obligé d'investir pour que se protéger physiquement d'une éventuelle intrusion.
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