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Polémique sur le FN : "Je ne crois pas à l'implosion de l'UMP", analyse un politologue

Thomas Guénolé, auteur du livre "Nicolas Sarkozy,  chronique d'un retour impossible", revient sur la nouvelle crise qui agite l'UMP après les propos conciliants de François Fillon sur le Front national. 

Article rédigé par Thomas Baïetto - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-François Copé (à gauche) et François Fillon (à droite), le 24 avril 2013 à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

"Alerte rouge","Notre pacte fondateur est en cause", "l'avenir de l'UMP est en jeu". Après les propos conciliants de François Fillon sur le Front national, les cadres du parti, Jean-François Copé en tête, s'alarment et jugent que l'UMP est menacé alors que les municipales de 2014 approchent.

Francetv info a demandé à Thomas Guénolé, politologue et auteur du livre Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible (éd. First), de décrypter cette énième crise à droite.

Francetv info : Dans une interview au Figaro lundi 16 septembre, Jean-François Copé estime que l'avenir de l'UMP "est en jeu" après les propos de François Fillon. Est-ce qu'il y a un vrai danger ou est-ce une simple posture politique pour déstabiliser un rival ?

Thomas Guénolé : Les deux. Il y a un vrai danger pour l’UMP. Dans le Sud, de nombreux élus locaux UMP sont prêts à passer des accords avec le Front national pour les municipales et François Fillon a tenu des propos qui favorisent objectivement de tels accords.

Officiellement opposée à toute alliance avec le FN, l'UMP risque donc de revivre ce que l'UDF et le RPR ont vécu lors des élections régionales de 1998. Certains élus de droite avaient alors accepté de s'allier avec le Front national pour garder ou gagner leur région. L'UDF avait alors en partie explosé, avec l'exclusion des élus qui avaient passé ces accords avec le FN.

Après, c'est également une dramatisation. Jean-François Copé en fait des tonnes parce qu'en termes de lepénisation des idées, il a beaucoup à faire oublier. Il a maintenant une fenêtre de tir en or pour prendre la posture du garant de la droite républicaine. Depuis 2012, la subtilité du positionnement de Jean-François Copé est de dire "non" à des accords électoraux avec le FN, mais "oui" à une récupération de ses idées par la droite. Il lui suffit maintenant de dire "no pasaran" pour enfermer son rival dans un corner lepéniste. François Fillon a involontairement provoqué une inversion des rôles.

Après l'élection interne ratée de l'an dernier et le rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, c'est la troisième secousse importante qui traverse l'UMP en quelques mois. Comment expliquez-vous ces crises à répétition ?

C'est très simple : le grand parti qui passe dans l'opposition connaît toujours une crise majeure. Pourquoi ? La Ve république est construite sur l'alternance entre la droite et la gauche. Quand vous passez dans l'opposition, les chances que ce soit votre tour au prochain grand mercato sont donc très élevées. Si vous êtes un dirigeant de l'opposition, vous avez cinq ans pour tirer votre épingle du jeu, vous sortez vos gants de boxe et vous vous préparez au combat.

La deuxième raison est que l'UMP n'a pas réussi à tourner la page après avoir fait le bilan de la défaite. Nicolas Sarkozy s'emploie à empêcher que l'UMP se stabilise et se mette en ordre de bataille avec un nouveau leadership pour la prochaine alternance. Sans l'aide des lieutenants de l'ancien président, Jean-François Copé ne serait jamais parvenu au score de 50-50 contre François Fillon en novembre dernier.

Enfin, la troisième raison est la pression du Front national, qui a retrouvé ses scores les plus élevés et pèse sur le débat publique.

Le Front national se considère comme la "seule et véritable opposition" au gouvernement et rêve de faire imploser l'UMP en attirant élus et électeurs à lui. Peut-il y parvenir ?

Je n'ai jamais cru à une explosion de l'UMP. C'est une marque qui représente l'essentiel du score d'un candidat de droite aux élections locales. Il y a un certain nombre de circonscriptions et de communes où n'importe quel candidat avec une étiquette UMP gagne. Si vous faites éclater l'UMP, vous tuez la poule aux œufs d'or. 

Il peut y avoir des cadres qui partent en claquant la porte ou des élus locaux qui rallient le Rassemblement Bleu Marine, mais je ne vois pas des poids lourds du parti annoncer la création d'une UMP bis avec une ligne politique différente. Il n'y a pas d'espace politique : plus à gauche, il y a l'UDI, et plus à droite, le Front national. 

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