Visite du prince héritier d'Arabie saoudite : Il vient "valoriser son image de réformiste", selon le chercheur David Rigoulet-Roze
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane vient en visite à Paris pour trois jours. Une campagne de séduction de l'Occident pour le chercheur David Rigoulet-Roze, invité de franceinfo dimanche.
Après un déplacement aux États-Unis et avant une étape en Espagne, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane entame dimanche 8 avril une visite de trois jours à Paris. Il doit dîner mardi soir avec Emmanuel Macron. Selon David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut français d'analyse stratégique et rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques, invité de franceinfo dimanche 8 avril, l'objectif pour le prince est de "valoriser son image de réformiste vis-à-vis de l'Occident".
Le prince héritier ben Salmane vient de passer trois semaines aux États-Unis pour attirer des investisseurs. C'est une campagne de séduction de l'Occident ?
C'est incontestable. Il y a une logique d'affichage très marquée. Il s'agit de vendre à l'étranger son programme "vision 2030" pour l'Arabie saoudite, en insistant sur le sérieux des réformes et pour valoriser son image de réformiste vis-à-vis de l'Occident, attirer des investisseurs dont il aura besoin pour la réussite des réformes, qui risquent d'être complexes à mettre en oeuvre. Il a commencé logiquement par les États-Unis, parce qu'il est très proche de l'administration Trump. Il a fait un passage également à Londres.
Il faut prépare une ère post-manne du pétrole ?
C'est l'objectif déclaré de son plan "vision 2030". Il y a une prise de conscience, avec l'effondrement des prix du baril ces dernières années, que le royaume ne pouvait plus vivre comme il le faisait jusque-là sur la manne pétrolière, qu'il fallait diversifier son économie, et que cela passait par le développement du secteur privé et de secteurs qui étaient délaissés, d'où les grands projets, y compris dans le domaine du loisir, ce qui peut paraître paradoxal. On peut ainsi évoquer l'ouverture d'un cinéma le 18 avril.
Quelles sont les relations entre l'Arabie saoudite et la France ?
Les liens sont étroits, ils ont été d'autant plus renforcés par le précédent quinquennat de François Hollande. Il y a un partenariat qui existe déjà, mais cela n'exclut pas un certain nombre de crispations, on l'a vu avec l'affaire Hariri - le premier ministre libanais - pour laquelle le président Macron a eu un rôle important. Les liens sont d'autant plus étroits que les liens français avec les Émirats, qui sont l'allié principal de Mohammed ben Salmane dans la péninsule arabique sont eux-mêmes très étroits.
Est-ce qu'on est toujours dans la logique caricaturale : des contrats et en échange on ferme les yeux sur les droits de l'Homme ?
Pas tout à fait. Le nouvel exécutif français se démarque de manière assez nette. Il est question de développer une nouvelle coopération qui soit moins axée sur les contrats ponctuels et davantage sur des investissements d'avenir, notamment sur le numérique et les énergies renouvelables. Il y a l'idée d'une certaine distanciation par rapport à l'alignement qu'on a pu connaître avant. Cela n'enlève rien au caractère stratégique de la relation entre les deux pays. Il y a des enjeux politiques importants, notamment sur la question du radicalisme musulman, de l'extrémisme religieux, puisque le prince Mohammed ben Salmane affiche un souci de promotion de modération de l'islam. Il y a un centre antiterroriste qui a été ouvert à Riyad. C'est important aussi par rapport à des enjeux de sécurité interne pour le pays, et c'est un sujet qui sera probablement abordé.
Le régime saoudien est-il réellement devenu plus libéral, comme il souhaite l'afficher ?
Il y a une grande ambivalence. Il y a incontestablement des mesures libérales, au sens surtout économique du terme, mais il y a parfois des malentendus. Le réformisme tel qu'il est pratiqué n'est pas forcément celui qu'on entend en Occident. Il y a deux faces dans le personnage. On pourrait dire que c'est Dr Jekyll et Mr Hyde. Cela n'empêche pas des répressions par rapport à des délits d'opinion sur place, même si la logique de la libéralisation sociétale est en marche, autant pour des contraintes économiques que pour des raisons politiques.
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