Viande halal : Hollande appelle Sarkozy et Fillon à "la retenue"
Le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, a appelé Nicolas Sarkozy et le Premier ministre, François Fillon, "à ne pas froisser" des "consciences" sur la question du halal et du casher.
La campagne présidentielle fait une indigestion de viande halal. Après avoir été portée par la candidate du Front national, Marine Le Pen, la thématique de l'abattage rituel occupe désormais la campagne de l'UMP. Mardi 6 mars, le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, a appelé Nicolas Sarkozy et le Premier ministre, François Fillon, à la "retenue et à ne pas froisser" des "consciences" en mettant sur la table la question du halal et du casher, laquelle squatte les débats depuis vendredi. Retour sur une polémique en quatre actes.
Acte 1 : Guéant remet le halal au menu de la campagne
Tout est (re)parti d'une déclaration de Claude Guéant. Le ministre de l'Intérieur a estimé vendredi 2 mars qu'accorder le droit de vote aux étrangers pourrait conduire à ce que "des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal" dans les cantines.
"Accepter le vote des étrangers, c'est la porte ouverte au communautarisme. Nous ne voulons pas que des conseillers municipaux étrangers rendent obligatoire la nourriture halal dans les repas des cantines, ou réglementent les piscines à l'encontre des principes de mixité", a lancé le ministre lors d'une réunion électorale à Velaine-en-Haye, près de Nancy (Meurthe-et-Moselle). A gauche, ces déclarations suscitent l'indignation.
Acte 2 : Sarkozy candidat défend son ministre
Alors que les propos du ministre de l'Intérieur divisent à droite, Nicolas Sarkozy, le président candidat UMP, reprend la thématique portée par son ministre. En meeting à Bordeaux le 3 mars, il a de nouveau invoqué le principe de laïcité pour s'attaquer à la viande halal. "Reconnaissons à chacun le droit de savoir ce qu’il mange, halal ou non. Je souhaite l'étiquetage des viandes en fonction de la méthode d’abattage. Quant aux cantines scolaires, elles sont aussi tenues au principe de la laïcité. Je m’opposerai à toute évolution qui irait dans le sens contraire." Il a par ailleurs remis au goût du jour le débat sur le port du voile intégral, lui qui a porté une loi l'interdisant. "Dans la République, il n'y a pas de place pour la burqa", a-t-il martelé.
A gauche, nouvelle vague d'indignation.
Acte 3 : François Fillon évoque des "traditions"
Lundi matin, François Fillon est venu ajouter son grain de sel. Sur Europe 1, il a commenté la polémique sur l'étiquetage de la viande halal, proposée par Nicolas Sarkozy. Le Premier ministre a alors estimé à titre personnel que "les religions devaient réfléchir au maintien de traditions qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'état aujourd'hui de la science, l'état de la technologie, les problèmes de santé". "On pourrait y réfléchir", a-t-il ajouté, précisant toutefois que ce n'était "pas le jour et pas le moment d'engager ce débat".
Dès lundi soir, le président du Crif, Richard Prasquier, dont l'organisation entretient de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy, a témoigné de son indignation. Il a déclaré avoir été "choqué d'entendre [le Premier ministre] s'exprimer ainsi". "La déclaration de François Fillon est stupéfiante, a-t-il commenté. Même s'il dit que c'est à titre personnel qu'il s'exprime, quand on est Premier ministre, on a une parole officielle. Nous sommes dans un pays de séparation de l'Eglise et de l'Etat."
Acte 4 : les institutions religieuses s'indignent et en appellent à "la laïcité"
A leur tour, les institutions religieuses ont réagi mardi à la polémique. Après le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) la veille, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a assuré qu'il "ne comprend pas et n'accepte pas que l'islam et les musulmans servent de boucs émissaires dans cette campagne".
Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, a quant à lui estimé que le débat sur l'abattage rituel, halal comme casher, "n'a pas lieu d'être". Dans une interview à la Chaîne Parlementaire qui sera diffusée dimanche, il se dit très "gêné" par les déclarations de François Fillon. "En quoi le problème de la viande casher et de la viande halal est-il un problème majeur pour la France ?", a-t-il demandé.
"Par rapport à l'esprit de la laïcité, je ne pense pas que quelque homme politique que ce soit puisse évaluer ce que doit être une loi révélée donc une loi religieuse monothéiste",a-t-il assuré. "On ne peut pas parler d'une religion comme d'un archaïsme", a affirmé Gilles Bernheim.
Gilles Bernheim doit rencontrer François Fillon mercredi, afin de discuter de la question. Puis jeudi, le Premier ministre recevra le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), et le recteur de la Grande Mosquée de Paris, DalilBoubakeur.
Acte 5 : les parlementaires veulent passer à autre chose
"Il y a des sujets plus importants que le halal, à mon avis : le chômage et la sécurité", lance le président du groupe UMP du Sénat, Jean-Claude Gaudin, à la sortie de la réunion hebdomadaire, mardi 6 mars, rapporte Public Sénat.
"On grimpe dans l'échelle des choses qui ne préoccupent pas essentiellement les Français", estime de son côté Colette Giudicelli, sénatrice UMP des Alpes-Maritimes.
Pour André Dulait, sénateur des Deux-Sèvres, "il est grand temps que le président aborde les vrais grands sujets".
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