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Pourquoi la BCE rend les marchés europhoriques

Les Bourses européennes ont clôturé dans le vert jeudi, ragaillardies par les propos du président de la BCE. Après l'angoisse d'un sauvetage espagnol, les investisseurs ont salué une annonce réconfortante. Explications.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
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La Bourse de Madrid, le 12 juin 2012. (JAVIER SORIANO / AFP)

Le président de la Banque centrale européenne (BCE) sait parler aux marchés. La BCE "est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro", a promis jeudi 26 juillet son président, Mario Draghi. Un signal fort envoyé aux marchés qui ont vécu une semaine de très grande nervosité, marquée par la situation préoccupante de l'Espagne.

A la mi-journée, juste après ces déclarations, l'ensemble des places boursières européennes étaient euphoriques. Paris a cloturé en très forte hausse (à 4,07%). Londres, Milan ou encore Madrid terminent aussi en nette augmentation. Et le taux d'emprunt de l'Espagne, qui oscillait autour de 7,3% dans la matinée, est repassé sous la barre des 7%. L'euro a également bénéficié de l'embellie et valait 1,2278 dollar à 13h10 contre 1,2146 vers 9h15, et 1,2153 dollar mercredi soir. Un symbole fort. 

Ce qui angoissait les investisseurs

Au cœur des inquiétudes des marchés : l'Espagne. Le pays semblait vivre une longue descente aux enfers : les taux d'emprunt à 10 ans (la dette de l'Espagne) ont atteint mardi 24 juillet le niveau historique de 7,63% ; la Bourse de Madrid ne cesse de dégringoler ; asphyxiées financièrement, les régions espagnoles attirent l'attention en appelant le gouvernement central à l'aide... Des signaux tous au rouge qui laissent craindre que le plan européen de sauvetage des banques espagnoles, décidé en juin, ne suffise pas. Les investisseurs redoutent que l'Espagne soit obligée de demander un plan d'aide global à l'instar de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal. Et le pays menace d'entraîner dans son sillage l'Italie, déjà fragilisée, et l'ensemble de la zone euro car sa dette est colossale et le mécanisme d'aide aux pays européens n'a pas de ressources illimitées.

La BCE a donc décidé d'intervenir "car les tensions sur les marchés de dettes se sont extrêmement accrues depuis la fin de la semaine précédente", explique à FTVi Benjamin Carton, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii). "Il n'y avait plus d'acheteurs pour la dette espagnole, ni pour la dette italienne, donc les taux grimpaient mécaniquement. Il fallait enrayer le processus. La BCE est donc intervenue quand elle a jugé que laisser la situation telle quelle devenait trop critique", précise l'économiste.  

Ce qui a rassuré les marchés

Face au danger de voir l'Espagne à son tour chuter et l'Italie touchée, la BCE a annoncé qu'elle serait prête à jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. "C'est-à-dire à acheter des titres sur les marchés, ce qui soutiendrait mécaniquement leurs cours. Anticipant cela, les investisseurs se sont dit qu'investir dans des titres publics espagnols ou italiens qui sont très décriés était plus avantageux si, le cas échéant, la BCE les rachetait", indique Benjamin Carton.  

"Si les primes de risque sur la dette souveraine handicapent la transmission de la politique monétaire, elles entrent dans le cadre de notre mandat", a déclaré Mario Draghi, sans toutefois donner de détails, laissant la porte ouverte à plusieurs éventualités sur son intervention concrète. "La BCE n'a fait que promettre qu'elle interviendrait si la situation le nécessite, nuance l'économiste du Cepii. La promesse suffit à calmer les marchés. Il faudra sans doute le refaire. Mais les marchés vont tester la BCE pour s'assurer que ce ne sont pas que des promesses." Alors comment expliquer un tel envol des cours des Bourses ? "Par nature, les marchés sont un peu comme des mouvements de foule, avec des moments d'enthousiasme, d'autres de dépression. C'est habituel, les marchés surréagissent aux nouvelles positives ou négatives." 

Mais tout reste à faire... 

La BCE a-t-elle vraiment les moyens d'intervenir ? Elle pourrait reprendre sous peu ses rachats d'obligations publiques sur le marché secondaire (là où s'échangent les titres déjà émis), à l'arrêt depuis quasiment mi-février. Ce programme a été lancé en mai 2010 face une crise de la dette à l'époque circonscrite à la Grèce, puis mis en sommeil, et réanimé il y a un an pour l'Italie et l'Espagne, avant d'être à nouveau gelé. La BCE s'est toujours montrée réticente à l'appliquer en raison des disputes qu'il suscite dans ses rangs. La Banque centrale allemande ou celle des Pays-Bas, par exemple, considèrent qu'il revient à financer les Etats, ce qui est interdit à la BCE par les traités. 

Il faut donc attendre qu'un vrai système d'aide se mette en place. Le futur Mécanisme européen de stabilité (le fonds de secours européen), est suspendu à une validation par des juges allemands en septembre. "La BCE était donc en première ligne, elle ne pouvait pas espérer que quelqu'un d'autre prenne ses responsabilités donc elle a pris les siennes", explique l'économiste, tout en relativisant : "La BCE a déjà fait des interventions qui étaient tout juste dans ses statuts. Cela ne joue que si quelqu'un venait le lui reprocher. Or aujourd'hui, personne ne lui reprocherait de le faire". Même après la mise en place d'un solide fonds de secours européen, "il faudrait encore beaucoup de réformes dans la zone euro pour calmer de façon quasi-définitive les tensions sur les marchés de dettes", prévient Benjamin Carton. 

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