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Présidentielle sénégalaise : Macky Sall, rassembleur par défaut

L'ex-Premier ministre devrait affronter le président sortant au second tour. Retour sur le parcours de l'ancien disciple d'Abdoulaye Wade qui représente aujourd'hui le dernier recours des "tout sauf Wade". 

Article rédigé par Quentin Laurent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Macky Sall, Premier ministre de Wade de 2004 à 2007, a fait campagne sur le thème de la rupture avec son ancien mentor.  (SEYLLOU / AFP)

En 2007, il était un fidèle parmi les fidèles d’Abdoulaye Wade. Son disciple même. Aujourd’hui, il représente son principal concurrent à l’élection présidentielle. Au sortir du premier tour de dimanche 26 février, Macky Sall talonne le président candidat avec 26,57% des suffrages, contre 34,85% à Abdoulaye Wade. L'ex-Premier ministre se qualifie ainsi pour le second round, sans doute le 18 mars, où il affrontera son ancien mentor.  

Candidat de la continuité...

Agé de 50 ans, Macky Sall est né à Fatick, une ville de l’ouest du Sénégal. Cet ingénieur en géologie a commencé sa carrière politique à l'extrême gauche avant de rejoindre, à la fin des années 80, le Parti démocratique sénégalais (PDS) créé par Abdoulaye Wade. Poli, humble et affable, selon les militants, manquant de charisme pour ses détracteurs, il grimpe un à un les échelons au sein du parti puis de l'Etat, de responsable local jusqu’à ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique en 2001. Il devient ensuite ministre de l’Intérieur avant d’être bombardé Premier ministre d'Abdoulaye Wade de 2004.

Mais Macky Sall tombe en disgrâce : en 2007, il doit quitter son poste. Au sein même de son parti, il est chahuté pour avoir voulu entendre Karim Wade, le fils et conseiller du président, sur sa gestion de certaines affaires publiques. Macky Sall perd alors son poste de numéro 2 du PDS, avant d’être évincé de la présidence de l’Assemblée nationale qu’il occupait depuis un an.

Isolé, il décide alors de créer sa propre formation, l’Alliance pour la République (APR), qui remporte plusieurs villes dès les élections locales de 2009. Il reste cependant un candidat dans la même mouvance libérale qu'Abdoulaye Wade. 

... et de la "rupture" 

Depuis le début de la campagne pour la présidentielle de 2012, le candidat de l’APR tente de rassembler en se présentant comme le tenant de la rupture avec le président sortant, en lice pour un troisième mandat. "Avec Macky, il y a un renversement des priorités par rapport à Wade, clame Seydou Gueye, son porte-parole. Nous voulons mettre fin à la misère sociale en instaurant, par exemple, une couverture maladie pour tous les Sénégalais." La lutte contre la corruption constitue une autre priorité mise en avant par le candidat, également défendue comme un point de rupture avec la présidence Wade.

Pour le chercheur Etienne Smith, spécialiste du Sénégal, Macky Sall a marqué des points dans l'élection car "cela fait plus de deux ans qu'il sillonnait le pays en vue de cette élection en prenant en compte les réalités sociologiques de l'électorat sénégalais alors que les autres candidats de l'opposition sortaient à peine de Dakar". Macky Sall représente aussi "une bonne synthèse des terroirs sénégalais" et c'est le seul candidat qui parle trois langues importantes du Sénégal.

Ce travail de fond a permis à Macky Sall de diviser l'électorat d'Abdoulaye Wade par deux. Il a engrangé un nombre important de soutiens, dont ceux d’anciens ministres et députés qui ont peu à peu déserté le camp du chef de l'Etat.

Macky Sall (1er plan au centre) défile avec des leaders de l'opposition pour demander la démission du président Wade, le 3 avril 2010, à Dakar (Sénégal). (SEYLLOU DIALLO / AFP)

Candidat des anti-Wade... 

"Le second tour, nous le prenons comme un véritable référendum pour ou contre Wade", s’exclame Seydou Gueye. Pour l'emporter, Macky Sall espère capitaliser sur le front anti-Wade qui s’est formé à l’approche de l’élection et croit en un report des voix automatique sur son nom.

La majorité des candidats veut en effet éviter à tout prix la réélection de l’actuel président. Elle s'est d'ailleurs opposée à une troisième candidature du chef de l'Etat, arguant de son inconstitutionnalité, et s'est mobilisée quand le Conseil constitutionnel l'a validée. "L'opposition n'a d'autre choix que de suivre [Sall] si elle veut faire partir Wade", poursuit Etienne Smith. Selon lui, si certains candidats pourraient être tentés de monnayer un ralliement de dernière minute à Abdoulaye Wade, cette stratégie ne serait pas payante car "leur électorat ne les suivrait pas"

La dynamique du "tout sauf Wade" est également palpable au sein de la population. Le mouvement de protestation apolitique Y en a marre, fondé en février 2011, bénéficie d'un courant de sympathie conséquent au Sénégal. Un de ses leaders, le rappeur Thiat, résume : "L'important, c'est de se débarrasser de Wade. Si Sall est au second tour, alors on appellera à voter pour lui, pour dégager Wade." 

... au prix de compromis

Si le soutien des opposants au président sortant semble tout acquis à Macky Sall, certains candidats à la présidentielle entendent cependant négocier leur ralliement pour le second tour. "Nous discuterons avec Macky Sall mais nous défendrons notre programme, assure un soutien de Moustapha Niasse, le candidat de la coalition Bennoo Siggil Sénégal, troisième à l'issue du premier tour. Il n'y aura pas de soutien gratuit, de carte blanche, je peux vous l'assurer. Nous essaierons de tomber d'accord pour ce qui est le meilleur pour le pays, et pour faire front face à Wade." 

D'après Etienne Smith, Macky Sall sera "un rassembleur par défaut", car le choix au second tour entre deux candidats de la mouvance libérale "laisse un goût amer" chez certains opposants. Cependant, "la volonté d'en finir avec Wade devrait vaincre ces scrupules malgré tout."

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