: Vidéo Le ciment bas carbone est-il réellement écologique ?
Le secteur du bâtiment, gros émetteur de dioxyde de carbone, entend faire des efforts en termes de développement durable. Pour cela, il mise beaucoup sur le ciment "vert", qui aurait l'avantage d'être décarboné. Mais l'est-il vraiment ?
Le ciment, c’est l’incontournable de la construction, impossible de s’en passer. Mais sa fabrication est très polluante et les industriels aimeraient bien agir pour la planète ! Ils ont donc lancé un ciment vert.
Nous avons visité un des chantiers modèle de Vinci, à deux pas de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Un nouvel hôtel, conçu avec 100% de ciment bas-carbone. Un nouveau ciment qui selon le constructeur permettrait de réduire fortement les émissions de CO2 par rapport à un chantier classique : "Sur ce chantier on économise 600 kilos tonnes de CO2 équivalent, c’est l’équivalent de 600 aller-retour entre Paris et NYC." Une prouesse rendue possible par un tour de passe-passe, et un vide juridique.
Pour fabriquer du ciment, il y a deux méthodes :
- A l’ancienne, il faut extraire du calcaire et de l’argile, les chauffer à 1 500 degrés, les broyer et les transporter. C’est très polluant !
- Mais il y a aussi la technique bas carbone où l’on remplace l’extraction du calcaire et de l’argile par du laitier. Il s'agit d'un déchet de la fabrication de l’acier à la sortie des hauts fourneaux.
Ce laitier a la particularité de n'afficher qu'un très faible taux d'émissions de dioxyde de carbone. C'est justement ce que met en avant Rory Mc Neill, directeur commercial chez Ecocem France, un des leaders de ce marché en expansion : "En sortie de l’usine, chez nous, le laitier sort avec 17 kilos de CO2."
À en croire Ecocem, le laitier sortirait donc de l'usine en ayant émis 17kg de CO2. Soit 45 fois moins que le ciment traditionnel évalué à 765 kg de CO2. Une performance écologique qui doit moins aux efforts environnementaux des industriels qu’à l’imprécision d’une norme, la 15804, qui oublie d’attribuer aux laitiers une part du CO2 émis par les hauts fourneaux.
Un vide juridique qui permet artificiellement au ciment bas carbone de se repeindre en vert comme nous l'a confirmé le ministère du logement : "Chacun se renvoie la balle. En amont, les aciéries qui produisent ce déchet ne le comptent pas dans leur bilan carbone. En aval, les gens du béton ne le comptabilisent pas non plus. C’est compté nulle part sauf que ce matériau existe bien."
Voilà comment grâce à un trou dans la réglementation, un ciment polluant devient écologique dans les fiches des constructeurs. Peu importe pour Bruno Paul-Dauphin, directeur de l’offre béton bas carbone de Vinci construction, qui préfère regarder l'étiquetage écologique de ses matériaux : "Pour nous ce qui est important, c’est qu’au niveau du béton, les fiches de données environnementales et sanitaires indiquent une information bas carbone, c’est ce que l’on prend en compte."
Le gouvernement affirme qu’il mettra un terme à ce vide juridique dès l’année prochaine. Le CO2 émis pour fabriquer le laitier de haut fourneau sera bien comptabilisé. Le béton bas carbone, risque de l’être beaucoup moins.
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