: Vidéo Quand des détenus sont libérés sans avoir été jugés
En France, quand un juge veut convoquer un détenu pour l’interroger, il doit demander une extraction judiciaire. Une procédure qui peut prendre très longtemps, au risque d’être contraint de libérer des détenus avant même qu’ils ne soient jugés.
Le 18 octobre dernier, au centre de détention de Béziers, une scène improbable s’est déroulée. Les gardiens libèrent un présumé trafiquant de drogue, arrêté quatre mois plus tôt avec 15 kilos de cannabis. Ce dernier ressort sans avoir été jugé.
Nous avons pu joindre cet ancien détenu d’origine espagnole. Ce dernier clame son innocence et admet avoir été lui-même surpris de sa libération sans qu'il n'ait pu avoir de procès : "Ils ne m'ont rien dit. Juste, vous êtes libre, dehors ! Après m'avoir gardé quatre mois, ils m’ont donné un papier et laissé sortir sans condamnation."
En cause, le manque de surveillants pour assurer son escorte de la prison jusqu’au tribunal de Montpellier. Or, nul ne peut être détenu plus de 4 mois sans voir un juge. L’avocat de l’ancien prisonnier, Marc Gallix estime qu’il n’aura jamais à plaider ce cas : "Je pense que cette personne on ne la reverra plus, son affaire s’arrête là. Il était dans une affaire relativement importante et a été remis en liberté au bout de 4 mois parce que le juge d’instruction n’a pas pu le faire venir dans son bureau."
Ces dysfonctionnements se multiplient avec la réforme du transfert des détenus. Désormais dans toute la France, les escortes ne sont plus assurées par la police ou la gendarmerie mais par l’administration pénitentiaire.
L'Union syndicale des magistrats a rédigé un livre blanc sur ces ratés. D'après son secrétaire générale adjoint, Florent Boitard, le manque d'effectifs peut avoir de graves conséquences : "On a vu que dans toutes les régions on avait ces difficultés, on avait des présidents de tribunaux correctionnels, qui nous disaient que pour des faits graves, de cambriolage, d'agression sexuelle, ils ont été contraints à plusieurs reprises de libérer un individu car la prison ne pouvait pas l’emmener pour le juger."
Cette nouvelle organisation conduit parfois à des situations surprenantes. Au Puy-en-Velay, avant la réforme, entre la maison d’arrêt et le tribunal, le transfert d’un prisonnier prenait sept minutes. Depuis la réforme, pour assurer ce court trajet, il n'y a plus d’escorte disponible sur place. Il faut donc faire venir deux équipes, l’une de Riom, et l’autre d’Aurillac. Au total, le trajet prend 5 heures aller-retour.
Une aberration selon Didier Pla, délégué FO pénitentiaire à la maison d'arrêt du Puy-en-Velay : "Ca arrive deux fois par semaine, des fois juste pour signer un document. Nous on trouve que ça revient cher à l’administration."
La porte-parole du ministère de la Justice, Agnès Thibault-Lecuivre considère que 1800 surveillants en charge des transferts de détenus, c’est suffisant s’ils sont mieux répartis : "Il n’y a pas de création de poste envisagé. L'idée, c'est de répartir de façon la plus optimale possible ces effectifs pour qu’on ait un taux de carence de plus en plus bas".
La chancellerie reconnaît qu’en moyenne une fois sur dix, elle est incapable d’assurer le transfert d’un détenu entre la prison et le tribunal.
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