Etats-Unis : au cœur d'une investigation de "Complément d'enquête", le site de désinformation The Gateway Pundit démonétisé par Google
La décision du géant du web a été annoncée quelques jours avant la diffusion de l’émission "Fake news : la machine à fric".
Quelques semaines après avoir été interpellé par une équipe de "Complément d'enquête" à propos de The Gateway Pundit, un des plus importants sites de désinformation au monde, Google a décidé fin août de suspendre la monétisation de ses publicités sur le site, a pu confirmer France Télévisions vendredi 3 septembre.
C'est le fondateur du site, le très conservateur Jim Hoft, qui a annoncé la nouvelle par communiqué : "Nous avons appris vendredi [27 août] que Google avait exclu The Gateway Pundit de son système de monétisation publicitaire. The Gateway Pundit fait partie des 200 plus importants sites web américains (…). A cause de notre succès continu et de nos orientations conservatrices, nous sommes régulièrement censurés et interdits par les géants de la technologie. Malgré cela, nos chiffres continuent de grossir d'année en année. Google est sûrement l'une des entreprises les plus dangereuses dans le monde aujourd'hui."
Cette sanction de Google survient alors que The Gateway Pundit, créé en 2004, est au cœur d'une investigation du magazine "Complément d'enquête" depuis plusieurs mois. La décision du géant du web a été annoncée quelques jours avant la diffusion de l'émission "Fake news : la machine à fric", dans laquelle les journalistes Aude Favre et Sylvain Louvet avaient interviewé le responsable des politiques publiques de Google France, et l'avaient interrogé sur le cas de The Gateway Pundit.
Des recettes estimées à 200 000 euros par mois
Tout commence en mai dernier. La journaliste Aude Favre convainc le très discret Jim Hoft, créateur de ce site controversé, de recevoir les caméras de France 2 dans sa luxueuse villa de la banlieue de Saint-Louis, dans l'Etat du Missouri. Avec les fake news diffusées sur son site – comme des articles expliquant que les masques sont "inefficaces et peuvent provoquer une mort prématurée" ou encore que le gouvernement américain aurait "approuvé une vidéo de Joe Biden appelant à un djihad musulman" –, The Gateway Pundit revendique 50 millions de pages vues chaque mois. Ce qui, selon un expert contacté par France 2, pourrait lui rapporter 200 000 euros mensuels.
Interrogé sur sa participation à un "business de la désinformation", Jim Hoft s'était défendu en expliquant : "Ici, les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, et il faut qu'ils le fassent. Et c'est pas un crétin de Google qui va les faire taire. Je suis pas nazi, mais les nazis ont tout à fait le droit de s'exprimer. (…) Au Gateway Pundit, nous sommes à la pointe du combat pour la liberté d'expression. On veut sauver l'Amérique, parce que – et ça, je pense que les Européens, vous ne comprenez pas – l'Amérique est à la pointe du combat pour la liberté d'expression. Et si nous échouons dans cette mission, le monde entier court à sa perte, donc franchement, allez-vous faire foutre !"
Après cette interview houleuse, Jim Hoft avait publié un photomontage d'Aude Favre dans un article intitulé "Une organisation liée à Bill Gates envoie un joli appât français pour démolir The Gateway Pundit. Mais elle a lamentablement échoué, et est rentrée chez elle".
Google était alerté depuis plusieurs années
En juillet, les équipes de "Complément d'enquête" avaient rencontré Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques de Google France. Le géant du web, qui s'exprime rarement sur le sujet, s'était alors engagé à étudier de près la liste des sites de désinformation qui, d'après "Complément d'enquête", sont alimentés par Google.
Les journalistes avaient notamment interrogé Benoît Tabaka sur le cas de The Gateway Pundit, démontrant que le site semblait bien contrevenir aux règles de Google, qui assure proscrire le "contenu qui fait état de déclarations manifestement fausses, et susceptibles d'affaiblir considérablement la participation à un processus électoral ou démocratique, ou la confiance dans celui-ci" ou encore le "contenu relayant des allégations dangereuses dans le domaine de la santé, ou lié à une crise sanitaire majeure actuelle et contraire au consensus scientifique officiel". Quelques semaines plus tard, Google envoyait un mail à Jim Hoft, publié sur son site, pour lui signifier l'arrêt de la monétisation de ses publicités.
Grâce aux publicités acheminées par Google, les producteurs de désinformation toucheraient chaque année plus de 86 millions de dollars, d'après l'ONG Global Disinformation Index. Les associations de lutte contre les fausses infos interpellaient Google depuis plusieurs années sur le cas du site de Jim Hoft. Contacté après l'annonce de The Gateway Pundit, Google ne nous a pas répondu.
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