: Vidéo Accusée de management brutal au Média, Sophia Chikirou aurait-elle eu des pratiques contraires aux valeurs de La France insoumise ?
Selon les fondateurs, l'aventure s'annonçait passionnante : une web-télé innovante, au fonctionnement collaboratif et au financement participatif, assumant un journalisme engagé et défendant des valeurs chères à la gauche, "humaniste, antiraciste, écologiste, féministe et collective". Lancé en décembre 2017 par des proches de La France insoumise, Le Média se voulait une alternative au système médiatique traditionnel, ligne éditoriale "tout à fait ouverte" et organisation horizontale, sans hiérarchie.
"Dans ce qu'on appelle communément, dans le jargon des entreprises, la gestion des ressources humaines, il faut qu'on applique des principes humanistes", prônait Sophia Chikirou, celle qui l'a cofondée avec le psychanalyste Gérard Miller. Pourtant, des témoignages recueillis par "Complément d'enquête" dénoncent une gestion très éloignée de ces valeurs, et même un management brutal. Sophia Chikirou, par ailleurs directrice de la communication des campagnes de Jean-Luc Mélenchon, aurait-elle un comportement contraire aux idéaux affichés par LFI ? A peine quelques semaines après le premier JT, le divorce semble déjà consommé entre la présidente du Média et la rédaction.
"J'ai vu des gens partir en pleurant"
"J'espère dans ma vie ne jamais retravailler dans une entreprise qui ressemblerait au Média", confie le journaliste Kévin Boucaud-Victoire, aujourd'hui rédacteur en chef au sein du magazine Marianne. Il dénonce des journées de 14 heures et des semaines à rallonge lorsqu'il était en charge du site internet au Média. Selon lui, ses collègues se disent alors "épuisés" par les rythmes de travail, et "beaucoup se plaignent de la gestion de Sophia". Il affirme que du point de vue de celle-ci, au contraire, "ça ne bosse pas assez", les journalistes sont des "branleurs".
Un autre journaliste témoigne anonymement d'"un certain nombre de choses inqualifiables", de gens qui partent en pleurant, de malaises, de cris dans le bureau de Sophia Chikirou. Il évoque aussi certains manquements au droit du travail, comme cet "épisode qui a marqué pas mal de salariés : une sorte d'épidémie de gale" qui aurait provoqué "dans n'importe quelle entreprise" l'intervention d'une entreprise de désinfection. Selon lui, non seulement Sophia Chikirou "a dit non, parce qu'elle ne voulait pas dépenser d'argent", mais de plus, "elle a demandé aux salariés de continuer à venir en présentiel dans les locaux. On a halluciné. Là, on voit qu'il y a un problème de management toxique."
"Bande de tafioles de merde"
"Complément d'enquête" s'est également procuré des fils de discussion internes au Média. "Aujourd'hui on envoie qui à l'hôpital ?", écrit Sophia Chikirou au lendemain du malaise d'un salarié, qui a été transporté aux urgences. Il y a aussi cette réaction à une demande des journalistes, qui souhaitent que le Média fasse son "mea culpa" dans un communiqué après la diffusion d'une information fausse : "Ils le font, le signent et se le mettent dans le cul profond, cette bande de tafioles de merde."
Le politologue Thomas Guénolé, un ancien proche de La France insoumise aujourd'hui en rupture avec le mouvement, ne comprend pas "ce hiatus fondamental" : "Comment on peut à la fois n'avoir que l'humanisme à la bouche, et le partage, et la générosité, et la fraternité et, en même temps, traiter les gens en interne comme de la merde ?" Contestée de toutes parts, Sophia Chikirou quittera Le Média six mois à peine après l'avoir lancé.
Extrait de "Sophia Chikirou, la dame de piques de Jean-Luc Mélenchon", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 5 octobre 2023.
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