: Vidéo "Je n'ai pas signé pour être la victime des déviances de mes supérieurs" : après avoir dénoncé des agressions sexuelles au sein de l'armée, Ninon a préféré rendre son treillis
"Mon colonel (...) Le jour de la signature de mon contrat, soit le 3 mai 2022, j'ai fait le choix de mettre toutes mes compétences au service de la population, au nom des valeurs fondamentales de la France, et si nécessaire au péril de ma vie. Je n'ai pas signé pour être la victime des déviances de mes supérieurs ou de mes collègues, je n'ai pas non plus signé pour être témoin d'un déni général en ce qui concerne le bien-être de vos soldats." Ces phrases fortes sont extraites d’une lettre que Ninon Mathey a écrite à son supérieur. Elle y raconte l’agression sexuelle qu’elle dit avoir subie au sein de son régiment. Une lettre à laquelle elle assure n'avoir jamais reçu de réponse.
Tout avait pourtant bien commencé pour cette jeune femme qui s'est engagée à 21 ans dans un régiment d'artillerie. Elle est sortie major de ses trois mois de classes. Elle raconte qu’un brigadier lui aurait fait des avances, l’aurait interrogée sur sa vie sexuelle, et l’aurait agressée sexuellement.
L'agression, "un cauchemar sans fin"
Un soir, dans un couloir isolé, il l'aurait interpellée. Sur son ordre, Ninon se serait assise près de lui, tout en restant sur ses gardes. Elle raconte : "En une fraction de seconde, il me chope par les chevilles, il me traîne sur le sol, et lui s'assoit, en même temps, et il me tire sur lui. Ça part comme ça, et moi, je lui dis 'Non, non, non', 'Brigadier, lâchez-moi, je veux juste aller me coucher'."
Mais son agresseur aurait persisté, tentant de la toucher, de l'embrasser, jusqu'à "passer la main entre [s]es jambes par-dessus [s]on short et à [la] toucher". Ninon en garde "l'impression d'avoir vécu un cauchemar sans fin".
Quatre plaintes classées sans suite
Ninon en parle aussitôt à ses camarades militaires féminines, et découvre que trois autres jeunes femmes auraient elles aussi subi des violences sexuelles de la part du même brigadier. Ensemble, elles décident d'abord de se taire, de peur de briser leur carrière. Mais quelques semaines plus tard, l'une d'entre elles en parle à sa hiérarchie. Quatre plaintes sont déposées à la gendarmerie, dont une pour viol. Elles seront classées sans suite, faute de preuves suffisantes, comme l'immense majorité des plaintes pour violences sexuelles.
Du côté de l'armée, Ninon et ses camarades sont entendues. Le brigadier écope d'une sanction disciplinaire, mais il reste en poste. Elle peut le recroiser à tout moment. Ne se sentant pas en sécurité dans ce régiment, elle reste chez elle, en arrêt maladie... isolée, traumatisée. Six mois après l'agression décrite par Ninon Mathey, elle dit avoir reçu un document chez elle, lui signifiant la fin de son contrat. Ninon Mathey a déposé un recours contre la résiliation de ce contrat, et l'a gagné. Toutefois, en 2023, après avoir été déclarée inapte au service par un médecin, elle a définitivement rendu son treillis.
Contacté, le ministère des Armées a indiqué à "Envoyé spécial" que la sanction infligée au brigadier mis en cause était en cours de réexamen. Et a précisé : "Le ministre a, par instruction du 26 mars, rappelé les fondamentaux : protéger la victime, saisir systématiquement le procureur de la République et sanctionner lourdement l’auteur. Depuis l’instruction, 29 signalements au procureur ont été faits, 13 suspensions ont été prononcées (zéro auparavant)." Le ministère a également affirmé au magazine qu’une instruction serait signée prochainement pour mettre en œuvre un programme de lutte global et durable contre les violences sexuelles et sexistes.
Extrait de "Fin du silence dans les rangs", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 13 juin 2024.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.