Lucie Pinson (DG de Reclaim Finance) : "Les banques françaises doivent cesser tout financement aux projets d'utilisation des énergies fossiles"
Elle vient de remporter le prix Goldman pour l’environnement : Lucie Pinson, directrice générale de l’ONG Reclaim Finance, est l’invitée de Stéphane Dépinoy.
Lucie Pinson, directrice générale de Reclaim Finance, a été récompensée du prestigieux prix Goldman pour l’environnement. L’ONG vise notamment à aider les banques à cesser de financer les énergies fossiles : "Nous savons que nous devons tout faire pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, pour ça il faut notamment s’attaquer aux énergies fossiles. Et pour cela, la finance est très utile, car tout nouveau projet de charbon, de pétrole ou de gaz ne peut se développer qu’avec des financements, à travers plusieurs couvertures d’assurance et d’investissements. C’est un levier majeur de transformation des sociétés, surtout en France, qui possède le 4ème secteur bancaire au monde. Ces institutions financières jouent un rôle clé dans le développement des projets, et peuvent également inciter les entreprises comme Total et Engie à se transformer et à arrêter de développer de nouveaux projets qui sont incompatibles avec les objectifs climatiques."
"Il y a des coûts humains, environnementaux et sociaux dans l’utilisation des énergies fossiles. Cela entraîne un risque sur la réputation des établissements qui les financent"
Reclaim Finance pratique une forme de « Name and shame », qui désigne le fait du montrer du doigt pour inciter à changer son comportement : "Nous jouons beaucoup sur le levier réputationnel. Mais avant tout, nous rencontrons les entreprises et leur présentons des arguments. Nous leur montrons que sur le long terme, la logique économique et financière ne tient pas dans le financement des énergies fossiles. Nous montrons qu’il y a des coûts humains, environnementaux et sociaux immédiats dans leur financement. Ces coûts-là entraînent un risque d’image ou de réputation pour ces établissements" explique Lucie Pinson, qui avoue qu’elle et Reclaim Finance ne sont "pas toujours bien reçus" en interne ou dans les assemblées générales d’actionnaires : "Nous nous rendons tous les ans aux assemblées générales d’actionnaires pour les interpeler et les forcer à donner des réponses publiques, puisque ça les met face à un dilemme : soit ils répondent favorablement à nos demandes, soit ils n’agissent pas et ils montrent que justement leur discours en matière climatique ne tient pas l’analyse chiffrée."
Et cette méthode produit-elle des résultats ? "Ce qui est intéressant est qu’au bout d’un moment, les institutions financières arrêtent de penser uniquement en gestion de risque financier et au court terme. Il y a un inversement de la logique et de logiciel. Aujourd’hui, il s’agit davantage pour ces acteurs d’appliquer les leçons sur le pétrole et le gaz. Aujourd’hui, BNP Paribas ou Crédit agricole financent Total, alors que Total développe de nouveaux projets dans les gaz et pétrole de schiste, en Arctique, en Afrique… Il y a notamment l’exemple du brut chauffé entre l’Ouganda et la Tanzanie développé notamment par Total, qui a non seulement un impact sur la biodiversité (se situant dans la région des grands lacs), mais entraînent également des grands déplacements de population forcée, et sont strictement incompatibles avec le budget carbone mondial. Donc si les banques françaises se disent engagées pour le climat, elles doivent absolument conditionner tout financement à Total à l’arrêt de ce projet."
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