Rébellion de Prigojine, la milice Wagner, Poutine, le rôle des Occidentaux... Ce qu'il faut retenir de l'interview de Raphaël Glucksmann et Guillaume Ancel
Vladimir Poutine sort "humilié" de la rébellion du groupe paramilitaire Wagner en Russie, a souligné lundi 26 juin Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique, invité du 8h30 franceinfo. "En réalité, il est humilié depuis 15 mois par la résistance ukrainienne, et il faut qu'il soit humilié", ajoute celui qui siège parmi les socialistes au Parlement européen. "Dans l'histoire, les dirigeants fascistes ne tombent pas tant qu'ils ne sont pas humiliés, tant qu'ils ne sont pas défaits militairement", pointe-t-il.
De son côté, Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée française et expert militaire, estime que la milice Wagner n'a "plus de soldats". Selon lui, "Prigojine a fait massacrer l'essentiel de ses mercenaires dans la bataille de Bakhmout qu'il a perdue".
La rébellion de Wagner : "L'échec de l'armée russe"
"Poutine a vraiment vacillé pendant 24 heures. Le pouvoir absolu de Poutine a vacillé, vacillé du fait d'une de ses créatures", a expliqué Guillaume Ancel. Selon l'expert militaire, cette rébellion avortée "est l'échec de l'armée russe en Ukraine qui fait qu'Evgueni Viktorovitch Prigojine se révolte contre une armée russe dont il comprend bien qu'elle est incapable de s'opposer à la puissance de l'armée ukrainienne soutenue par les Alliés".
"Pour Poutine, le fait que son chien de guerre se révolte, c'est une humiliation", a surenchéri le député européen de Place Publique Raphaël Glucksmann. "Prigojine était l'homme qui assumait tous les conflits que Poutine ne pouvait pas assumer lui-même" notamment en Afrique, explique-t-il.
Le sort du chef de la milice Wagner reste en suspens et son avenir est très incertain. La Biélorussie pourrait l'accueillir dans les prochains jours : "Il va falloir régler son sort. Il a osé défier le pouvoir Poutine. C'est bien Poutine en fait à qui il s'est attaqué alors que c'était sa créature. Poutine ne peut pas en rester là", assure Guillaume Ancel. Selon lui, le milicien a fait une erreur stratégique : "Un héros qui se retire n'est plus un héros, c'est quelqu'un de perdu. Ce qu'a fait Prigojine, c'était une erreur fatale : se révolter contre son maître et se rétracter. Il fallait qu'il aille jusqu'au bout. Et maintenant, son destin, c'est de disparaître", a-t-il assuré. Guillaume Ancel "pense que le FSB, l'ancien KGB, a joué un rôle clé pour stopper cette crise et empêcher Prigojine d'avoir les soutiens dont il avait besoin pour renverser le pouvoir."
Milice Wagner : Elle "n'a plus de soldats"
"Wagner n'a pratiquement plus de soldats", affirme Guillaume Ancel. Prigojine a fait massacrer l'essentiel de ses mercenaires dans la bataille de Bakhmout qu'il a perdue. En réalité, il a fait massacrer plus de 20 000 hommes, il y a plus de 80 000 blessés du côté de Wagner, ce qui veut dire que Wagner n'existe quasiment plus en termes de soldats", assure le spécialiste militaire. Dans les convois qui remontaient vers Moscou samedi dernier, c'était "des camionnettes. Il y avait très peu de matériel militaire", a-t-il indiqué. Par ailleurs, "ce qui inquiétait beaucoup le pouvoir russe, c'est qu'à l'intérieur, il y avait sans doute des unités militaires régulières", a-t-il expliqué. Selon lui, "l'essentiel de la force de Wagner, c'est sa puissance de communication. Ce sont des armées de trolls et sa capacité à communiquer".
Vladimir Poutine : "Un mafieux" qui a créé un "chaos permanent"
L'homme fort du Kremlin "est un mafieux qui a cultivé des mafieux et qui a créé un chaos permanent. Le chaos dans leurs frontières et le chaos à l'extérieur de leurs frontières", a expliqué Raphaël Glucksmann. Poutine agit avec ses opposants comme la mafia peut agir : "Il y a combien de gens qui sont passés par la fenêtre, qui ont bu du thé, qui sont morts du fait de Vladimir Poutine ?", s'est-il interrogé. Des éliminations physiques organisées sur notre propre territoire, assure-t-il : "Je trouve hallucinant dans la faiblesse des réactions des Occidentaux depuis des décennies maintenant, c'est que ce régime mafieux a emmené ses tentacules au cœur même de nos cités et que nous n'avons pas réagi", a-t-il dénoncé.
Guillaume Ancel confirme le "système mafieux". Selon lui, "il faut bien regarder Prigojine comme étant le miroir de Poutine. C'est juste une de ses créatures qui s'est révoltée contre lui. C'est l'image de son miroir qui d'un seul coup lui rentre dedans", dit-il. À partir d'aujourd'hui, "la clé de cette guerre" en Ukraine, "c'est Poutine et le régime mafieux qui règnent en Russie. Le jour où ce régime chute, on pourra discuter avec ses successeurs", a-t-il expliqué.
Les Occidentaux : "Il faut humilier ce régime"
Maintenant que le chef des miliciens est entré dans le rang, "il faut impérativement que la Russie perde militairement en Ukraine et qu'on sorte de notre esprit cette idée qu'il faut absolument une porte de sortie à Poutine, qu'il faut absolument éviter l'humiliation du peuple russe et du régime russe", affirme avec force Raphaël Glucksmann. "C'est une erreur stratégique fondamentale. Il faut humilier ce régime. Il faut que le régime lui-même soit humilié. Il faut que la population russe sente que cet impérialisme est une impasse et que finalement tout cela va conduire à la perte de la Russie", a-t-il poursuivi. Selon l'eurodéputé, les Occidentaux doivent aller plus dans leur soutien à l'Ukraine et doivent "désormais afficher clairement un objectif stratégique" qui est, selon lui, que "le dernier soldat russe doit quitter le sol d'Ukraine". Pour cela, "il faut inverser le rapport de force, bien plus que nous le faisons aujourd'hui. Nous avons livré suffisamment d'équipements à l'Ukraine pour que l'Ukraine ne s'effondre pas. Pour que l'Ukraine résiste désormais, il faut livrer suffisamment d'équipements, pour que l'Ukraine l'emporte militairement. C'est ça l'enjeu des semaines qui viennent", explique-t-il.
Raphaël Glucksmann a pointé la position d'Emmanuel Macron : "Il faut arrêter avec cette idée de la France puissance de médiation. La France est une puissance européenne qui va être le cœur de la construction de la défense européenne et cela commence par être au cœur de la résistance à l'offensive et à l'agression de Vladimir Poutine", a-t-il affirmé.
De son côté, Guillaume Ancel critique également le chef de l'État français qui est, selon lui, dans "la confusion" entre "la puissance européenne et la puissance française. C'est assez regrettable que quand il parle de la relation avec Poutine, il ne dise pas au nom de l'Union européenne", a-t-il déploré. "Aujourd'hui, cette guerre en Ukraine, c'est d'abord un défi pour l'Europe. Ce n'est pas la France qui peut gagner face à Poutine", a-t-il estimé. "Emmanuel Macron est extrêmement ambigu", a-t-il ajouté.
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