"Boxer comme Gratien" de Didier Castino : le roman d'un champion des années 70
C’est un roman à la fois complexe et sensible que nous propose Didier Castino, sur le thème de la boxe : sport ô combien romanesque. Le Gratien du titre, c'est Gratien Tonna, boxeur talentueux des années 70. Une force de la nature, une gueule de voyou, né à Tunis, dans une famille pauvre d’origine maltaise. Gratien Tonna aime se battre dans la rue avant de découvrir la boxe. Il débarque à Marseille en 1967 et sa carrière explose.
Gratien Tonna devient l’un des meilleurs poids moyens du monde. Puissant, brutal, pas très fin technicien, il vole pourtant de victoire en victoire, mais ne sera jamais champion du monde, battu notamment par la légende argentine, Carlos Monzon. Un jour, l’un de ses managers lui aurait même dit : "Si tu avais été intelligent, tu aurais été champion du monde".
Peu importe, Tonna devient une vedette à Marseille et ailleurs. Suivent des années de flambe et de fête : l'argent qui file, l'alcool, les filles, les amis opportunistes et les mauvaises fréquentations. Il tue même un policier dans un accident de la route. Il ira en prison. Il sera aussi accusé de proxénétisme, accusation qu’il a toujours niée. Gratien Tonna est un écorché vif, qui se retourne longtemps encore après la mort de son jeune frère qui le suivait comme son ombre, quand il était enfant.
Aujourd'hui, Gratien Tonna est un vieil homme sans argent, entouré de quelques proches dans un mobil-home déglingué, dans le sud de la France. Didier Castino nous plonge dans cette vie chaotique.
Didier Castino ne propose pas une biographie classique
L'auteur imagine un prétexte pour aborder ce sujet. Une sorte d’enquête littéraire où un auteur est chargé par un ami, une connaissance de Gratien Tonna, d’écrire sur le boxeur pour lui redonner la place qu’il mérite. Et finalement, Didier Casino approche comme rarement, la violence incroyable de la boxe. Il trouve derrière la puissance brutale de Tonna, l'enfant qu’il a été : illettré, mal à l’aise, sauf dans les moments d’euphorie qu’offrait la victoire sur un ring. Voilà le ressort de Tonna : trouver sa place dans un monde qu’il ne comprend pas. Et c’est pour ça qu’il boxe.
Castino trace un portrait de Gratien Tonna incroyablement émouvant et romanesque. Si ce n'était son physique de brute, après la lecture de ce roman, on aurait envie de serrer Tonna dans ses bras, comme on consolerait un enfant fragile et tendre. Sacré paradoxe pour un homme qui fracassait ses adversaires ! Didier Castino signe un formidable roman sur ce boxeur oublié.
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