"L'enclave" de Benoît Vitkine
Benoit Vitkine nous raconte le parcours d’un jeune russe de Sovetsk, au bord du fleuve Niémen, à la frontière Lituanienne. Son surnom "Petit Gris", petit voyou indomptable, qui sort après un bref séjour en prison. On est en 1991 et l’Urss explose. L’enclave, c'est Kaliningrad, ce territoire russe, ancienne Prusse-Orientale, au bord de la Baltique, séparée du reste de la Russie par les pays baltes.
"Petit Gris" doit retrouver sa mère à Sovetsk. Mais avant de retrouver son foyer, un vieux mafieux russe qui l’avait pris sous sa protection en prison, lui a demandé un service : se rendre à Kaliningrad pour porter un message. Sur la route, il s’égare un peu. Il croise différents personnages dans son périple. Autant de portraits humains de l’Urss en train de basculer dans ce nouveau monde très incertain. Et "Petit Gris", le voyou adolescent sans morale, apprend à ses dépens. Il va devoir survivre avec de nouveaux codes dans cette nouvelle jungle que sera la Russie. Il le comprend très vite. Sa seule richesse sera la liberté.
Pas vraiment sympathique violent, voleur cynique mais avec parfois quelques éclairs d’humanité "Petit Gris" reste malgré tout attachant, tant Benoît Vitkine le décrit bousculé par le monde qui l'entoure.
Benoît Vitkine, correspondant permanent du journal Le Monde à Moscou
Ses précédents romans avaient quelque chose de plus journalistique que celui-ci. C’était vrai avec Donbass et encore plus avec Les Loups où il nous emmenait dans l'Ukraine de l’après Maidan. Celui-ci s'arrête plus volontiers sur ce personnage de "Petit Gris". Et il nous plonge en quelque sorte dans les racines du monde russe que l'on connaît aujourd'hui : la Russie de Poutine et sa population qui semble anesthésiée. Et c’est comme si Benoît Vitkine nous expliquait par petites touches comment on en est arrivé là.
Au passage, il nous livre une petite leçon d'histoire, avec cette enclave qui a été prussienne avant d’être russe. Kaliningrad s’appelait Königsberg, la ville de Kant. Sovetsk, la ville de "Petit Gris" s’appelait alors Tilsit, comme la paix du même nom signée par Napoléon avec Alexandre 1er, en juillet 1807. Les populations ont dû être livrées aux chamboulements de l’Histoire, comme souvent avec la Russie. Bref c’est passionnant, et je conseille vivement la lecture de ce nouveau roman de notre confrère.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.